Maladie d’Alzheimer

Une maladie neurodégénérative complexe mais de mieux en mieux comprise

La maladie d’Alzheimer résulte d’une lente dégénérescence des neurones, débutant au niveau de l’hippocampe (une structure cérébrale essentielle pour la mémoire) puis s’étendant au reste du cerveau. Elle est caractérisée par des troubles de la mémoire récente, des fonctions exécutives et de l’orientation dans le temps et l’espace. Le malade perd progressivement ses facultés cognitives et son autonomie.

On ne sait pas encore guérir cette maladie, mais notre connaissance de ses facteurs de risque et de ses mécanismes évolue de façon spectaculaire depuis quelques années.

Dossier réalisé en collaboration avec David Blum (directeur de recherche Inserm, équipe Alzheimer et tauopathies, Centre de recherche Jean Pierre Aubert, unité 1172 Inserm/Université de Lille), Luc Buée (directeur du Centre de recherches Jean-Pierre Aubert) et Florence Pasquier (PU-PH en neurologie, responsable CMRR et directrice du Centre d’excellence maladies neurodégénératives de Lille LiCEND)

Comprendre la maladie d’Alzheimer

Rare avant 65 ans, la maladie d’Alzheimer se manifeste d’abord par des pertes de mémoires, suivies au cours des années par des troubles cognitifs plus généraux et handicapants. 

Parmi les cas survenant chez les moins de 65 ans, 10% concernent des personnes atteintes de formes familiales héréditaires rares de la maladie. Après cet âge, la fréquence de la maladie s’élève à 2 à 4% de la population générale. Elle augmente rapidement pour atteindre 15% de la population à 80 ans. Ainsi, environ 900 000 personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer aujourd’hui en France. Elles devraient être 1,3 million en 2020, compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie. 

Les femmes âgées semblent plus exposées puisque, sur 25 malades, 10 sont des hommes et 15 des femmes, mais cette différence pourrait être liée aux écarts d’espérance de vie. 

De la perte de mémoire à la dépendance

  • Le trouble de la mémoire est le plus fréquent et le plus perceptible des symptômes associés à la maladie d’Alzheimer.
  • Des troubles des fonctions exécutives (programmation, séquence de réalisation d’un but… ) sont également très évocateurs : par exemple ne plus savoir comment se servir de son téléphone ou comment préparer une recette jusque-là bien connue.
  • Les problèmes d’orientation dans le temps et dans l’espace sont également révélateurs : les personnes qui développent la maladie se perdent sur un trajet habituel ou ne savent plus se situer dans le temps.
  • Plus rarement, des troubles du langage ou de la vision élaborée (lecture, repérage des objets…) peuvent s’observer au début de la maladie.

L’extension de la maladie se traduit par des troubles progressifs du langage oral (aphasie) et écrit (dysorthographie), du mouvement (apraxie), du comportement et de l’humeur (anxiété, dépression irritabilité) et du sommeil (insomnie).

Il faut cependant souligner que cette progression n’est ni unique, ni forcément catastrophique : tous les patients ne présentent pas le même tableau clinique, ne vivent pas la même évolution, ni ne souffrent du même handicap. On peut bien souvent longtemps continuer à avoir une vie sociale, intellectuelle et affective avec la maladie d’Alzheimer...


Trous de mémoire : consultez !

Tout un chacun a parfois des trous de mémoire. Toutefois, lorsque des oublis inhabituels préoccupent une personne (ou son entourage) et la gênent dans sa vie quotidienne au point de ressentir le besoin d’en parler à un médecin (généraliste, neurologue, gériatre ou psychiatre), la plainte doit être prise très au sérieux et faire l’objet d’une évaluation précise. La France a créé un réseau de « centres mémoire » hautement spécialisés dans le diagnostic de ces affections, comptant plus de 400 sites de consultation répartis sur le territoire. 


Un mécanisme identifié, mais…

Examiné après leur décès, le cerveau des patients atteints de maladie d’Alzheimer porte deux types de lésions : les dépôts amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires. Chacune de ces lésions est associée à une protéine : le peptide ß‑amyloïde pour les dépôts amyloïdes, et la protéine tau phosphorylée pour les dégénérescences neurofibrillaires. 

La protéine ß‑amyloïde, naturellement présente dans le cerveau, s’accumule au cours des années sous l’influence de différents facteurs génétiques et environnementaux. Elle finit par former des dépôts amyloïdes, aussi appelées « plaques séniles ». Selon l’hypothèse de la « cascade amyloïde », l’accumulation de ce peptide amyloïde induit une toxicité pour les cellules nerveuses, se traduisant par l’augmentation de la phosphorylation d’une protéine de structure des neurones, la protéine tau. La phosphorylation de la protéine tau entraîne à son tour une désorganisation de la structure des neurones et une dégénérescence dite « neurofibrillaire ». A terme, cette dernière mène à la mort des cellules nerveuses. Très lent, ce processus prend plusieurs dizaines d’années à s’établir avant que des symptômes de la maladie n’apparaissent.

Formulée au début des années 1990, l’hypothèse de la cascade amyloïde reste valide mais elle s’est peu à peu étoffée et complexifiée avec les résultats de la recherche. Par exemple, on considère aujourd’hui qu’une fois enclenchée, la dégénérescence neurofibrillaire (ou « maladie tau ») se propage à l’ensemble du cerveau indépendamment du peptide amyloïde. De même, on sait maintenant qu’il existe aussi dans le cerveau une réaction inflammatoire, semblant intervenir assez tôt dans le processus. 


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Âge, génétique et environnement, le cocktail des facteurs de risque

Le principal facteur de risque de maladie d’Alzheimer est l’âge : l’incidence de la maladie augmente après 65 ans et explose après 80 ans. 

L’environnement joue également un rôle important. Des facteurs de risque cardiovasculaires (diabète, hypertension, hyperlipidémie) non pris en charge à l’âge moyen de la vie sont par exemple associés à une survenue plus fréquente de la maladie, sans que l’on sache encore par quels mécanismes. La sédentarité est un autre facteur de risque, ainsi que les microtraumatismes crâniens constatés chez certains sportifs (comme les joueurs de de rugby ou les boxeurs) ou encore des anesthésies répétées.

À l’inverse, le fait d’avoir fait des études et d’avoir eu une activité professionnelle stimulante ainsi qu’une vie sociale active, semble retarder l’apparition des premiers symptômes et leur sévérité. Dans ces conditions, le cerveau bénéficierait d’une « réserve cognitive » qui permet de compenser, au moins pour un temps, la fonction des neurones perdus. Cet effet serait lié à la plasticité cérébrale, un phénomène qui traduit l’adaptabilité permanente de notre cerveau. 

La susceptibilité individuelle à la maladie possède aussi une composante génétique, puisque le risque de développer la maladie est en moyenne multiplié par 1,5 si un parent du premier degré est touché, et par 2 si au moins deux le sont. Des études examinant l’ensemble du génome (dites « pangénomiques ») ont mis en évidence certains gènes associés à un risque de survenue de la maladie. C’est notamment le cas du gène de l’apolipoprotéine E (APOE). Etre porteur d’une forme particulière de ce gène, l’allèle « epsilon 2 », va réduire le risque de plus de la moitié. En revanche, la présence d’un allèle « epsilon 4 » le multiplie par 3 ou 4, et les porteurs de deux copies de cet allèle (porteurs homozygotes) voient leur risque multiplié par 15. De nombreux allèles d’autres gènes modulent également le risque de développer la maladie et une combinaison d’allèles défavorables peut majorer le risque de développer la maladie. 


Le cas particulier des formes héréditaires

Les formes héréditaires de la maladie d’Alzheimer représentent 1,5% à 2% des cas. Elles se déclarent presque toujours avant 65 ans, souvent autour de 45 ans. Dans la moitié de ces cas, des mutations rares à l’origine de la maladie ont pu être identifiées. Elles sont retrouvées au niveau de trois gènes : l’un code pour une protéine précurseur du peptide amyloïde (APP pour Amyloid Protein Precursor) et les deux autres pour les protéines préséniline 1 et préséniline 2, qui interviennent dans le métabolisme de l’APP. Hériter de mutations affectant un de ces gènes entraîne systématiquement l’apparition de la maladie (transmission autosomique dominante). 


Prendre en charge, à temps

La maladie d’Alzheimer ne se guérit pas, mais une prise en charge adaptée peut ralentir sa progression et améliorer la vie du patient et de son entourage. Encore faut-il agir à temps… 

D’abord détecter !

Une plainte sur des oublis répétés interférant avec la vie quotidienne doit alerter et être formalisée auprès d’un médecin : il est en effet essentiel de réaliser un diagnostic le plus tôt possible. Celui-ci repose tout d’abord sur l’histoire des troubles, puis sur des tests des fonctions cognitives. Ils permettent d’évaluer la nature et la sévérité des atteintes (perte de mémoire, orientation spatio-temporelle, fonctions d’exécution…) et la recherche de troubles du comportement et de l’humeur.

L’imagerie cérébrale contribue également au diagnostic, y compris à un stade précoce. L’IRM permet exclure d’autres causes et peut révéler des anomalies cérébrales associées à la maladie : une réduction du volume du cerveau, notamment des régions postérieures, et une atrophie de l’hippocampe constituent des arguments en faveur du diagnostic de maladie d’Alzheimer. L’utilisation de la TEP donne accès à d’autres régions cérébrales comme le carrefour temporo-pariéto-occipital et le précunéus. 

Afin de renforcer le diagnostic, des marqueurs biologiques peuvent aider à confirmer l’origine des symptômes. Il est aujourd’hui possible de mesurer trois marqueurs de la maladie dans le liquide cérébrospinal (LCS), accessible grâce à une ponction lombaire : la protéine bêta amyloïde, la protéine tau et la protéine tau phosphorylée. 

Ces examens permettre parfois d’évoquer le diagnostic d’autres pathologies dégénératives (dégénérescences frontotemporales, maladies à corps de Lewy …) ou vasculaires pouvant mimer la maladie d’Alzheimer.

Une signature pour Alzheimer – 3 min 25 ‑communiqué de presse vidéo – vidéo de la série Histoire de recherche (2014)

La prise en charge

Multidimensionnelle, la prise en charge de la maladie d’Alzheimer combine hygiène de vie, activités, traitement médicamenteux et dispositions médico-sociales, de l’accueil ponctuel de jour à l’hébergement permanent en institution. Pour les patients, mais aussi pour aider et soulager les aidants… Dans tous les cas, le mot clé de la prise en charge est « personnalisation » : au-delà du fait que chaque patient est unique par nature, tous ne présentent pas tous les mêmes symptômes, ni la même évolution de leur maladie. 

Il est essentiel que le patient continue ses activités habituelles – cognitives et/ou physiques – et maintienne autant que possible une vie sociale. L’équilibre de l’alimentation est tout aussi important. Certains centres prônent une démarche plus active consistant à « stimuler » le patient en lui proposant des activités. Toutefois, lui proposer, voire lui imposer une activité qui ne l’a jamais intéressé avant sa maladie, ou qui le met en échec, ne peut qu’augmenter son stress. L’attention à la personnalité et au vécu du malade est donc essentielle. 

Côté médicaments, quatre spécialités sont couramment prescrites. Trois d’entre elles – le donépézil (Aricept), la rivastigmine (Exelon) et la galantamine (Reminyl) – visent à augmenter la disponibilité cérébrale d’acétylcholine, un neurotransmetteur qui facilite la communication entre les neurones, laquelle est amoindrie par la maladie. Ces médicaments bloquent l’action de l’acétylcholine estérase, l’enzyme qui dégrade le neurotransmetteur. La mémantine (Ebixa), pour sa part, va bloquer un récepteur au glutamate, une molécule qui endommage les neurones. Ce dernier traitement agit plutôt sur la composante « tau » de la maladie. 

Ces médicaments souffrent d’un handicap à l’origine de leur récent déremboursement (lequel fait encore débat) : leur bénéfice n’est pas flagrant pour le patient et son entourage. En effet, ils n’améliorent pas l’état du malade : en général, ils ralentissent sa dégradation ou, au mieux, ils le stabilisent. Face à cela, certains effets secondaires désagréables, et le simple fait de prescrire une pilule supplémentaire à des personnes âgées souvent déjà sous traitement pour d’autres pathologies, peuvent faire reculer les proches et certains soignants. Des études à grande échelle prouvent pourtant sans conteste que l’arrêt de ces traitements diminue la durée de vie autonome des patients : se dégradant plus vite, ils entrent plus tôt en institution. Autrement dit, ces médicaments apportent un bénéfice social et individuel bien réel même si difficile à percevoir immédiatement pour l’entourage du malade. Même s’ils ne sont plus remboursés, ces médicaments restent abordables. 

En revanche, il convient d’éviter les préparations pseudo-pharmaceutiques « purifiées » (caféine, curcuma ou autres extraits de plantes miracle), qui comportent un réel risque de contamination par des allergènes. Une alimentation équilibrée suffit à apporter à l’organisme du patient tous les micronutriments et antioxydants dont il a besoin. 

Les enjeux de la recherche

Comprendre les mécanismes

Les études génétiques révèlent sans cesse de nouveaux allèles, facteurs de risque de la maladie. Mais leurs effets individuels restent faible. Toutefois, en permettant de combiner « virtuellement » les effets de ces différents allèles, la bioinformatique devrait dans un futur proche aider à identifier les grandes voies biologiques impliquées dans la maladie d’Alzheimer. De telles approches font déjà apparaître le rôle de mécanismes insoupçonnés jusqu’ici, comme l’inflammation ou l’immunité.

De multiples hypothèses surgissent quant à l’origine de la maladie (traumatismes, rôle du sommeil, propagation de type prion...). Mais aucune piste n’a fourni d’indice mesurable pour l’instant, signe qu’il existe peut-être plusieurs causes aux troubles que l’on regroupe sous le terme de maladie d’Alzheimer…

Détecter

De nouveaux examens d’imagerie cérébrale ont récemment émergé. Utilisant la tomographie par émission de positons (TEP), ils permettent de « voir » les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires dans le cerveau d’une personne vivante (et non après sa mort par examen anatomopathologique). Pour cela, il a fallu développer des radiotraceurs injectables se liant spécifiquement au peptide bêta amyloïde puis, plus récemment, à la protéine tau. Ils rendent d’indéniables services en recherche, par exemple pour tester l’effet de candidats médicaments. Mais en l’absence de traitement validé, leur utilisation clinique ne présente pour l’instant que peu d’intérêt.

Développer un traitement

La piste la plus explorée actuellement pour développer un traitement contre la maladie d’Alzheimer est l’immunothérapie. Elle a d’abord été développée pour éliminer le peptide bêta amyloïde. Cette stratégie consiste à injecter des anticorps dirigés contre le peptide (immunothérapie passive) ou à vacciner le patient contre le peptide bêta amyloïde (immunothérapie active). Les résultats des premiers essais cliniques se sont révélés décevants : la plaque amyloïde régresse, certes, mais parfois au prix d’effets secondaires importants. De plus, les symptômes cliniques demeurent, et la dégénérescence neurofibrillaire continue sa progression. Cependant, d’autres anticorps anti-amyloïde plus performants sont actuellement en cours de test. En outre, puisque la suppression des plaques amyloïdes ne suffit pas à elle seule à stopper la progression de la maladie, de très nombreux essais d’immunothérapie ciblent aujourd’hui la protéine tau. 

D’autres approches sont également développée, comme l’utilisation de plusieurs petites molécules thérapeutiques plus classiques, tels des dérivés du bleu de méthylène (qui désagrègent les filaments de tau) ou les inhibiteurs de secrétases (qui empêchent la formation du peptide bêta amyloïde). 

En résumé : une multitude d’essais cliniques, peu de résultats nets aujourd’hui. Il reste néanmoins essentiel que des patients continuent à participer à ces études, ce qui n’interrompt pas leur traitement habituel. 

La recherche s’oriente est vers un traitement très précoce, avant les symptômes de la maladie pour éviter qu’elle ne se déclare, les lésions précédant de plusieurs années les symptômes. 


Le Plan maladies neurodégénératives (2014–2019)

Le quatrième plan national dédié à Alzheimer et aux maladies apparentées, mais aussi aux autres pathologies dégénératives notamment motrices, comporte 4 axes stratégiques : 

  • soigner et accompagner sur l’ensemble du territoire
  • favoriser l’adaptation de la société aux enjeux des MND
  • développer et coordonner la recherche
  • rendre effective la démocratie sanitaire

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