Examiner la rétine permettrait de repérer la démence

Une étude menée chez des personnes âgées montre que des modifications de la vascularisation de la rétine observées lors d’un fond d’œil sont associées à la survenue d’une démence. Dès lors, cet examen facile d’accès pourrait aider à identifier précocement les individus concernés pour leur proposer une prise en charge adaptée à ce risque.

Nos vaisseaux sanguins, et notamment ceux de petit calibre, peuvent s’altérer au cours du vieillissement. Au niveau cérébral, des lésions vasculaires sont ainsi associées à la plupart des démences du sujet âgé, même lorsque ces troubles cognitifs sont d’origine neurodégénérative. Or, certaines pathologies liées à l’âge partageraient des mécanismes communs et interagiraient les unes avec les autres. Ce serait notamment le cas des maladies ophtalmologiques et neurologiques. D’où l’idée évaluée par Catherine Helmer, directrice de recherche Inserm, et son équipe bordelaise de passer par un examen de la rétine pour repérer précocement les personnes les plus à risque de démence.

500 personnes suivies 10 ans

Les liens épidémiologiques et cliniques entre les maladies de l’œil et celles du cerveau sont au cœur des préoccupations du laboratoire dans lequel la chercheuse travaille. « L’association entre altérations de la rétine et lésions des vaisseaux de petit calibre chez les personnes atteintes de démence est connue, mais aucune étude conduite dans la durée pour évaluer des paramètres du réseau vasculaire rétinien en relation avec la survenue d’une démence ultérieure n’avait été conduite jusqu’à présent, précise-t-elle. Pourtant, c’est en confirmant que les anomalies vasculaires au niveau oculaire reflètent celles qui existent au niveau cérébral que l’on pourrait envisager l’utilisation d’un examen ophtalmologique, beaucoup plus rapide et moins coûteux qu’une imagerie cérébrale, pour détecter les personnes les plus à risque de démence. » La chercheuse a comblé ce manque par l’analyse des données relatives à plus de 500 personnes âgées d’au moins 72 ans, suivies pendant 10 ans dans le cadre de l’étude des Trois Cités (3C). Lorsque ces personnes ont été recrutées, elles n’avaient pas de troubles cognitifs. Elles ont participé à des tests cognitifs et neurologiques ainsi qu’à différents examens, dont une imagerie rétinienne non invasive (fond d’œil). « Notre analyse indique que les participants qui présentaient une tortuosité artérielle accrue au niveau de la rétine avaient un risque plus élevé de développer une démence dans les dix années suivantes. Des liens comparables ont également été observés entre le diamètre veineux et l’apparition d’une démence mixte ou vasculaire. »

Optimiser la prise en charge pour réduire l’altération cognitive

L’observation d’anomalies de la microvascularisation rétinienne pourrait donc réellement aider à identifier les personnes à risque de démence, même s’il reste à confirmer cette association dans d’autres cohortes. La chercheuse souhaite aussi compléter ces résultats avec d’autres techniques d’imagerie rétinienne plus avancées, comme la tomographie par cohérence optique (ou OCT-angiographie), qui permet de visualiser la rétine en trois dimensions et avec une résolution bien plus élevée, à l’échelle du capillaire. Afin de savoir s’il serait possible de réaliser un repérage encore plus précoce, elle envisage ensuite de conduire ces mêmes travaux auprès de personnes plus jeunes. À terme, l’idée serait de « proposer le plus tôt possible une prise en charge optimisée – ciblant tous les facteurs qui favorisent les troubles cognitifs, comme l’hypertension, la nutrition ou la sédentarité… – aux personnes ainsi identifiées comme à risque de développer une démence liée à l’âge ».


Catherine Helmer est directrice de recherche Inserm dans l’équipe Expositions vie entière, santé, vieillissement (LEHA) dirigée par Cécile Delcourt au Bordeaux Population Health research center (BPH, unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux).


Source : S. C. Lima Rebouças et coll. Retinal microvasculature and incident dementia over 10 years : The Three-City-Alienor cohort. Alzheimers Dement (Amst), 22 octobre 2023 ; doi :10.1002/dad2.12480

Autrice : C. G.

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