Un virus contre les maladies neuro-dégénératives

Une protéine virale protège contre la dégénérescence neuronale. L’équipe de recherche dirigée par Daniel Gonzalez-Dunia au Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan a testé avec succès un peptide dérivé de cette protéine dans un modèle de souris de maladie de Parkinson.

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© Caroline Charlier, Equipe Daniel Dunia 

Qui aurait cru qu’un virus puisse aider à lutter contre les maladies neurodégénératives ? C’est pourtant ce que suggèrent les résultats des derniers travaux d’une équipe Inserm*. Les chercheurs viennent en effet de montrer qu’une protéine virale issue du Bornavirus protège les neurones de la dégénérescence

L’équipe l’admet bien volontiers : cette découverte est fortuite ! Les chercheurs travaillaient sur Bornavirus, un virus associé à des troubles du comportement chez plusieurs animaux (cheval, mouton ou rongeurs), lorsqu’ils ont constaté un phénomène inhabituel : « Les cellules colonisées par un virus entrent habituellement en apoptose, c’est-à-dire en état de mort programmée, de manière à éliminer l’agent pathogène. Mais pas avec le Bornavirus : ce virus se niche à vie dans les neurones, sans les tuer et sans être éliminé. En cherchant comment cela était possible, nous avons constaté que le Bornavirus force la survie des neurones pour garantir sa propre survie. Pour ce faire, il produit une protéine appelée X. Cette protéine virale s’accumule dans les mitochondries, des organites cellulaires qui produisent l’énergie de la cellule. Or les problèmes mitochondriaux sont à l’origine d’un grand nombre de maladies neurodégénératives, dont la maladie de Parkinson. Dès lors, il nous a paru évident de tester cette protéine contre la dégénérescence neuronale », raconte Marion Szelechowski, auteur principale de ces travaux. 

Lutter contre le stress mitochondrial 

En collaboration avec Jean Michel Peyrin** et avec l’équipe de Stéphane Hunot***, les chercheurs ont réalisé différentes expériences visant à comprendre le fonctionnement de cette protéine et à tester son potentiel thérapeutique. « Les résultats ont montré que la protéine X exprimée seule, en dehors du contexte d’une infection, bloque les dommages mitochondriaux induits par un stress et responsables de la mort des neurones. En cas de stress, les mitochondries peuvent diluer ces dommages en fusionnant. De manière alternative ou complémentaire, les cellules peuvent éliminer les mitochondries altérées. Mais quand le stress devient trop important, de petites mitochondries altérées s’accumulent dans la cellule et libèrent des signaux d’apoptose, indiquant à la cellule qu’elle doit disparaître. La protéine X semble favoriser les fusions mitochondriales et la dilution des stress subits par ces organites. C’est ce qui semble assurer la survie des neurones », explique Marion Szelechowski. 

Par voie intranasale chez la souris

Pour tester l’effet de la protéine X in vivo, les chercheurs ont ensuite construit des peptides dérivés de la protéine, conservant sa fonction mais suffisamment petits pour qu’ils puissent entrer dans les cellules et les mitochondries. Ces peptides ont été administrés à des souris utilisées pour modéliser la maladie de Parkinson. Parmi les différents peptides testés, le PX3 (administré par voie intranasale) a permis de réduire de 40 à 53% la dégénérescence neuronale. « Pour mimer la maladie de Parkinson nous injectons un agent toxique qui provoque un stress mitochondrial sévère, entrainant la dégénérescence des neurones en trois quatre jours. Or, en administrant le PX3 la veille et pendant les quatre jours suivant, pratiquement la moitié des neurones sont épargnés. Ces résultats ouvrent donc la voie à des nouvelles approches thérapeutiques dans le traitement des maladies neurodégénératives, ciblées sur la protection des mitochondries », estime Marion Szelechowski. 

Les chercheurs travaillent maintenant sur la pharmacologie du peptide PX3, afin d’étudier son cheminement dans l’organisme, son mode et sa vitesse d’élimination, sa toxicité... L’idée sera ensuite de tester son effet dans un objectif plus thérapeutique que préventif : les chercheurs espèrent qu’il sera possible, à terme, de développer un médicament destiné aux personnes présentant un début de maladie neurodégénérative.

Notes

*unité 1043 Inserm/CNRS/université Toulouse 3, Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan 
**UMR 8256 CNRS, Institut de Biologie Paris Seine, Paris 
***unité 1127 Inserm/CNRS/UMPC Paris 6, Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, Paris 

Source

M. Szelechowski et coll. A viral peptide that targets mitochondria protects against neuronal degeneration in models of Parkinson’s disease. Nat Comm du 21 octobre 2014