La preuve que tout le monde rêve !

Bien qu’une infime partie de la population dise ne jamais rêver, tout le monde rêve, a priori sans exception. C’est ce suggère les travaux d’une équipe de chercheurs qui travaillent avec des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. L’absence de souvenir de rêve tout au long de la vie résulterait plutôt d’un problème d’encodage de ces souvenirs au cours du sommeil.

Certaines personnes disent ne jamais se souvenir d’avoir rêvé, et cela depuis leur enfance. Elles sont incapables de se remémorer le moindre rêve, y compris en cas de réveil nocturne soudain, sous-entendant qu’elles sont peut-être des cas à part, privées de rêves pendant leur sommeil. Pourtant, tout le monde rêve ! Telle est en effet la conclusion d’une équipe de chercheurs qui a voulu en avoir le cœur net. 

D’après de précédents travaux, il a été établi que nous nous souvenons de un à trois rêves en moyenne par semaine. Nous sommes 80 à 90% à pouvoir raconter un rêve en cas de réveil subit en cours de sommeil paradoxal, et 50 à 75% en cas de réveil à un autre moment de la nuit. Néanmoins, une micro fraction de la population générale dit ne jamais rêver et 0,38% d’irréductibles n’auraient même, selon eux, jamais rêvé de toute leur vie. « C’est exactement ce que j’ai observé lors de mes consultations avec des personnes atteintes de la maladie de Parkinson, explique Isabelle Arnulf*, responsable de ces travaux. Beaucoup de ces patients ont des problèmes de sommeil. De très rares cas disent ne jamais se souvenir de rêves, même quand ils sont réveillés en pleine nuit ».

Un comportement onirique

Dans un premier temps, la chercheuse s’est demandé si ces individus ne présentaient pas tout simplement des problèmes de mémoire. Mais leur évaluation par différents tests n’a pas montré de différence avec les personnes se souvenant de leurs rêves. « Ces patients ont le même niveau de mémoire et le même profil cognitif que les autres », clarifie la chercheuse. Elle s’est alors demandé si ces personnes pouvaient réellement ne pas rêver… 

En étudiant leur sommeil et en observant leur activité nocturne en laboratoire, il est apparu que les phases de sommeil de ces patients étaient standards et qu’ils montraient des comportements oniriques en actes ou en paroles, évoquant sans ambiguïté des pensées de type rêve. « Les personnes atteintes de la maladie de Parkinson vivent souvent leurs rêves. Le verrou qui bloque les fonctions physiques et sépare les pensées des actes saute, de sorte qu’elles miment des scènes de leurs rêves. Or les patients qui ne se rappellent jamais de leurs rêves ont ce comportement onirique pendant la nuit, indiquant qu’ils sont bien en train de rêver. Par exemple, ce patient semble fumer alors qu’il est endormi », clarifie la chercheuse. 

Un problème d’encodage du souvenir

Les non rêveurs semblent donc bien rêver la nuit. Pour autant, « ces personnes sont sincères quand elles disent qu’elles n’en ont aucun souvenir, jamais. Il s’agirait plutôt d’un problème d’encodage du souvenir juste à la sortie du sommeil paradoxal, sans autre altération de la mémoire » selon Isabelle Arnulf. Le rôle des rêves reste mal identifié. Mais si le sommeil permet de consolider la mémoire, les rêves pourraient contribuer à l’acquisition de certains souvenirs. On sait désormais que les non rêveurs n’ont pas moins de chance que les autres de ce côté-là. 

Source

B Herlin et coll. Evidence that non-dreamers do dream : a REM sleep behavior disorder model. J Sleep Res, édition en ligne du 25 août 2015 

Note

*unité 1127 Inserm/CNRS/UMPC Paris 6, Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, Paris