Sommeil

Faire la lumière sur notre activité nocturne

Une fonction encore mystérieuse, mais déterminante pour notre santé : Nous passons près d’un tiers de notre vie assoupi. Mémoire et apprentissage, métabolisme, immunité… même si beaucoup d’hypothèses doivent encore être confirmées, et si d’autres ne manqueront pas d’être formulées, il est parfaitement établi que le sommeil est crucial pour de nombreuses fonctions biologiques. L’enjeu est de taille : la fréquence des troubles du sommeil, qui touchent une part importante de la population, a augmenté ces dernières décennies. Elle interroge l’évolution à venir de notre état de santé. 

Les enjeux de la recherche : Parce que le sommeil influence la santé et les risques d’accidents, il est essentiel de comprendre ce qui en détermine précisément la qualité ou la durée. Avec l’essor des neurosciences, les progrès s’accélèrent. De quoi affirmer, encore plus fermement, l’importance d’une bonne nuit de sommeil.

Dossier réalisé en collaboration avec Pierre-Hervé Luppi, responsable de l’équipe Physiopathologie des états de vigilance du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (Unité Inserm 1028)

Comprendre le sommeil

Le sommeil correspond à une baisse de l’état de conscience qui sépare deux périodes d’éveil. Il est caractérisé par une perte de la vigilance, une diminution du tonus musculaire et une conservation partielle de la perception sensitive. 

Lent, profond, paradoxal, les visages du sommeil sont multiples

Schématiquement, le sommeil correspond à une succession de 3 à 6 cycles successifs, de 60 à 120 minutes chacun. Un cycle est lui-même constitué d’une alternance de sommeil lent et de sommeil paradoxal, correspondant chacun à une activité cérébrale différente mise en évidence par électroencéphalographie (EEG) : sur le tracé, les ondes électriques qui parcourent le cerveau et qui témoignent de l’activité neuronale ont un aspect différent selon la phase de sommeil. Lors de la phase d’éveil, par exemple, elles sont courtes et fréquentes. 

  • Le sommeil lent porte ce nom car il est caractérisé par des ondes lentes. Il comporte lui-même plusieurs stades : après une phase de transition (N1) de quelques minutes, séparant la veille et le sommeil, la phase de sommeil léger (N2) s’installe. Elle est suivie par une phase de sommeil progressivement plus profond (N3) qui dure plusieurs dizaines de minutes. Pendant cette période, l’EEG montre la présence d’ondes de grande amplitude et de faible fréquence. L’imagerie fonctionnelle montre une consommation en oxygène réduite et donc un métabolisme cérébral ralenti. Le tonus musculaire est lui-aussi diminué, mais encore partiellement présent, pouvant expliquer les épisodes de somnambulisme (voir plus loin).
  • Le sommeil paradoxal correspond à une période durant laquelle l’activité cérébrale est proche de celle de la phase d’éveil. Il est aussi appelé période REM (Rapid Eye Movement), en raison de fréquents mouvements oculaires rapides (sous les paupières fermées). A l’inverse, le tonus musculaire est totalement aboli durant cette phase, en dehors de quelques mouvements des extrémités. Parallèlement, la pression artérielle et le rythme respiratoire connaissent de fréquentes fluctuations. Le sommeil paradoxal est en outre propice aux rêves : il regroupe les rêves les plus intenses et ceux dont on peut garder le souvenir une fois éveillé. Des rêves peuvent aussi survenir au cours du sommeil lent léger, mais ils sont moins intenses et correspondent moins à une représentation onirique de réalisations ou d’actions qu’à des idées abstraites.
Infographie illustrant les différents stades du sommeil et de l'éveil enregistrés sur un sujet, par électroencéphalogramme, pendant la nuit.
Infographie illustrant les différents stades du sommeil et de l’éveil enregistrés sur un sujet, par électroencéphalogramme, pendant la nuit. Le sommeil se compose du sommeil paradoxal, de la transition éveil-sommeil (stade1), du sommeil lent léger (stade2) et du sommeil lent profond (stade3). Au fur et à mesure de la nuit, le sommeil lent profond diminue au profit du sommeil lent léger. © Inserm/Pinci, Alexandra

Le rythme de sommeil n’est jamais figé

Le rythme de sommeil varie en premier lieu au cours d’une même nuit : schématiquement, les premiers cycles sont essentiellement constitués de sommeil lent profond, tandis que la fin de nuit fait la part belle au sommeil paradoxal. Et si la nuit précédente a été mauvaise, le sommeil lent sera d’autant plus profond la nuit suivante. 

Le sommeil varie également au cours de la vie : le sommeil lent est plus profond durant la croissance, jusque vers l’âge de 20 ans environ. A mesure que l’on vieillit, celui-ci devient minoritaire et laisse la place à un sommeil lent, plus léger, expliquant l’augmentation des troubles du sommeil avec l’avancée en âge. Parallèlement, le sommeil paradoxal est plus long dans les premières années de vie. Sa durée se réduit à l’âge adulte. 

Enfin, la quantité nécessaire et la qualité de sommeil varient grandement d’une personne à l’autre. L’environnement, l’hygiène et le rythme de vie jouent un rôle sur la capacité à dormir et bien récupérer lors d’une nuit de sommeil. La génétique aiderait quant à elle à différencier les lève-tôt des couche-tard, ou les gros des petits dormeurs. Les petits dormeurs présenteraient notamment des phases de sommeil léger très courtes. Mais quelle que soit la durée de sommeil nécessaire à chacun, celle du sommeil profond serait relativement constante, tandis que les durées de sommeil léger et de sommeil paradoxal varieraient. 


Comment étudie-t-on le sommeil ?

L’examen de référence est la polysomnographie. Il permet d’obtenir un hypnogramme, c’est à dire un enregistrement de plusieurs paramètres, obtenu à l’aide d’électrodes placés au niveau du crâne et de différentes parties du corps : l’activité cérébrale (par EEG), l’activité musculaire (électromyogramme) et les mouvements oculaires (électro-oculogramme). Ces données vont permettre de suivre et d’identifier les différentes phases de sommeil. Parallèlement, le rythme cardiaque, le rythme respiratoire et les mouvements des jambes sont également enregistrés afin de caractériser certains troubles ou certaines pathologies nocturnes. 

D’autres approches sont utilisées afin d’explorer les troubles du sommeil : un agenda du sommeil permet aux personnes concernées de consigner leurs habitudes de sommeil et d’éveil, de coucher et de lever, pour mieux décrire d’éventuelles insomnies. L’actimétrie, qui enregistre les mouvements corporels grâce à un bracelet porté au poignet, permet également de mieux caractériser les alternances veille-sommeil au cours de la journée. Par ailleurs, des tests itératifs de latence d’endormissement (TILE) sont indiqués dans l’exploration de la narcolepsie et des tests de maintien d’éveil (TME) le sont pour évaluer la somnolence diurne et la propension au sommeil. 

Enfin, les techniques d’imagerie médicale (IRM, scanner), et a fortiori celles d’imagerie fonctionnelle (PET scan, IRM fonctionnelle, magnétoencéphalographie), offrent aux chercheurs les moyens d’étudier précisément les caractéristiques et le rôle de chacune des phases de sommeil, tout en identifiant les structures cérébrales impliquées. 


L’endormissement : un phénomène complexe

Le sommeil ne survient pas qu’en raison d’un état de fatigue. L’hygiène de vie, les consommations (alcool, substances excitantes...), l’environnement immédiat (lumière, bruit…) peuvent influencer la capacité d’un individu à s’endormir. Mais biologiquement, cette phase nécessite aussi la convergence de plusieurs acteurs : 

  • des processus homéostasiques, qui accroissent le besoin du sommeil à mesure que la période de veille se prolonge
  • des processus circadiens, qui visent à synchroniser l’organisme et le sommeil sur l’alternance jour-nuit

Les processus homéostasiques, maître du sommeil lent

La régulation du sommeil est d’abord sous la dépendance de certains facteurs produits au cours de la journée (interleukine-1, prostaglandine D2, somatolibérine...), dont la pression favoriserait progressivement la survenue du sommeil. Parmi eux, l’adénosine jouerait un rôle central. Produit lors de l’éveil, son accumulation favoriserait le sommeil. En effet, elle inhiberait progressivement le fonctionnement cérébral jusqu’au déclenchement du sommeil. Dès lors, l’adénosine est progressivement éliminée au cours de la nuit. Expérimentalement, plus la dette de sommeil est importante, plus le taux en adénosine est élevé et plus les ondes du sommeil lent profond sont intenses : il s’agirait d’un mécanisme permettant au cerveau de rattraper son retard.

Le système circadien, maître de l’horloge biologique

Physiologiquement, le rythme circadien est propre à chacun : avec une rythmicité proche de 24 heures, il varie en réalité de quelques dizaines de minutes d’un individu à l’autre. Plusieurs facteurs interviennent donc pour le réguler plus finement, parmi lesquels : 

  • Les cellules ganglionnaires à mélanopsine 
    Le cyclage jour-nuit de notre organisme dépend des cellules ganglionnaires à mélanopsine de la rétine. En pratique, on sait aujourd’hui que celles-ci n’ont qu’un rôle partiel sur l’induction du sommeil. En effet, les expériences conduites sur des sujets isolés de la lumière du soleil durant plusieurs jours consécutifs montrent qu’une alternance veille-sommeil proche de celle vécue habituellement subsiste malgré tout. Le déclenchement du sommeil est donc un phénomène endogène qui est maintenu en l’absence de lumière. Les cellules ganglionnaires à mélanopsine ont essentiellement pour rôle de transmettre l’information sur l’alternance jour-nuit à des structures cérébrales impliquées dans d’autres fonctions. Néanmoins, l’usage tardif d’écrans ou de lumière LED, riches en lumière bleue, stimule ces cellules et perturbe le sommeil.
     
  • La mélatonine
    L’induction du sommeil est également sous la dépendance hormonale de la mélatonine. Appelée communément hormone du sommeil, la mélatonine est produite en situation d’obscurité, en début de nuit, par la glande pinéale (ou épiphyse), située à l’arrière de l’hypothalamus. A l’inverse, lorsque les cellules rétiniennes perçoivent la lumière, sa synthèse est inhibée. Lorsqu’elle est libérée en début de nuit, elle favorise le déclenchement du sommeil. Avec le vieillissement, la production de mélatonine est de moins en moins efficace. C’est ce qui explique de nombreux troubles du sommeil liés à l’âge.
     
  • Les gènes horloge
    Une quinzaine de gènes horloges (CLOCK, BMAL, Per, Cry, Reverb…) ont une expression qui est modulée selon l’information reçue par les cellules rétiniennes, la mélatonine et d’autres facteurs synchroniseurs (activité physique, prise alimentaire...). Exprimés au niveau des noyaux suprachiasmatiques, ils conduisent à la transmission de messages à plusieurs horloges secondaires situés au niveau cérébral, permettant la régulation du sommeil, mais aussi de nombreuses autres fonctions rythmées par le cycle circadien (production de cortisol, d’ACTH, d’hormone de croissance…). Expérimentalement, la destruction des noyaux suprachiasmatiques chez l’animal permet de maintenir l’alternance entre veille et sommeil, mais selon un rythme désorganisé et saccadé au cours de la journée. Notre horloge interne fonctionnerait donc comme un organisateur des moments de veille et de sommeil.

Le sommeil, c’est la santé

Le sommeil représente la forme la plus aboutie du repos. Il permettrait ainsi à l’organisme de récupérer, que ce soit sur le plan physique ou mental. Dans ce processus, le sommeil lent jouerait un rôle particulier puisque les ondes lentes sont d’autant plus intenses et élevées que la quantité ou la qualité du sommeil ont été mauvaises la nuit précédente. Le sommeil permettrait aussi de réduire le métabolisme et de préserver l’énergie (rôle homéostasique). Ainsi, la température corporelle s’abaisse autour de 36°C durant la nuit. 

A la fin du 19e siècle, les premières expériences de privation du sommeil conduites sur plus de trois jours ont notamment décrit une altération des capacités mnésiques et du temps de réaction motrice, des hallucinations et une baisse de la température corporelle. Celles qui ont été conduites par la suite ont confirmé le rôle du sommeil dans les phénomènes de concentration, d’apprentissage, de mémorisation ou d’orientation.

Dès les années 1980, il est devenu de plus en plus évident que le sommeil n’était pas uniquement utile à la mémoire et à la récupération. Son rôle serait particulièrement important pour la santé. Grâce aux travaux étudiant l’altération de l’état de santé des personnes souffrant de troubles du sommeil, il a été possible de mettre en exergue qu’une mauvaise qualité/quantité de sommeil accentue le risque d’irritabilité, de symptômes dépressifs, mais aussi de prise de poids, d’hypertension ou d’infection. Des données qui permettent de conforter l’idée communément admise selon laquelle les personnes fatiguées ont un risque accru de tomber malade... 

Sommeil, maturation cérébrale et apprentissage

Les données d’imagerie décrivent qu’un nouvel apprentissage est associé, au cours de la nuit suivante, à l’augmentation du nombre d’épines dendritiques, les excroissances qui connectent les neurones adjacents entre eux et facilitent le passage d’informations de l’un à l’autre. Ces mécanismes expliquent probablement pourquoi un nouveau-né a besoin de dormir deux fois plus longtemps qu’un adulte. 

Sommeil et métabolisme

La privation de sommeil augmente l’appétit en modulant les hormones qui le régulent (leptine, ghréline, orexine). L’augmentation des apports, combinée à la fatigue et la somnolence diurne, se traduit par une baisse des dépenses énergétiques durant les phases d’éveil, d’où un risque de prise de poids. D’ailleurs, les données épidémiologiques montrent une corrélation entre la durée de sommeil moyenne d’une population et son indice de masse corporelle (IMC).

Parallèlement, la diminution de la durée de sommeil perturbe le rythme circadien qui régule la synthèse de certaines hormones comme le cortisol ou l’hormone de croissance, impliquées dans le métabolisme du glucose. Ce phénomène favoriserait l’apparition d’une intolérance au glucose et l’évolution progressive vers le diabète de type 2, indépendamment de la prise de poids proprement dite. L’implication du sommeil dans d’autres aspects de la santé cardiovasculaire reste, elle, à mieux décrire et comprendre. 

Sommeil et métabolisme – interview – 3 min 59 – vidéo extraite de la série POM Bio à croquer (2013)

Sommeil et immunité

Dans les années 1970, des travaux ont suggéré qu’un facteur S, issu de la paroi bactérienne, avait la capacité de réguler le sommeil. Cette hypothèse a depuis été battue en brèche, mais elle a donné lieu à une intensification de la recherche dédiée aux relations entre sommeil, infection et immunité. Et si les connaissances sont encore incomplètes, de nombreuses données expérimentales permettent de tisser de premiers liens : la production de certains médiateurs de l’immunité aurait ainsi un rythme circadien. La nature ou le nombre de cellules immunitaires comme les leucocytes ou les lymphocytes NK seraient altérés par la privation de sommeil. Enfin, en activant des médiateurs de l’immunité pro-inflammatoire (interleukine 1, TNF alpha…), certains épisodes infectieux viraux ou bactériens favoriseraient l’allongement de la durée de sommeil. 


Le rêve, un phénomène encore mystérieux

A la célèbre théorie psychanalytique de Sigmund Freud, qui voit dans le rêve l’expression inconsciente de désirs et de sentiments refoulés, de nombreuses hypothèses se sont ajoutées depuis. 

Les unes estiment que les rêves permettent de mémoriser des évènements, des sentiments ou des apprentissages. En témoigne l’implication de plusieurs zones corticales (dont la région frontale) qui ont un rôle dans la parole, la mémoire, la prise de décision ou les mouvements. D’autres jugent que les rêves permettent d’intégrer ou réviser des comportements innés ou acquis par leur répétition inconsciente au cours du rêve. 

A l’inverse, certaines hypothèses soutiennent que le rêve n’est qu’une activité liée au réveil : il serait en réalité l’expression d’une réactivation brutale de la conscience au cours de laquelle cette dernière percevrait de manière désorganisée l’activité cérébrale inconsciente qui a eu lieu au cours de la nuit. A moins qu’il ne s’agisse finalement que d’une activité cérébrale aléatoire, sans organisation ni objets particuliers ? Pour l’heure, les neurosciences permettent davantage de formuler ces hypothèses que de les vérifier. 

Pourquoi le cerveau se souvient-il de nos rêves ? – communiqué de presse vidéo – 3 min 31 – 2014

Les troubles du sommeil, fléau des sociétés modernes... 

Les pathologies liées au sommeil rassemblent à la fois des troubles spécifiques du rythme du sommeil et des affections d’origines diverses qui se manifestent lors du sommeil : 

Les insomnies

Il n’existe pas une, mais des insomnies : certaines sont ponctuelles, d’autres chroniques. Certaines sont caractérisées par des difficultés d’endormissement, d’autres par des réveils nocturnes ou par une sensation de sommeil non récupérateur. Elles se distinguent également par la nature de leurs facteurs déclenchants : facteurs cognitifs ou somatiques internes, ou facteurs extérieurs perturbant le déclenchement ou le maintien du sommeil (hygiène de vie, lumière, utilisation tardive d’écrans ou pratique tardive du sport, prise de certains médicaments…). 

Pour en savoir plus, consulter le dossier Insomnie

Les hypersomnies et narcolepsie

L’hypersomnie se caractérise par un besoin excessif de sommeil et des épisodes de somnolence excessive durant la journée, malgré une durée de sommeil normale ou élevée. C’est un symptôme qui touche plus de 5% de la population adulte. Parmi les différents types d’hypersomnie, la narcolepsie, encore appelée maladie de Gélineau, est un trouble de l’éveil rare qui touche 0,026 % de la population et se déclenche essentiellement chez les adolescents et les jeunes adultes. Cette maladie sévère, d’origine auto-immune probable, se manifeste par des accès brutaux et irrépressibles de sommeil au cours de la journée. S’y ajoutent des hallucinations (rêves éveillés) et des attaques de cataplexie au cours desquelles un relâchement musculaire brusque survient. 

Pour en savoir plus, consulter le dossier Hypersomnies et narcolepsie.

Les troubles du rythme circadien

Ces troubles surviennent suite au dérèglement de notre horloge biologique. Ceux qui n’ont pas sommeil avant une heure avancée de la nuit présentent un retard de phase, tandis que ceux qui souffrent d’un syndrome d’avance de phase ont des difficultés à rester éveillées au-delà de 19h. Il peut exister des troubles épisodiques, liés par exemple à un décalage horaire. Mais d’autres sont spécifiques, comme le syndrome hyper-nycthéméral, touchant les personnes aveugles qui ne perçoivent pas l’alternance veille-sommeil. Généralement, ces personnes ont un rythme circadien voisin de 25 heures, au lieu des 24 heures habituelles. Dans tous les cas, ces troubles sont liés à la perturbation de la chronobiologie et peuvent, en conséquence, engendrer des répercussions somatiques diverses.

Pour en savoir plus, consulter le dossier Chronobiologie

L’apnée obstructive du sommeil

L’apnée du sommeil est un trouble respiratoire dont la fréquence augmente avec l’âge, le surpoids et, a fortiori, l’obésité. Durant la nuit, de courtes apnées (de quelques millisecondes à quelques secondes) surviennent en raison de l’obstruction de la gorge par la langue et par le relâchement des muscles du pharynx. Elles aggravent à terme le risque cardiovasculaire et favorisent, de par les micro-éveils qu’elles induisent, une fatigue et une somnolence diurne.

Pour en savoir plus, consulter le dossier Apnée du sommeil

Les parasomnies

Les parasomnies correspondent à un ensemble de phénomènes anormaux se produisant lors de la phase de sommeil lent profond ou lors du sommeil paradoxal.

Au cours du sommeil lent profond, les parasomnies les plus fréquentes sont le somnambulisme, le bruxisme (grincement des dents), la somniloquie (paroles), les terreurs nocturnes (fréquentes chez les enfants, à cheval entre le somnambulisme et la somniloquie) ou l’énurésie (pipi au lit). Au cours du sommeil paradoxal, il s’agit de mouvements violents (Trouble du comportement en sommeil paradoxal, TCSP), de bruits non articulés produits par le dormeur (catathrénie) ou de comportements sexuels inconscients (sexsomnies).

Les parasomnies ont parfois une composante génétique, mais elles sont le plus souvent favorisées par des éléments extérieurs qui perturbent l’organisation normale du sommeil (intensité, durée et articulation des phases de sommeil) : maladie neurodégénérative, stress, fièvre, certains médicaments… Les sexsomnies seraient par exemple favorisées par le traitement dopaminergique des sujets parkinsoniens.

Le syndrome des jambes sans repos

Le syndrome des jambes sans repos (SJRS ou maladie de Willis-Ekbom) est caractérisé par un besoin irrépressible de bouger les jambes, associé à (ou provoqué) par des sensations désagréables au niveau des membres inférieurs : on parle parfois d’« impatiences ». Ces symptômes, qui se manifestent habituellement pendant les périodes de repos ou d’inactivité, s’intensifient en soirée et au cours de la nuit. Ils perturbent l’endormissement et, dans les cas les plus sévères, entraînent des perturbations marquées du sommeil (désorganisation et fragmentation du sommeil).

Le mécanisme de la maladie n’est pas encore élucidé, mais il implique vraisemblablement une dysfonction du système dopaminergique. Certaines formes de SJSR seraient secondaires à une insuffisance rénale chronique terminale, une grossesse, une carence en fer ou à la prise de certains médicaments (antihistaminiques, neuroleptiques, antidépresseurs...). Plusieurs gènes de prédisposition, dont l’expression modifie la transmission dopaminergique, ont également été identifiés.

À lire aussi : Le fardeau mental du syndrome des jambes sans repos

Les enjeux de la recherche

Poursuivre le développement des techniques d’investigation du sommeil

Avec les nouvelles techniques d’imagerie et d’imagerie fonctionnelle, les connaissances sur le sommeil ont beaucoup progressé ces dernières années. Mais de nouvelles approches permettent aujourd’hui de passer de l’analyse de l’activité cérébrale globale (ou par régions anatomiques), à celle des mécanismes à l’échelle du neurone ou du réseau de neurones :

Grâce à des électrodes implantées dans le cerveau d’animaux, il est en effet désormais possible de suivre l’activité des réseaux neuronaux actifs au cours des différentes phases de sommeil. Ce type de données peut aussi être obtenue chez des patients souffrant d’épilepsie sévère et ayant bénéficié d’une implantation d’électrodes cérébrales à visée thérapeutique. L’enregistrement de leur activité cérébrale permet de récupérer des informations précieuses concernant l’humain, et d’identifier la nature des neurotransmetteurs impliqués.

Depuis quelques années, la recherche en neurosciences a en outre connu un réel bouleversement : des techniques expérimentales développées chez l’animal permettent désormais de manipuler précisément un type particulier de neurones ou une petite zone du cerveau. Avec l’optogénétique, les neurones/zone d’intérêt en question sont transfectés par un gène codant pour une protéine photo-activable. La lumière émise par une fibre optique permet ensuite d’activer ou d’inhiber spécifiquement ces neurones, et ainsi d’en étudier leur rôle ou leur fonctionnement. La chémogénétique repose sur le même principe, mais en utilisant une molécule chimique capable de moduler l’activité des neurones exprimant les récepteurs de cette molécule.

Mieux comprendre les relations entre sommeil et santé

Le sommeil n’a pas encore livré tous les secrets : En matière de mémorisation, les données expérimentales ont pour l’heure des difficultés à distinguer le rôle spécifique de chacune des phases de sommeil sur ce processus. Si le sommeil lent semble bien impliqué dans les processus de mémorisation, le sommeil paradoxal ne serait pas en reste : en effet, il constitue la majeure partie du temps de sommeil des nouveau-nés et des enfants en bas âge. Et le perturber ou le supprimer engendre des troubles de l’architecture cérébrale chez le rat. De plus en plus de données permettent donc aujourd’hui de lui attribuer un rôle grandissant dans certains processus de mémorisation, et notamment ceux de la mémoire déclarative ou consciente.

Parallèlement, des études ont pointé un lien entre troubles du sommeil et altération des capacités cognitives, via une présence accrue de plaques séniles à l’imagerie. Le lien entre le sommeil et la capacité à évacuer les toxines du tissu cérébral a été ainsi démontré. Toutefois, une meilleure compréhension des mécanismes impliqués est aujourd’hui nécessaire. Elle permettra notamment de déterminer si les troubles cognitifs sont liés aux troubles du sommeil, ou si ce sont ces derniers qui favorisent à terme le déclin cognitif. Un problème d’œuf et de poule en somme, qui n’est d’ailleurs pas unique : les données épidémiologiques suggèrent aussi un lien entre sommeil et dépression : les troubles du sommeil rendent-ils les personnes vulnérables au risque de dépression ou bien la dépression influence-t-elle la qualité du sommeil ? De même, des observations épidémiologiques montrent un risque accru d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie, ou d’évènements cardiovasculaires (AVC, coronaropathies) chez les personnes présentant une mauvaise qualité de sommeil. Ces observations font aujourd’hui l’objet de recherches qui permettront de mieux en comprendre les mécanismes.

De la même façon, les liens entre sommeil et immunité devront être mieux décrits. Au-delà de la compréhension du rôle du sommeil dans notre vulnérabilité aux infections, les mécanismes qui seront identifiés pourront probablement aider à comprendre l’augmentation de la fréquence des cancers chez les travailleurs de nuit : le sur-risque de cancers du sein, de la prostate ou du côlon pourraient non seulement être liés à une immunité moins performante, mais aussi à une désynchronisation du rythme circadien, qui influence certaines voies de signalisation moléculaires.

Mieux décrire les troubles du sommeil et de la vigilance

Quelle est la fréquence des troubles du sommeil ? Comment et pourquoi évolue-t-elle ? Quelle est son impact en termes épidémiologiques ou individuels ? Toutes ces questions font l’objet de nombreux travaux scientifiques qui passent au crible tous les facteurs de vie quotidienne déterminants pour la qualité du sommeil : rythmes de vie personnelle, scolaire ou professionnelle, l’influence de l’alimentation, usage des nouvelles technologies dont la lumière désorganise nos nuits… Ces travaux peuvent apporter des informations utiles en termes de santé publique et de santé individuelle, mais aussi des informations permettant d’améliorer les connaissances et la prévention en accidentologie (route, domestique…) ou en médecine du travail. Dans ce dernier domaine, les questions relatives au travail de nuit ou au travail posté ‑qui modifie les horaires de travail et de sommeil – doivent encore être approfondies.

Somnolence au volant : des mesures pour lutter – documentaire – 4 min 15 – 2011

Les déterminants non modifiables impliqués dans le sommeil font également partie des axes les plus prometteurs : les études de criblage génétique permettent d’identifier des déterminants génétiques impliqués dans la diversité des profils de dormeurs. L’étude précise de troubles du sommeil particuliers, comme la narcolepsie, ou associés à certaines maladies, comme Parkinson, peut apporter des enseignements intéressants pour la compréhension de certaines voies neuro-hormonales ou métaboliques constituant les pivots essentiels d’une bonne qualité et quantité de sommeil.

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