Chez Christian et Renée, Alzheimer n’est pas invitée !

« Chez Christian et Renée, Alzheimer n’est pas invitée ! » est l’épisode 08 de la saison 1 des Volontaires, le podcast de l’Inserm avec les citoyennes et les citoyens qui font avancer la recherche médicale.

Pourquoi certaines personnes résistent mieux à la maladie d’Alzheimer que d’autres ? C’est pour répondre à cette question qu’ont été recrutés les 2000 volontaires bordelais de l’étude B cube. Pour permettre aux chercheurs de mieux connaître leur parcours de vie mais aussi leur biologie, Christian (73 ans) et Renée (75 ans) ont accepté de se soumettre à une batterie d’examen et de prélèvements. Chandrou Koumar, journaliste et docteur en neuroscience, les a rencontrés chez eux, le jour de la visite de Clara, l’infirmière de l’étude. Une journée… inoubliable !

Invitées

  • Cécilia Samieri est directrice de recherche Inserm au centre de recherche en santé publique de Bordeaux (unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux) et est la responsable scientifique de la cohorte B cube.
  • Coralie Delgado est la cheffe de projet de l’étude B cube.
  • Clara Bourcier est infirmière pour l’étude B cube.

Écouter l’épisode

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Durée de l’épisode : 14 min 45

Transcription de l’épisode

Musique

Chandrou Koumar : Bonjour. Le soleil n’est pas encore levé, il est 6 h 45 et je suis à Bordeaux. C’est qu’il faut parfois se lever tôt pour mener des études scientifiques.

Vous écoutez le podcast Les volontaires dans lequel on va à la rencontre de celles et ceux qui participent à la recherche médicale de l’Inserm. L’Inserm, c’est le seul organisme de recherche publique entièrement dédié à la santé humaine.

Moi, c’est Chandrou Koumar et je suis journaliste, docteur en neurosciences. Pour ce nouvel épisode, nous allons nous pencher sur la maladie d’Alzheimer.

Cécilia Samieri : C’est une maladie qui touche près d’un million de personnes en France, qui est un vrai problème de santé publique. Et surtout, le problème, c’est qu’il n’existe pas de traitements efficaces à ce jour, en tout cas disponible pour les malades.

Chandrou Koumar : Certaines personnes développent des capacités d’adaptation qui semblent les protéger. Mais est-ce que cela vient de leur cerveau ? Ou de leur mode de vie ? Pour comprendre cela, le projet B cube va suivre pendant plusieurs années 2000 personnes de plus de 55 ans. Et ça demande pas mal d’organisation.

Chandrou Koumar : C’est ambitieux ?

Coralie Delgado : Très ambitieux, mais ça reste faisable !

Chandrou Koumar : Et comme je le répète sans cesse, la science, c’est avant tout une aventure humaine. Je vais donc à la rencontre de Renée et Christian, deux volontaires impliqués dans cette étude sur la maladie d’Alzheimer. Et de Clara Bourcier, infirmière.

Clara Bourcier : Qui souhaite commencer ? Vous y passerez tous les deux de toute façon.

Christian : Moi, je commence.

Clara Bourcier : Allez !

Chandrou Koumar : Ainsi que des scientifiques. Cécilia Samieri.

Cécilia Samieri : Bonjour, je suis directrice de recherche Inserm.

Chandrou Koumar : Et Coralie Delgado.

Coralie Delgado : Bonjour, Je suis la cheffe de projet de l’étude B cube.

Chandrou Koumar : Du centre de recherche Inserm U1219 qui est le Centre de recherche en épidémiologie et santé publique de Bordeaux. Pour l’équipe Eléanor.

Fin de la musique

Je suis actuellement dans la maison de Renée et Christian.

Fin de la musique

Renée : Moi je m’appelle Renée, j’ai 75 ans.

Christian : Je m’appelle Christian, j’ai 73 ans.

Chandrou Koumar : Deux volontaires du projet B cube. Ils attendent patiemment l’arrivée d’une infirmière. Il est bientôt 8 h du matin. Vous avez toujours pas déjeuné ? Votre estomac est vide ?

Christian : Voilà, Exactement. Là, pour moi, ça va, je peux tenir toute la matinée comme ça, j’ai pas de soucis. C’est pour mon épouse… (rires)

Renée : Non mais ça va, ça va aller.

(sonette)

Renée : Bonjour, enchantée.

Clara Bourcier : Enchanté. Comment allez vous ?

Renée : Très bien.

Clara Bourcier : Est-ce que vous souhaitez que je me déchausse ?

Renée : Non, pas du tout.

Clara Bourcier : Je m’appelle Clara Bourcier. Je suis infirmière pour l’étude. Je me rends donc au domicile des participants afin d’y effectuer plusieurs recueils. Un prélèvement biologique avec une prise de sang et d’autres mesures comme la taille, le poids et la tension. Et j’y vais également pour récupérer des prélèvements que les participants ont préalablement préparé comme un recueil d’urine. Très bien. Madame, on va commencer par vous. Connaissez vous votre taille ?

Renée : 1 mètre 55.

Clara Bourcier : Votre poids ?

Renée : 60 kilos.

Clara Bourcier : Ok, hop ! Et du coup, on va pouvoir procéder aux prises de sang. Qui souhaite commencer ? Vous y passerez tous les deux de toute façon.

Christian : Moi je commence.

Clara Bourcier : Allez !

Christian : Tu voulais commencer ? Bah vas‑y, commence ! Elle a peur. (rires)

Clara Bourcier : C’est que madame aime moins, donc plus vite c’est fait et…

Musique

Chandrou Koumar : Je suis à présent avec Cécilia Samieri, l’investigatrice principale de l’étude B cube.

Cécilia Samieri : La maladie d’Alzheimer, c’est une maladie qui se développe avec le vieillissement du cerveau. Ça se manifeste par des troubles cognitifs, notamment de certaines fonctions cognitives très spécifiques : la mémoire, certaines fonctions de la mémoire qui sont touchées. Alors la maladie d’Alzheimer, pour sa forme la plus fréquente, est une maladie dite « multifactorielle ». Il y a plusieurs causes qui sont à la fois de l’ordre de la susceptibilité génétique : il y a plusieurs gènes qui sont impliqués dans le développement de la maladie. Et puis il y a toute la partie facteurs de risques environnementaux. Donc ça, c’est l’exposome : c’est l’environnement auquel on est exposé au cours de sa vie qui va déterminer le risque de maladie dans l’environnement. On distingue des facteurs dits « psychosociaux » qui sont par exemple le niveau d’études, le fait d’avoir un faible réseau social ou peu d’entraînement cognitif… Ensuite, on a tout ce qui est facteur de mode de vie : la nutrition, l’activité physique… Et enfin on a les pollutions chimiques, qui sont beaucoup moins connues… Et il y a probablement un certain nombre de facteurs qui sont encore à découvrir.

Clara Bourcier : Ça va madame ?

Renée : Ça va. (rires)

Clara Bourcier : Comment vous avez entendu parler de cette étude ?

Renée : Par une amie.

Clara Bourcier : Le bouche à oreille ?

Renée : Le bouche à oreille

Clara Bourcier : Et elle vous a embarquée dans l’aventure B cube.

Renée : Voilà. Et moi j’ai embarqué ma prof de gym.

Clara Bourcier : Ah bah parfait !

Pour le recrutement des nouveaux participants de cette étude, nous essayons de faire parler de nous par différents moyens, soit via certains réseaux sociaux et on mise également énormément sur le bouche à oreille des participants qui ont déjà effectué l’étude et qui en parlent autour d’eux, étant donné qu’ils sont la plupart du temps ravis d’avoir participé.

Alors donc là, on a terminé la prise de sang, un autre prélèvement qu’on a à vous proposer, qui n’est pas obligatoire. Si vous l’acceptez, c’est une petite, une fine mèche de cheveux que je vais vous couper derrière et par dessous. Donc ça ne se verra pas.

Renée : Ça tombe bien, je devais aller chez le coiffeur donc, ça tombe très bien. Vous pouvez me le faire !

Clara Bourcier : Super. Alors, je vais commencer par vous, madame.

Bruit des ciseaux et des cheveux coupés

Christian : Ohlala le trou ! (rires)

Musique

Chandrou Koumar : En parallèle de tous ces prélèvements, les 2000 volontaires de l’étude répondent à des questionnaires sur leurs habitudes et réalisent des tests cognitifs et de mémoire, en plus d’un IRM, pour identifier des facteurs de risque ou de protection dans la maladie d’Alzheimer.

Fin de la musique

Coralie Delgado, vous êtes cheffe de projet B cube. Mais ça vous fait combien de données en tout ? Moi je me dis 2000 volontaires : le sang, les urines, les ongles, les questionnaires, la taille…

Coralie Delgado : Je pense qu’on tourne autour de 2000 données.

Chandrou Koumar : Par volontaires ?

Coralie Delgado : Oui. Tout ça c’est conservé donc au CRB, qui est un laboratoire, c’est dans des grands congélateurs. Et il y a certains échantillons (alors ça dépend des échantillons), mais y en a certains qui sont conservés à ‑60 degrés.

Chandrou Koumar : Cécilia, qu’est-ce que vous allez regarder au final dans ces fameux échantillons ?

Cécilia Samieri : Alors, la particularité de l’étude B cube, c’est d’avoir une… on appelle ça une « biobanque » très complète. Donc ça, ça va nous permettre d’avoir une vision très très globale des empruntes biologiques des expositions environnementales en particulier. Donc, on a besoin d’avoir cette vision un peu globale à travers toutes les matrices du corps, parce que chaque matrice va nous donner des informations différentes de ces expositions.

Musqique Chandrou Koumar : La moitié des personnes qui devraient être diagnostiquées de la maladie d’Alzheimer ne le sont pas, alors qu’on sait que plus on est diagnostiqué tôt, plus on peut réduire les symptômes.

Chandrou Koumar : Renée, Christian, est-ce que vous pourriez me dire un peu ce qui vous a motivé à participer à l’étude B cube ?

Christian : On arrive à un âge où il y a une baisse de la mémoire, notamment la mémoire euh…

Renée : Immédiate !

Christian : Immédiate, merci. (rires) Et même si on dit que je sais que c’est pas grave, ça fait rien, ça interroge quand même, donc que c’était un moyen aussi de voir où on en était au niveau neurologique, cognitif…

Renée : Personnellement, moi, si je devais avoir une maladie grave, je préférerais savoir pour savoir où je vais plutôt que de me cacher et attendre que ça passe. Non, moi j’aime bien quand on me dit des choses carrées comme ça. Je peux anticiper, je peux mieux me battre.

Chandrou Koumar : Coralie Delgado, que se passe-t-il si, au cours de l’étude, vous vous rendez compte qu’un de vos volontaires a développé la maladie ?

Coralie Delgado : Bon alors c’est pas aussi simple que ça. Je ne suis pas sûre qu’on puisse voir qu’une personne a l’Alzheimer avec avec une IRM, mais par contre on peut voir des petites choses qui nous posent question. Donc là on refait revoir les images par un neurologue qui lui nous dit s’il y a besoin ou pas de revoir ce participant. S’il y a besoin, on reprend contact avec le participant et on lui propose un rendez-vous avec un spécialiste.

Clara Bourcier : Alors ensuite, madame la balance.

Renée : Je mets mes pieds où, là ?

Clara Bourcier : Alors je vais vous expliquer. Il faut vous mettre pieds nus, s’il vous plaît.

Renée : Ah pieds nus, d’accord.

Clara Bourcier : Puisque, comme vous le voyez, vous avez quatre capteurs et vous allez pouvoir poser vos pieds, talons et orteils sur chaque capteur.

Renée : Mes pieds vont être assez grands ?

Clara Bourcier : Oui ! Je vais vous dire quand monter dessus parce que je vais paramétrer la balance avec votre taille et votre âge. Cette balance nous permet de mesurer les facteurs anthropométriques. Donc votre masse graisseuse, votre masse musculaire, votre indice de masse corporelle et votre âge métabolique notamment.

Renée : Pour savoir si je rajeunis ou si je vieillis.

Clara Bourcier : C’est ça, je vais vous dire quand monter dessus.

Renée : Alors, l’âge métabolique, oui, moi j’ai été surprise de savoir que je fais plus jeune que mon âge.

Chandrou Koumar : Je confirme, je confirme Renée.

Renée : Donc non, non, c’est bien à savoir en fait.

Chandrou Koumar : Vous avez 75 ans en âge réel et, me semble-t-il, et combien en âge métabolique ?

Renée : 60. J’ai gagné quinze ans !

Chandrou Koumar : Et vous Christian ?

Christian : Et moi 73 et je suis à 58.

Chandrou Koumar : Donc plutôt satisfait, je pense, des résultats de ce matin.

Christian : Ah oui hein.

Renée : Oui, il y a peut-être des améliorations à apporter.

Christian : Ca nous met en forme pour toute la journée, c’est bon !

Chandrou Koumar : Tous ces volontaires qui vont être suivis sur plusieurs années en observant sur le temps long différents éléments. C’est ce qu’on appelle une cohorte. On en avait vu une dans l’épisode à Grenoble sur les perturbateurs endocriniens.

Coralie Delgado : L’étude B cube. Nous, on aimerait qu’elle dure le plus longtemps possible. Plus on a de suivi, plus on suit les personnes, mais ça se compte en années et pas uniquement en mois.

Chandrou Koumar : C’est quoi, c’est 5 ans ? C’est 10 ans ?

Coralie Delgado : Dix ans, c’est déjà super si on peut faire 20 ans et ce serait superbe.

Chandrou Koumar : Ça demande toute une organisation. Imaginez un peu tous les deux trois ans les 2000 volontaires de l’étude B cube vont à nouveau passer tous les tests IRM et donner à nouveau leur prélèvement. C’est ambitieux.

Coralie Delgado : Très ambitieux, mais ça reste faisable.

Chandrou Koumar : Est-ce que vous n’avez pas peur que des volontaires se démotivent en cours de route ?

Coralie Delgado : Alors ça, c’est sûr, on ne va pas y échapper. On va forcément perdre des participants au fur et à mesure. Tout simplement parce qu’il y a des personnes qui vont déménager. Il y a malheureusement des personnes qui vont décéder. Et pour toutes les autres personnes en fait, il faut les essayer de les fidéliser dès le début. Il faut être très gentil avec eux, patient… Il faut faire en sorte qu’il a envie de continuer l’aventure avec nous.

Chandrou Koumar : La maladie d’Alzheimer est multifactorielle, c’est‑à dire-qu’il faut une combinaison de différents facteurs pour qu’elle apparaisse. Les prélèvements du projet B cube pourront servir pour de nouveaux tests si une nouvelle piste apparaît plus tard. Cécilia à quels résultats on pourrait s’attendre ? Qu’est ce qu’on pourrait imaginer obtenir d’ici quelques années ?

Cécilia Samieri : Alors moi, ce qui m’intéresse, c’est de mieux caractériser de façon globale les profils de risque et les profils protecteurs au sein de l’exposome – c’est l’environnement auquel on est exposé – qui prédispose ou non à développer un vieillissement cérébral accéléré. Et ce qui m’intéresse également, c’est potentiellement de découvrir de nouveaux déterminants, des nouveaux facteurs de risques qui n’ont pour l’instant pas été identifiés par la recherche, parce que les innovations technologiques n’étaient pas là. Et c’est la promesse que nous fait aujourd’hui l’exposome et notamment l’étude de l’exposome dans les échantillons biologiques : c’est ce qu’on appelle l’exposomique. C’est potentiellement de découvrir des nouveaux déterminants, des nouveaux facteurs de risque, par exemple dans les pollutions environnementales qui ont été relativement peu étudiées jusqu’à présent dans ces pathologies.

Chandrou Koumar : Ce qui est très intéressant dans votre étude, c’est que du coup, on va pouvoir observer des facteurs de risque, mais aussi peut être des facteurs de protection.

Cécilia Samieri : Absolument. On s’intéresse vraiment à contraster les profils à risque, aux profils protecteurs, et c’est vraiment comme ça dans les études épidémiologiques. Et par ce contraste entre différents extrêmes de population qu’on peut tirer des conclusions. Et en effet, les profils protecteurs sont extrêmement intéressants parce qu’ils vont nous permettre de comprendre comment certaines personnes vieillissent en très très bonne santé cognitive, alors que d’autres vont avoir un vieillissement cognitif accéléré de plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années avant certaines personnes.

Clara Bourcier : Donc j’ai terminé ma visite.

Renée : Très bien.

Clara Bourcier : Il vous reste donc les deux rendez-vous téléphoniques. Ces deux rendez-vous téléphoniques auront lieu dans quatre et huit mois environ. Est-ce que vous avez des questions, messieurs-dames ?

Renée : Ben non, tout paraît clair, tout est clair. Pas de soucis.

Clara Bourcier : Je vous remercie beaucoup pour votre accueil ce matin.

Christian : Merci à vous.

Clara Bourcier : Merci.

Christian : C’était très intéressant.

Chandrou Koumar : J’ai adoré passer cette journée au milieu de l’étude de B cube. Ce qui m’a fasciné, c’est la participation active des volontaires et le très bon moment de détente qu’on a vécu avec Renée et Christian ce matin. J’ai rarement autant ri pendant une expérience. À très vite pour de nouvelles rencontres scientifiques avec les volontaires. Merci d’avoir écouté cet épisode consacré aux volontaires qui participent à la recherche sur la maladie d’Alzheimer.

Les volontaires c’est un podcast de l’Inserm produit par Maison K Prod. À bientôt pour de nouvelles aventures et de nouvelles études en recherche médicale. Et si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à vous abonner et à le partager autour de vous Et si vous le pouvez, pensez à nous mettre cinq étoiles sur votre application, ça nous aide vraiment.

Autour de l’épisode

Une série créée par l’Inserm, orchestrée par Chandrou Koumar, journaliste et docteur en neurosciences et produite par MaisonK Prod. Musique et mixage : Ben Molinaro. Graphisme : Anna Toussaint.