Neurosciences : Une sieste créative

On vante souvent les vertus d’une sieste en début d’après-midi. Mais connaissez-vous celles de la micro-sieste ? Une divagation de quelques dizaines de secondes seulement, à mi-chemin entre éveil et sommeil, aurait la capacité de booster la créativité. C’est ce que tente de démontrer l’équipe Inserm de Delphine Oudiette à l’Institut du cerveau, à Paris.

Une jeune femme est installée dans un fauteuil confortable adapté à la sieste, dans un laboratoire. Elle porte un bonnet avec des électrodes. La pièce est plongée dans la pénombre.

L’endormissement est-il propice à la créativité ? Pour le vérifier, Delphine Oudiette et ses collaborateurs demandent à des volontaires de se prêter à un jeu plutôt inhabituel : Tout d’abord, tenter de résoudre une énigme. Puis se reposer une vingtaine de minutes (s’endormir est permis). Ensuite, tenter à nouveau de résoudre l’énigme. Résultat ? Les participants s’étant assoupis seraient plus susceptibles de trouver la bonne réponse que ceux restés éveillés… Ce qui suggère que la transition vers le sommeil permettrait effectivement d’accéder à un moment « eurêka ! ». Que se passe-t-il dans le cerveau pendant ces quelques secondes cruciales ? Est-ce que la mémoire se réorganise lors de la phase d’endormissement ? Allons discrètement assister à une expérience pour le moins… soporifique.

La volontaire du jour, c’est Chloé, étudiante de 20 ans (au centre). Le doctorant en charge de l’expérience, Nicolas Decat, et sa collègue en stage, llona Scellier-Dekens, lui installent un casque électroencéphalogramme avec 64 électrodes.

Les électrodes mesurent l’activité électrique cérébrale et donnent des indications précieuses sur les zones activées dans le cerveau. Un gel conducteur est appliqué avec une seringue pour faciliter le passage de l’activité cérébrale du cuir chevelu vers les électrodes, qui captent ces signaux.

Équipée de son bonnet, Chloé est maintenant devant un ordinateur.

Pour Chloé, le premier exercice consiste à répondre à une énigme sur ordinateur. Elle peut proposer autant de réponses qu’elle le souhaite.

La seconde partie de l’expérience est étonnante : tout ce que Chloé doit faire, c’est… se détendre ! Pendant une vingtaine de minutes, elle peut fermer les yeux, et même s’endormir si elle le souhaite. Avec une bouteille tenue du bout des doigts… Il s’agit d’une astuce utilisée par les chercheurs : si Chloé commence à s’endormir, ses muscles se relâcheront, et la bouteille tombera au sol. Le bruit de l’impact réveillera la volontaire assoupie pendant quelques secondes. Le but : éviter qu’elle ne sombre dans un sommeil profond, car c’est la phase d’endormissement qui est étudiée.

Chloé est installée dans un fauteuil confortable dont le dossier est incliné en arrière. Elle a les yeux fermés. Elle tient une gourde dans sa main droite.

Pendant ce temps-là, depuis la salle de contrôle, Nicolas Decat surveille si la volontaire s’endort grâce aux signaux cérébraux de l’écran de droite, et vérifie si la bouteille tombe sur l’écran de gauche.

La courbe au-dessus du stylo représente l’activité cérébrale située à l’arrière du cerveau de la volontaire. On voit que la fréquence de l’oscillation diminue, ce qui signifie que l’activité électrique de cette zone ralentit : une courbe typique de l’endormissement.

Le chercheur et la volontaire, réveillée et souriante, discutent.

L’expérience est terminée. Chloé a trouvé la réponse à l’énigme, sans s’être endormie !

Les chercheurs espèrent inclure cent volontaires au total, et comprendre comment un sommeil de quelques secondes peut réorganiser la mémoire sémantique (celle du langage notamment) et permettre de trouver la solution à un problème.

Reportage réalisé dans le laboratoire de Delphine Oudiette, chercheuse Inserm à l’Institut du cerveau (unité 1127 Inserm/CNRS/Sorbonne Université) à Paris, à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°60.

Photos : Inserm/François Guénet
Autrice : L. A.

À lire aussi

[2015-09-18] INFRv4_reves, preuve_IAU.jpg
Inserm_Sommeil2-IAU.jpg