Sommeil

Faire la lumière sur notre activité nocturne

Les humains passent près d’un tiers de leur vie à dormir et il est parfaitement établi que leur sommeil est crucial pour le bon fonctionnement de nombreuses fonctions biologiques : développement, mémoire et apprentissage, métabolisme, immunité… Mais différents troubles affectent le sommeil d’une proportion importante et croissante de la population. Une situation qui conduit à s’interroger sur les conséquences de ces troubles sur la santé de la population générale. Les chercheurs étudient leurs associations avec différentes pathologies et tentent en parallèle de comprendre ce qui détermine précisément la qualité ou la durée du sommeil. Avec l’essor des neurosciences, les connaissances progressent. De quoi affirmer encore plus fermement l’importance du sommeil.

Dossier réalisé en collaboration avec Pierre-Hervé Luppi, responsable de l’équipe Physiopathologie des états de vigilance du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (unité Inserm 1028)

Comprendre le sommeil

Le sommeil correspond à une baisse de l’état de conscience qui sépare deux périodes d’éveil. Il est caractérisé par une perte de la vigilance, une diminution du tonus musculaire et une conservation partielle de la perception sensorielle. 

Plusieurs phases de sommeil

Schématiquement, le sommeil correspond à une succession de 3 à 6 cycles de 60 à 120 minutes, chacun composé de plusieurs phases de sommeil lent puis de sommeil paradoxal. Chaque stade du sommeil est caractérisé par une activité cérébrale particulière, associée à des ondes électriques que l’on peut mettre en évidence par électroencéphalographie (EEG).

  • Le sommeil lent est caractérisé par des ondes lentes. Il comporte lui-même plusieurs stades : après une phase de transition (N1) de quelques minutes qui sépare la veille et le sommeil, la phase de sommeil léger (N2) s’installe. Les muscles se détendent, la température corporelle, la pression artérielle et l’activité cardiaque diminuent. Elle est suivie par une phase de sommeil progressivement plus profond (N3) qui dure plusieurs dizaines de minutes. L’individu est de plus en plus insensible aux stimulations extérieures. Pendant cette période, l’EEG montre la présence d’ondes de grande amplitude et de faible fréquence. L’imagerie fonctionnelle du cerveau révèle quant à elle une consommation en oxygène réduite et donc un métabolisme cérébral ralenti. Le tonus musculaire est diminué mais encore partiellement présent, pouvant expliquer les épisodes de somnambulisme (voir plus loin).
  • Le sommeil paradoxal correspond à une période durant laquelle l’activité cérébrale est proche de celle de la phase d’éveil. Il est aussi appelé période REM (Rapid Eye Mouvement) en raison de fréquents mouvements oculaires rapides (sous les paupières fermées). À l’inverse, le tonus musculaire est totalement aboli durant cette phase, en dehors de quelques mouvements des extrémités des membres. Parallèlement, la pression artérielle et le rythme respiratoire connaissent de fréquentes fluctuations. Le sommeil paradoxal est propice aux rêves notamment ceux dont on peut garder le souvenir une fois éveillé. Des rêves peuvent aussi survenir au cours du sommeil lent léger, mais ils sont moins intenses et correspondent davantage à des idées abstraites qu’à des réalisations ou des actions conduites au cours du rêve.
  • Lors de la phase d’éveil, les ondes sont de courte amplitude et rapides. 
Infographie illustrant les différents stades du sommeil et de l'éveil enregistrés sur un sujet, par électroencéphalogramme, pendant la nuit.
© Inserm/Alexandra Pinci
Infographie illustrant les différentes phases du sommeil et de l’éveil enregistrées sur un sujet, par électroencéphalogramme, pendant la nuit. Le sommeil se compose de la transition éveil-sommeil (stade 1 : 4 à 5 % du temps de sommeil), du sommeil lent léger (stade 2 : 45–55 %) et du sommeil lent profond (stade 3 16–20 %) et du sommeil paradoxal 20–25 %). Au fur et à mesure de la nuit, le sommeil lent profond diminue au profit du sommeil lent léger. © Inserm/Alexandra Pinci

Le rythme de sommeil fluctue

Au cours d’une même nuit, si les cycles de sommeil successifs sont tous structurés de façon identique, la proportion de sommeil lent et de sommeil paradoxal varie : les premiers cycles sont essentiellement constitués de sommeil lent profond, tandis que la fin de nuit fait la part belle aux sommeils lent léger et paradoxal. Et si la nuit précédente a été mauvaise, le sommeil lent sera d’autant plus profond la nuit suivante. 

La composition du sommeil varie également au cours de la vie. Le sommeil lent est plus profond durant la croissance, jusque vers l’âge de 20 ans. À mesure que l’on vieillit, il devient minoritaire et laisse la place à un sommeil lent plus léger, expliquant l’augmentation des troubles du sommeil avec l’avancée en âge. Le sommeil paradoxal est également plus long dans les premières années de vie : sa durée se réduit à l’âge adulte.

Enfin, la quantité de sommeil nécessaire et sa qualité varient grandement d’une personne à l’autre. L’environnement, l’hygiène et le rythme de vie jouent un rôle sur la capacité à dormir et bien récupérer lors d’une nuit de sommeil. Mais des facteurs génétiques interviendraient dans les différences entre les lève-tôt et les couche-tard, ou les gros et les petits dormeurs. Les petits dormeurs présenteraient notamment des phases de sommeil léger très courtes. Quelle que soit la durée de sommeil nécessaire à chacun, celle du sommeil profond serait relativement constante, tandis que les durées de sommeil léger et de sommeil paradoxal varieraient.

La sieste

D’après l’enquête de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV 2020), environ 40 % des Français font au moins une sieste chaque semaine. Lorsque le besoin de sommeil nocturne n’est pas couvert, cette pratique qui fait appel à un sommeil lent léger, apporte des bénéfices avec un gain de vigilance et de performance. La sieste type dure entre 15 et 20 minutes. Elle se pratique plutôt en début d’après-midi dans un endroit calme.

Les spécialistes du sommeil recommandent de valoriser la sieste en entreprise et à l’école, à condition de choisir une durée et un moment propice dans la journée pour ne pas pénaliser l’endormissement le soir. Elle est également recommandée lors d’un trajet en voiture, dès les premiers signes de baisse de vigilance du conducteur.

Somnolence au volant : des mesures pour lutter – documentaire – 4 min 15 – 2011

Le sommeil en chiffres

D’après le baromètre de Santé Publique France, le temps de sommeil des adultes était en moyenne de 6 heures 42 minutes par 24 heures durant la semaine (ou les jours travaillés) en 2017, soit en dessous des 7 heures minimales quotidiennes habituellement recommandées. Il était de 7 h 26 le week-end (ou les jours de repos), conduisant au final à un temps moyen de sommeil de 6 h 55.

Ce temps de sommeil évolue avec l’âge : de 7 h 24 chez les 18–24 ans, il diminue jusqu’à 6 h 35 chez les 45–54 ans, puis il remonte à 6 h 48 chez les 55–64 ans et 6 h 58 pour les plus âgés (65–75 ans). Plus d’un tiers des 18–75 ans (36 %) dorment moins de 6 heures par nuit, sans différence significative entre hommes et femmes.

Comment évalue-t-on la qualité et la durée du sommeil ?

L’examen de référence est la polysomnographie. Des électrodes sont placées au niveau du crâne et de différentes parties du corps du patient pour enregistrer plusieurs paramètres : activité cérébrale (par électroencéphalogramme), activité musculaire (électromyogramme) et mouvements oculaires (électro-oculogramme). Ces enregistrements permettent d’établir un hypnogramme, c’est-à-dire un tracé des différentes phases de sommeil et d’éveil. Parallèlement, le rythme cardiaque, le rythme respiratoire et les mouvements des jambes sont également enregistrés afin de caractériser certains troubles ou pathologies nocturnes. 

D’autres approches sont utilisées afin d’explorer les troubles du sommeil : un agenda du sommeil permet aux personnes concernées de consigner leurs habitudes de sommeil et d’éveil, de coucher et de lever, pour mieux décrire d’éventuelles insomnies ou des décalages de phase (endormissement ou réveil tardif par exemple). L’actimétrie, qui enregistre les mouvements corporels grâce à un bracelet porté au poignet, permet également de mieux caractériser les alternances veille-sommeil sur plusieurs jours. Par ailleurs, des tests itératifs de latence d’endormissement (TILE) peuvent être utilisés pour diagnostiquer des syndromes d’hypersomnolence et des tests de maintien d’éveil (TME) pour évaluer la somnolence diurne et la résistance au sommeil. 

Enfin, les techniques d’imagerie médicale (IRM, scanner), et a fortiori celles d’imagerie fonctionnelle (PET scan, IRM fonctionnelle, magnétoencéphalographie), offrent aux chercheurs les moyens d’étudier les caractéristiques et le rôle de chacune des phases de sommeil, en identifiant les structures cérébrales impliquées. 

L’endormissement : un phénomène complexe

L’endormissement nécessite la convergence de plusieurs facteurs qui provoquent l’inhibition des centres de l’éveil dans le cerveau, et font basculer dans le sommeil. Ces facteurs sont issus de processus homéostasiques – c’est-à-dire impliqués dans la régulation des fonctions de l’organisme – qui accroissent le besoin du sommeil à mesure que la période de veille se prolonge, et de processus circadiens qui visent à synchroniser l’organisme et le sommeil sur l’alternance jour-nuit.

Les processus homéostatiques provoquent l’accumulation de différents facteurs au cours de la journée. Parmi eux, l’adénosine jouerait un rôle central. Expérimentalement, il apparaît en effet que plus la dette de sommeil est importante, plus le taux d’adénosine est élevé dans le cerveau, et plus les ondes du sommeil lent profond qui succède sont amples. Ainsi, l’hypothèse est que l’accumulation d’adénosine inhiberait progressivement le fonctionnement cérébral jusqu’au déclenchement du sommeil, avant qu’elle soit éliminée au cours de la nuit.

Le système circadien joue par ailleurs un rôle clé dans l’endormissement. L’horloge biologique de l’organisme humain régule les phases de veille et de sommeil avec une rythmicité proche de 24 heures : le rythme circadien. Plusieurs facteurs interviennent dans sa synchronisation :

  • L’induction du sommeil est sous la dépendance hormonale de la mélatonine. Surnommée l’hormone du sommeil, cette substance est produite en situation d’obscurité par la glande pinéale (ou épiphyse), située à l’arrière de l’hypothalamus. Lorsqu’elle est libérée en début de nuit, la mélatonine favorise le déclenchement du sommeil. Sa synthèse est à l’inverse inhibée lorsque les cellules rétiniennes perçoivent la lumière. Avec le vieillissement, sa production est de moins en moins efficace ce qui contribue aux nombreux troubles du sommeil liés à l’âge.
  • Les cellules ganglionnaires à mélanopsine de la rétine ont un rôle partiel sur l’induction du sommeil. Ces cellules servent essentiellement à synchroniser le sommeil (et d’autres fonctions comme la prise alimentaire) sur l’alternance jour-nuit, via leurs projections sur des structures cérébrales en particulier le noyau suprachiasmatique. Les expériences conduites sur des personnes isolées de la lumière du soleil durant plusieurs jours consécutifs montrent qu’une alternance veille-sommeil proche de celle vécue habituellement subsiste malgré tout. Le déclenchement du sommeil est donc un phénomène endogène qui est maintenu en l’absence de lumière. Néanmoins, l’usage tardif d’écrans ou de lumière LED, riches en lumière bleue, stimule ces cellules et retarde l’endormissement.
  • Les gènes « horloge » (CLOCK, BMAL, Per, Cry, Reverb…) ont une expression qui est modulée selon l’information reçue par les cellules rétiniennes, la mélatonine et d’autres facteurs synchroniseurs (activité physique, prise alimentaire...). Exprimés dans les noyaux suprachiasmatiques du cerveau, ils synchronisent plusieurs horloges secondaires situées au niveau cérébral et en périphérie, pour permettre la régulation du sommeil et de nombreuses autres fonctions rythmées par le cycle circadien (production de cortisol, d’ACTH, d’hormone de croissance…). Expérimentalement, la destruction des noyaux suprachiasmatiques chez l’animal n’abolit pas l’alternance entre veille et sommeil, mais elle conduit à l’établissement d’un rythme désorganisé sans alternance jour-nuit.

D’autres facteurs influencent également la capacité d’un individu à s’endormir : l’hygiène de vie, les consommations d’alcool, de substances excitantes... ou encore l’environnement immédiat (lumière, bruit…).

Le rêve, un phénomène encore mystérieux

Au-delà la célèbre théorie psychanalytique de Sigmund Freud, qui voit dans le rêve l’expression inconsciente de désirs et de sentiments refoulés, de nombreuses hypothèses ont été formulées sur leur rôle. Les rêves permettraient d’intégrer des évènements, des sentiments ou des apprentissages. En témoigne l’implication de plusieurs zones corticales qui ont un rôle dans la parole, la mémoire, la prise de décision ou les mouvements. D’autres théories soutiennent que le rêve serait une activité liée au réveil. Il correspondrait à l’expression confuse mais consciente de l’activité cérébrale inconsciente et désorganisée qui a eu lieu au cours de la nuit. À moins qu’il ne s’agisse finalement que d’une activité cérébrale aléatoire, sans organisation ni objets particuliers ? Pour l’heure, les neurosciences n’ont pas permis de statuer. 

Pourquoi le cerveau se souvient-il de nos rêves ? – communiqué de presse vidéo – 3 min 31 – 2014

Le sommeil, c’est la santé

Le sommeil représente la forme la plus aboutie du repos. Il permet ainsi à l’organisme de récupérer, que ce soit sur le plan physique ou mental. Dans ce processus, le sommeil lent semble jouer un rôle particulier car les ondes lentes sont d’autant plus amples que la quantité ou la qualité du sommeil a été mauvaise la nuit précédente. Le sommeil est aussi associé à une réduction du métabolisme et à de moindres besoins énergétiques. Ainsi, la température corporelle s’abaisse autour de 36°C durant la nuit. 

À la fin du 19e siècle, les premières expériences de privation du sommeil conduites sur plus de trois jours ont décrit une altération des capacités mnésiques et du temps de réaction motrice, des hallucinations et une baisse de la température corporelle. Celles qui ont été conduites par la suite ont confirmé le rôle du sommeil dans les phénomènes de concentration, d’apprentissage, de mémorisation ou d’orientation.


Sommeil, maturation cérébrale et apprentissage

Les données d’imagerie décrivent qu’un nouvel apprentissage est associé, au cours de la nuit suivante, à l’augmentation du nombre d’épines dendritiques, les excroissances qui connectent les neurones adjacents entre eux et facilitent le passage d’informations de l’un à l’autre. Ces mécanismes expliquent probablement pourquoi un nouveau-né a besoin de dormir deux fois plus longtemps qu’un adulte. 


Dès les années 1980, il est devenu de plus en plus évident que le sommeil n’était pas uniquement utile à la mémoire et à la récupération. Son rôle est particulièrement important pour la santé. Grâce aux travaux sur l’altération de l’état de santé des personnes qui souffrent de troubles du sommeil, il a été possible de mettre en exergue qu’une mauvaise qualité/quantité de sommeil accentue le risque d’irritabilité, de symptômes dépressifs, mais aussi de prise de poids, de diabète de type 2, d’hypertension ou d’infection.

Sommeil et métabolisme

La privation de sommeil augmente l’appétit en modulant les hormones qui le régulent (leptine, ghréline, orexine). L’augmentation des apports, combinée à la fatigue et la somnolence diurne, se traduit par une baisse des dépenses énergétiques durant les phases d’éveil, d’où un risque de prise de poids. D’ailleurs, les données épidémiologiques montrent une corrélation entre la durée de sommeil moyenne d’une population et son indice de masse corporelle (IMC).

Parallèlement, la diminution de la durée de sommeil perturbe le rythme circadien qui régule la synthèse de certaines hormones comme le cortisol ou l’hormone de croissance, impliquées dans le métabolisme du glucose. Ce phénomène favoriserait l’apparition d’une intolérance au glucose et l’évolution progressive vers le diabète de type 2, indépendamment de la prise de poids. L’implication du sommeil dans d’autres facteurs cardiovasculaires comme l’hypertension par exemple, reste à mieux décrire et comprendre. 

Sommeil et métabolisme – interview – 3 min 59 – vidéo extraite de la série POM Bio à croquer (2013)

Sommeil et immunité

Les connaissances sont encore incomplètes mais de nombreuses données expérimentales démontrent un lien entre sommeil et immunité. La qualité de la réponse immunitaire dépend du rythme circadien et varie selon l’heure de la journée. La nature ou le nombre de cellules immunitaires comme les leucocytes ou les lymphocytes NK sont altérés par la privation de sommeil. Enfin, inversement, certains épisodes infectieux, viraux ou bactériens, favorisent l’allongement de la durée de sommeil via l’activation des médiateurs de l’immunité pro-inflammatoire (interleukine 1, TNF alpha…). 

Les troubles du sommeil, fléau des sociétés modernes... 

D’après Santé Publique France, en 2017, une proportion élevée de Français souffrait de troubles du sommeil, dont les plus fréquents sont l’insomnie (15 à 20 % des adultes), le syndrome d’apnées du sommeil (4 à 6 % des adultes), le syndrome des jambes sans repos (2 % à 8 % de la population), les parasomnies (2 à 4 %) et les hypersomnies rares (0,05 % à 0,1 % de la population).

Les insomnies

Il n’existe pas une, mais des insomnies : certaines sont ponctuelles, d’autres chroniques. Certaines sont caractérisées par des difficultés d’endormissement, d’autres par des réveils nocturnes ou par une sensation de sommeil non récupérateur. Elles se distinguent également par la nature de leurs facteurs déclenchants : facteurs cognitifs ou somatiques internes, ou facteurs extérieurs qui perturbent le déclenchement ou le maintien du sommeil (hygiène de vie, lumière, utilisation tardive d’écrans ou pratique tardive du sport, prise de certains médicaments…). 

Pour en savoir plus, consulter le dossier Insomnie

Les hypersomnies et narcolepsie

Les syndromes d’hypersomnolence se caractérisent par un besoin excessif de sommeil et des épisodes de somnolence durant la journée eux aussi excessifs, malgré une durée de sommeil normale ou élevée. Ce symptôme toucherait environ 5 % de la population adulte. Parmi les différentes formes d’hypersomnolence, la narcolepsie est un trouble de l’éveil rare, qui se déclenche essentiellement chez les adolescents et les jeunes adultes. Cette maladie sévère, probablement d’origine auto-immune, se manifeste par des accès brutaux et irrépressibles de sommeil au cours de la journée. S’y ajoutent des hallucinations (rêves éveillés) et parfois, des attaques de cataplexie au cours desquelles un relâchement musculaire brusque survient. 

Pour en savoir plus, consulter le dossier Hypersomnies et narcolepsie.

Les troubles du rythme circadien

Ces troubles surviennent suite à un dérèglement de l’horloge biologique. Ceux qui n’ont pas sommeil avant une heure avancée de la nuit présentent un retard de phase, tandis que ceux qui souffrent d’un syndrome d’avance de phase ont des difficultés à rester éveillées au-delà de 19h. Il peut exister des troubles épisodiques, liés à un décalage horaire par exemple. Mais d’autres sont spécifiques, comme le syndrome hyper-nycthéméral, qui touche les personnes aveugles qui ne perçoivent pas l’alternance jour-nuit. Généralement, ces personnes ont un rythme circadien voisin de 25 heures, au lieu des 24 heures habituelles. Dans tous les cas, ces troubles liés à la perturbation de la chronobiologie peuvent engendrer des répercussions diverses sur la santé.

Pour en savoir plus, consulter le dossier Chronobiologie

L’apnée obstructive du sommeil

L’apnée du sommeil est un trouble respiratoire dont la fréquence augmente avec l’âge, le surpoids et, a fortiori, l’obésité. Durant la nuit, de courtes apnées (de quelques millisecondes à quelques secondes) surviennent en raison de l’obstruction de la gorge par la langue et par le relâchement des muscles du pharynx. Elles aggravent à terme le risque cardiovasculaire et favorisent, de par les micro-éveils qu’elles induisent, une fatigue et une somnolence diurne.

Pour en savoir plus, consulter le dossier Apnée du sommeil

Les parasomnies

Les parasomnies correspondent à un ensemble de phénomènes anormaux qui se produisent lors de la phase de sommeil lent profond ou lors du sommeil paradoxal.

Au cours du sommeil lent profond, les parasomnies les plus fréquentes sont le somnambulisme, le bruxisme (grincement des dents), la somniloquie (paroles), les terreurs nocturnes (fréquentes chez les enfants, à cheval entre le somnambulisme et la somniloquie) ou l’énurésie (pipi au lit). Au cours du sommeil paradoxal, des anomalies peuvent se manifester au travers de mouvements violents (trouble du comportement en sommeil paradoxal, TCSP), de bruits non articulés de type gémissements, grognements ou vocalises(catathrénie), ou encore de comportements sexuels inconscients (sexsomnies).

Les parasomnies ont parfois une composante génétique, mais elles sont le plus souvent favorisées par des éléments extérieurs qui perturbent l’organisation normale du sommeil (intensité, durée et articulation des phases de sommeil) : maladie neurodégénérative, stress, fièvre, certains médicaments… Les sexsomnies seraient par exemple favorisées par le traitement dopaminergique de la maladie de Parkinson.

Le syndrome des jambes sans repos

Le syndrome des jambes sans repos (SJRS ou maladie de Willis-Ekbom) est caractérisé par un besoin irrépressible de bouger les jambes, associé à ou provoqué par des sensations désagréables au niveau des membres inférieurs. Ces symptômes se manifestent habituellement pendant les périodes de repos ou d’inactivité, et s’intensifient en soirée puis au cours de la nuit. Ils perturbent l’endormissement et, dans les cas les plus sévères, entraînent des perturbations marquées du sommeil (désorganisation et fragmentation du sommeil).

Le mécanisme de la maladie n’est pas encore élucidé, mais il implique vraisemblablement une dysfonction du système dopaminergique. Certaines formes de SJSR seraient secondaires à une insuffisance rénale chronique terminale, une grossesse, une carence en fer ou à la prise de certains médicaments (antihistaminiques, neuroleptiques, antidépresseurs...). Plusieurs gènes de prédisposition, dont l’expression modifie la transmission dopaminergique, ont également été identifiés. À lire aussi : Le fardeau mental du syndrome des jambes sans repos

Une spécialité médicale

La médecine du sommeil est devenue une spécialité universitaire en 2017 et il existe une centaine de Centres du sommeil homologués par la Société française de Recherche et médecine du Sommeil (liste disponible sur le site de l’Institut national du sommeil et de la vigilance). Ces centres sont dédiés à l’exploration du sommeil et de ses pathologies.

Les enjeux de la recherche

Poursuivre le développement des techniques d’investigation du sommeil

Avec l’amélioration des techniques d’imagerie et notamment d’imagerie fonctionnelle, les connaissances sur les mécanismes du sommeil continuent à progresser. Elles permettent de découvrir des régions cérébrales, ainsi que des types de neurones et des neurotransmetteurs impliqués dans les différentes phases de sommeil. Les techniques récentes permettent notamment de passer de l’analyse de l’activité cérébrale globale, à celle des mécanismes à l’échelle du neurone.L’objectif final est d’identifier les réseaux neuronaux associés aux différentes phases de sommeil et de pouvoir reconstituer la chaine d’événements qui provoque l’entrée dans ces phases ou les troubles du sommeil.

Ces techniques reposent en particulier sur l’implantation d’électrodes dans le cerveau d’animaux, afin de suivre l’activité des neurones actifs au cours des différentes phases de sommeil. Ce type de données peut aussi être obtenue chez des patients atteints d’épilepsie sévère qui ont bénéficié d’une implantation d’électrodes cérébrales à visée thérapeutique. D’autres techniques permettent de manipuler précisément un type particulier de neurones ou une petite zone du cerveau. Par exemple, avec l’optogénétique, les neurones d’intérêt sont transfectés par un gène codant pour une protéine photo-activable. La lumière émise par une fibre optique permet ensuite d’activer ou d’inhiber spécifiquement ces neurones, et ainsi d’en étudier leur rôle ou leur fonctionnement. La chémogénétique repose sur le même principe, mais en utilisant une molécule chimique capable de moduler l’activité des neurones qui expriment les récepteurs de cette molécule.

L’imagerie calcique apporte des possibilités supplémentaires. Grâce au marquage du calcium avec un composant fluorescent, et à l’aide d’une fibre optique ou d’un microscope à fluorescence, elle permet d’observer l’activité de neurones à l’échelle de la cellule unique ou même de ses prolongations (dendrites ou axones) en temps réel pendant que l’animal effectue une tâche ou dort.

Une autre technique en développement est l’analyse transcriptomique spatiale. Les chercheurs peuvent connaître l’expression génique de chaque neurone activé au cours d’une tâche très récemment effectuée (grâce à l’expression d’un marqueur d’activité dans ces neurones). Cela renseigne sur les caractéristiques biochimiques et fonctionnelles de ces neurones. Ce travail est effectué sur des coupes de tissus ex vivo.

Mieux comprendre les relations entre sommeil et santé

En ce qui concerne les liens entre le sommeil et les processus de mémorisation, les données expérimentales tentent de préciser le rôle spécifique de chacune des phases de sommeil (lent et paradoxal) sur ce processus et les mécanismes neuronaux impliqués. Le rôle du sommeil paradoxal est particulièrement scruté : il constitue la majeure partie du temps de sommeil des nouveau-nés et des enfants en bas âge, et le perturber ou le supprimer chez le rat engendre des modifications de l’architecture cérébrale. Par ailleurs, de plus en plus de données permettent de lui attribuer un rôle important dans l’acquisition de la mémoire émotionnelle (qui permet d’attribuer une émotion positive ou négative à un souvenir). Récemment des mécanismes cérébraux associés à ce processus ont été décrits.

Parallèlement, des études mettent en évidence un lien entre troubles du sommeil et altération des capacités cognitives, via une présence accrue de plaques séniles à l’imagerie en cas de déficit de sommeil. Toutefois, une meilleure compréhension des mécanismes impliqués est aujourd’hui nécessaire. Elle permettra notamment de déterminer si les troubles cognitifs provoquent des troubles du sommeil ou si, au contraire, ce sont ces derniers qui favorisent le déclin cognitif. Les données épidémiologiques suggèrent aussi un lien entre troubles du sommeil et dépression. Là encore, les chercheurs tentent de clarifier si les troubles du sommeil rendent les personnes vulnérables au risque de dépression ou l’inverse. Un risque accru d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie, ou d’évènements cardiovasculaires (AVC, coronaropathies) est également observé chez les personnes qui présentent une mauvaise qualité de sommeil. Ces observations font aujourd’hui l’objet de recherches qui permettront de mieux en comprendre les facteurs soutenant ces associations.

Les liens entre sommeil et immunité devront eux aussi être mieux décrits. Au-delà de la compréhension du rôle du sommeil dans notre vulnérabilité aux infections, les mécanismes qui seront identifiés pourront probablement aider à comprendre l’augmentation de la fréquence des cancers chez les travailleurs de nuit : le sur-risque de cancers du sein, de la prostate ou du côlon pourraient non seulement être liés à une immunité moins performante, mais aussi à une désynchronisation du rythme circadien qui influence certaines voies de signalisation moléculaires.

Mieux décrire les troubles du sommeil et de la vigilance

Quelle est la fréquence des troubles du sommeil ? Comment et pourquoi évolue-t-elle ? Quel est son impact en termes épidémiologiques ou individuels ? Toutes ces questions font l’objet de nombreux travaux scientifiques qui passent au crible tous les facteurs de vie quotidienne déterminants pour la qualité du sommeil : rythmes de vie personnelle, scolaire ou professionnelle, l’influence de l’alimentation, usage des nouvelles technologies dont la lumière désorganise nos nuits… Ces travaux peuvent apporter des informations utiles en termes de santé publique et de santé individuelle, mais aussi des informations pour améliorer les connaissances et la prévention en accidentologie (route, domestique…) ou en médecine du travail. Dans ce dernier domaine, les questions relatives au travail de nuit ou au travail posté (qui modifie les horaires de travail et de sommeil) doivent encore être approfondies.

L’identification de déterminants non modifiables impliqués dans le sommeil fait également partie des axes les plus prometteurs : les études de criblage génétique permettent par exemple d’identifier des déterminants génétiques impliqués dans la diversité des profils de dormeurs. L’étude précise de troubles du sommeil particuliers, comme la narcolepsie, ou associés à certaines maladies, comme la maladie de Parkinson, peut aussi apporter des enseignements intéressants pour la compréhension de certaines voies neurohormonales ou métaboliques qui constituent les pivots essentiels d’une bonne qualité et quantité de sommeil.

Nos contenus sur le même sujet

Actualités

Communiqués de presse

À découvrir aussi

Pour aller plus loin