Atrophie de l’hippocampe : un marqueur prédictif de la maladie d’Alzheimer à utiliser avec précaution

La réduction du volume d’une petite zone du cerveau, l’hippocampe, est associée à la survenue d’une maladie d’Alzheimer. Cette particularité est par conséquent très utilisée dans les études cliniques pour sélectionner les patients à risque et tester l’efficacité de traitements précoces. À l’Institut de génomique fonctionnelle de Montpellier (IGF), une équipe Inserm vient de montrer que ce biomarqueur est toutefois à utiliser avec précaution car, finalement, il n’est pas spécifique de la maladie d’Alzheimer : il peut également prédire le développement d’un déclin cognitif léger, sans démence associée.

L’hippocampe est une structure cérébrale qui joue un rôle central dans la cognition, la mémoire, l’apprentissage et le repérage dans l’espace. Une réduction de son volume (par rapport au volume moyen observé chez des personnes du même âge) est un paramètre utilisé pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer, mais aussi pour prédire sa survenue future. En recherche, il permet notamment d’identifier des personnes à risque pour les inclure dans des études qui visent à évaluer l’effet de traitements précoces.

Sans remettre en cause l’intérêt de ce marqueur, Sylvaine Artero, chercheuse Inserm à l’Institut de génomique fonctionnelle de Montpellier, s’interroge sur sa fiabilité : « L’hippocampe est une structure très plastique tout au long de la vie. Elle est sensible au vieillissement, mais un déficit d’activité physique, une alimentation déséquilibrée, une dépression, une obésité, la pollution de l’air, des troubles du sommeil ou même le stress sont aussi des facteurs associés à une réduction de son volume », prévient-elle. La chercheuse et son équipe ont donc voulu réévaluer le pouvoir prédictif de ce biomarqueur chez des personnes âgées non atteintes de démence. 

Pour cela, les scientifiques ont utilisé les données relatives aux participants montpelliérains de la cohorte des 3 cités (étude Esprit), composée d’adultes de plus de 65 ans tirés au sort sur les listes électorales. Les participants étaient indemnes de troubles cognitifs au moment de leur inclusion. Ils ont accepté de passer un examen d’imagerie cérébrale par résonnance magnétique (IRM cérébrale) et ont ensuite été suivis pendant 15 ans. Au cours de cette période, ils ont été interrogés sur leur santé tous les deux à trois ans, soit six fois au total. Leurs fonctions cognitives ont systématiquement été évaluées, et ils ont tous bénéficié d’un dépistage de démence réalisé par un neurologue. Au total, l’analyse a porté sur 510 personnes, dont 42 ont développé une démence au cours de ce suivi.

Un marqueur du déclin cognitif, même léger et sans démence

L’analyse conduite par l’équipe de Sylvaine Artero montre que le développement de la maladie d’Alzheimer est bien précédé par une réduction du volume de l’hippocampe, observable plusieurs années avant ses premiers symptômes. Toutefois, ce biomarqueur est également prédictif de l’apparition de troubles cognitifs légers chez des personnes qui n’ont pas développé de démence au cours du suivi et n’en développeront probablement jamais au regard de leur âge à l’issue de l’étude. Ces personnes représentent près d’un tiers de la cohorte étudiée. « Notre travail suggère donc qu’une mesure isolée de l’hippocampe est peu spécifique de la survenue ultérieure d’une maladie d’Alzheimer et peut aussi bien prédire un déclin cognitif léger. Aussi, son utilisation peut biaiser les résultats de certaines études cliniques ou épidémiologiques fondées sur le pouvoir prédictif de ce biomarqueur. En revanche, nous confirmons l’existence d’un lien entre un volume réduit de l’hippocampe et le déclin cognitif : cela suggère que toutes les personnes qui présentent un hippocampe atrophié pourraient bénéficier de mesures ciblées (activité physique, hygiène alimentaire, stimulation cognitive…) pour ralentir ou prévenir ce déclin qui altère la qualité de vie et l’autonomie des personnes âgées », explique la chercheuse.

Grâce à une collaboration avec l’université de Melbourne en Australie, l’équipe montpelliéraine a par ailleurs profité de ce travail pour comparer deux techniques de mesure de l’hippocampe : manuelle ou automatisée. « La première est longue et fastidieuse et la seconde surestime légèrement le volume hippocampique, résume Sylvaine Artero. Toutefois, les deux techniques ont apporté des résultats assez comparables et l’automatique est plus rapide et plus reproductible, ce qui encourage à la privilégier », conclut la chercheuse.


Sylvaine Artero est co-responsable de l’équipe Environnement, biomarqueurs, neuropsychiatrie à l’Institut de génomique fonctionnelle (unité 1191 Inserm/CNRS/Université de Montpellier), à Montpellier.


Source : M Gentreau et coll. Is Hippocampal Volume a Relevant Early Marker of Dementia ? The American Journal of Geriatric Psychiatry, édition en ligne du 15 juin 2023 ; doi : 10.1016/j.jagp.2023.05.015

Auteur : A. R.

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