Arthrose

La maladie articulaire la plus répandue

L’arthrose est une maladie articulaire qui conduit à la destruction du cartilage. Si sa prise en charge reste encore essentiellement symptomatiques, la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques permet désormais le développement de traitements ciblés, qui visent à enrayer la progression de la maladie. Un certain nombre d’entre eux sont en cours d’évaluation.

Dossier réalisé en collaboration avec Francis Berenbaum, équipe Pathologies articulaires associées aux maladies métaboliques et à l’âge au Centre de recherche Saint-Antoine (unité Inserm 938), Paris

Comprendre l’arthrose

L’arthrose est la maladie articulaire la plus répandue. Liée à des dysfonctionnements qui impliquent tous les composants de l’articulation, elle se caractérise par une destruction du cartilage, une inflammation de la membrane qui tapisse l’intérieur de l’articulation (membrane synoviale), ainsi qu’un remodelage de la couche osseuse située directement sous le cartilage (os sous-chondral). Elle se manifeste par des douleurs et des raideurs, et parfois par une inflammation et/ou à une accumulation de liquide dans la cavité articulaire (épanchements). Elle peut engendrer un handicap majeur, avec une perte de mobilité.

Toutes les articulations peuvent être concernées

Les articulations les plus souvent atteintes par l’arthrose sont celles des mains (dans 35 à 45 % des cas), du rachis (dans 45 à 50 % des cas), des genoux (dans 30 % des cas, on parle alors de « gonarthrose ») et des hanches (dans 10 % des cas, c’est ce que l’on nomme la « coxarthrose »). L’arthrose de la colonne vertébrale est quant à elle fréquente chez les 65–75 ans, mais elle reste le plus souvent silencieuse. Les autres articulations − épaules, orteils, chevilles, poignets et coudes − sont moins souvent atteintes.

Plusieurs facteurs de risque identifiés

Des facteurs de natures variées sont associés au risque de développer une arthrose :

  • L’âge : la maladie concerne en effet seulement 3 % des moins de 45 ans, mais 65 % des plus de 65 ans et 80 % des plus de 80 ans.
  • Un excès de pression sur les articulations : en augmentant les contraintes mécaniques, une surcharge pondérale, le port fréquent de charges lourdes, une activité physique trop intense ou la pratique mal contrôlée de certains sports peuvent favoriser le développement de l’arthrose.
  • Des désordres métaboliques générés par le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle ou encore les dyslipidémies.
  • Certaines autres maladies de l’articulation, comme la chondrocalcinose (caractérisée par des dépôts de calcium dans le cartilage), la goutte (caractérisée par des dépôts d’acide urique dans l’articulation) ou encore les rhumatismes inflammatoires potentiellement destructeurs comme la polyarthrite rhumatoïde ou le rhumatisme psoriasique.
  • Certaines maladies osseuses au contact de l’articulation, comme l’ostéonécrose aseptique.
  • Certaines anomalies anatomiques (des déviations de l’axe de la jambe comme le genu varum ou valgum, ou des dysplasies de hanche) ainsi que des séquelles de traumatisme (fracture articulaire, entorse négligée, luxation, ablation du ménisque)
  • La génétique : avoir des membres de sa famille atteints est, dans certains cas, un facteur de risque. Par exemple, l’arthrose des mains peut être héréditaire. Il existe en outre des maladies génétiques rares, comme les chondrodysplasies, qui peuvent provoquer une arthrose généralisée.

Une maladie qui implique tous les tissus de l’articulation

L’arthrose a longtemps été considérée comme une maladie uniquement liée à une dégradation du cartilage. Il est aujourd’hui clairement décrit que tous les tissus de l’articulation sont impliqués :

  • Le cartilage articulaire : ce tissu visco-élastique recouvre les surfaces osseuses de l’articulation. Il a pour fonction de faciliter le glissement de ces dernières les unes sur les autres. Il est majoritairement composé d’eau emprisonnée dans une matrice extracellulaire notamment composée de collagène et de cellules (les chondrocytes) qui régulent finement l’équilibre de ce tissu.
  • La membrane synoviale : il s’agit du tissu qui tapisse l’intérieur de la capsule articulaire. Il est en charge de produire le liquide synovial qui lubrifie le cartilage.
  • L’os sous-chondral : la couche d’os qui se situe entre le cartilage et l’os proprement dit.
Dessin représentant une articulation avec son cartilage, la membrane synoviale et les os sous-chondraux.
Schéma d’une articulation saine © Inserm, équipe Pathologies articulaires associées aux maladies métaboliques et à l’âge au Centre de recherche Saint-Antoine (unité 938)

Schématiquement, sous l’effet d’un facteur initiateur (traumatisme, sénescence cellulaire, facteur métabolique…), des débris cartilagineux s’accumulent dans la cavité articulaire et induisent une inflammation locale de la membrane synoviale. Celle-ci produit alors des médiateurs inflammatoires, libérés dans le liquide synovial. En réaction, les chondrocytes se mettent à produire en excès des enzymes (des métalloprotéases), qui vont à leur tour dégrader la matrice cartilagineuse. Un cercle vicieux s’installe.

Récemment, il a été décrit qu’une atteinte plus profonde du cartilage est également associée au développement de l’arthrose : on observe la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans l’os sous-chondral, qui sont eux aussi à l’origine d’un afflux de médiateurs de l’inflammation. Ces molécules pro-inflammatoires activent les chondrocytes présents à l’interface de l’os sous-chondral et du cartilage. Les cellules cartilagineuses évoluent alors vers un état hypertrophié, qui altère leur fonctionnement : elles produisent un collagène de mauvaise qualité, dont les propriétés mécaniques dégradées fragilisent l’articulation.

De l’arthrose aux arthroses

Si les grandes lignes de la physiopathologie de l’arthrose sont dessinées, leur description précise met en lumière une multitude de profils différents : selon la nature de l’évènement qui déclenche la maladie (traumatisme, surpoids, âge…), on observe que les articulations atteintes ne sont pas toujours les mêmes et que les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués localement peuvent être très différents. On ne parle donc plus « de l’arthrose », mais « des arthroses ».

Plusieurs approches sont envisagées pour définir les différents types/groupes d’arthrose. On peut les en effet les former en fonction de :

  • Facteurs de risques. On distingue alors schématiquement trois groupes, qu’il reste à affiner et compléter : l’arthrose post-traumatique, l’arthrose métabolique et l’arthrose liée au vieillissement.
  • Symptômes cliniques (la nature des articulations touchées, la présence d’une inflammation ou d’un gonflement…)
  • Marqueurs biologiques spécifiques. On parle alors « d’endotypes ». Cette approche est encore très exploratoire (voir Les enjeux de la recherche).

Une évolution imprévisible

Dans l’arthrose, les lésions du cartilage ne régressent jamais, mais leur progression n’est pas linéaire. L’évolution de la maladie peut être très rapide et rendre nécessaire le remplacement de l’articulation par une prothèse dans un délai de moins de 5 ans (par exemple dans le cas de l’arthrose de la hanche). Mais l’arthrose peut également évoluer lentement, sans induire de handicap majeur.

Tout au long de la maladie, deux états se succèdent chez les patients à un rythme imprévisible :

  • des phases chroniques, au cours desquelles la gêne quotidienne est variable et la douleur modérée,
  • des crises douloureuses aiguës accompagnées d’une inflammation de l’articulation, au cours desquelles la douleur est vive, survenant dès le matin et parfois la nuit.

Durant la phase chronique, il est recommandé de conserver une activité physique régulière. En revanche, il faut mettre l’articulation au repos lors des crises douloureuses. C’est en effet au cours de cette phase qu’intervient la destruction du cartilage.


La radiographie comme outil de diagnostic et de suivi

Le diagnostic de la maladie repose sur un examen clinique et des radiographies de l’articulation. Ces dernières permettent d’observer une diminution de l’espace qui sépare les deux os de l’articulation radiographiée (« pincement de l’interligne articulaire »). Il est souvent utile d’en réaliser régulièrement (tous les ans ou tous les 2 ans), pour observer la sévérité et la vitesse d’évolution de la maladie, et décider d’un éventuel traitement chirurgical.

Radiographie du genou.
Radiographie du genou droit d’une femme de cinquante-huit ans. © Inserm/Dehausse, Eric

Des traitements uniquement symptomatiques

Les premiers éléments de prise en charge d’une arthrose sont des mesures non médicamenteuses qui limitent la progression de la maladie. Elles doivent être personnalisées en fonction des autres pathologies dont le patient peut être atteint et de la localisation de l’arthrose. Il est recommandé de :

  • perdre du poids en cas d’excès,
  • avoir une alimentation équilibrée et diversifiée,
  • pratiquer une activité physique régulière et d’intensité modérée en dehors des poussées inflammatoires (ex : marcher pendant une heure trois fois par semaine),
  • éviter de porter des charges lourdes,
  • adapter son environnement à son état de santé (ex : s’aider de rampes dans la baignoire, mettre les ustensiles à portée de mains dans la cuisine…),
  • se munir d’une canne lors des phases douloureuses aiguës,
  • porter des semelles orthopédiques en cas d’arthrose du genou (gonarthrose).

Soulager la douleur

Les seuls traitements pharmacologiques disponibles à ce jour visent à soulager la douleur liée à l’arthrose. Ils doivent toujours être associés à des mesures non médicamenteuses.

Parmi les antalgiques prescrits, le chef de file est le paracétamol. Mais d’autres molécules sont disponibles, pour s’adapter à différents paliers de douleur.

En cas de poussée inflammatoire, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) s’avèrent utiles. Ils sont administrés par voie orale ou localement, sous forme de gel ou pommade. Des opioïdes (codéine, tramadol, morphine) sont parfois prescrits, mais leur utilisation au long cours est déconseillée en raison du risque de dépendance. Pour passer un cap, le médecin peut aussi recourir à une infiltration de corticoïdes : ce geste consiste à injecter ces anti-inflammatoires puissants directement dans l’articulation. Il existe aussi des traitements dits « symptomatiques d’action lente » (glucosamine, chondroitine, dérivés d’avocat et de soja), dont l’efficacité reste toutefois controversée.

D’autres approches thérapeutiques visent à obtenir un effet antalgique qui dure plusieurs mois. L’injection d’acide hyaluronique, encore appelée viscosupplémentation, consiste à injecter localement un produit visqueux dont la composition est proche de celle du liquide synovial physiologique. Son efficacité est démontrée, sans pouvoir affirmer si tout ou partie de cet effet ne serait pas lié à un effet placebo.

Enfin, une arthroplastie peut être proposée aux patients chez lesquels l’arthrose de la hanche ou du genou engendre un handicap sévère. Cette intervention consiste à remplacer tout ou partie de l’articulation malade par une articulation artificielle (prothèse), dont la durée de vie est en général de 15 à 20 ans. L’arthroplastie permet le plus souvent d’améliorer nettement la qualité de vie et la motricité des patients. Elle est particulièrement efficace en cas d’arthrose de la hanche, même si 20 % des patients continueront à souffrir à l’issue de l’intervention.

Radiographie d'une prothèse de hanche.
Profil de hanche droite couchée en abduction, coxarthrose droite évoluée © Inserm/Dehausse, Eric

Les enjeux de la recherche

Malgré la fréquence de l’arthrose et son retentissement sur la vie quotidienne des personnes qui en souffrent, il n’existe pas encore de traitement pour contrer son évolution. De nombreux médicaments ont été évalués au cours des cinq dernières décennies, mais jusqu’ici sans succès. Cela s’explique sans doute sur le fait que les essais cliniques ont été conduits sur de groupes de patients dont la maladie est hétérogène. L’identification de sous-types (« phénotypes ») d’arthrose, définis par des caractéristiques cliniques et biologiques spécifiques, va permettre de former des groupes plus homogènes, au sein desquels il sera plus facile d’évaluer de nouvelles molécules pour aider à freiner la maladie, voire la prévenir. L’identification de marqueurs biologiques est toutefois encore balbutiante. Il est donc important que la recherche continue à décrire la physiopathologie des différentes présentations de la maladie.

Mieux comprendre l’influence des comorbidités sur la maladie

Si l’arthrose est une maladie articulaire, il apparaît de plus en plus évident qu’elle n’est pas isolée : son développement est influencé par des facteurs systémiques et métaboliques qui ne sont pas tous encore bien décrits. Ces facteurs pourraient par exemple expliquer pourquoi des personnes en surpoids ou obèses ont un risque accru d’arthrose non seulement au niveau du genou mais aussi, de façon plus surprenante, au niveau des mains. Ils pourraient aussi permettre de comprendre pourquoi ceux qui présentent une maladie cardiométabolique (diabète, hypertension artérielle ou dyslipidémie) ont un fort risque d’arthrose du genou, mais également une maladie articulaire particulièrement sévère si celle-ci se développe. Certaines molécules synthétisées par l’organisme, comme des adipokines ou des acides gras chez les personnes en surpoids, ou l’inflammation de bas grade associée aux atteintes cardiométaboliques, ont vraisemblablement une influence sur la survenue ou l’évolution de la maladie.

Un large pan de la recherche actuelle est en outre dédié aux mécanismes de la douleur associée à l’arthrose. En effet, les mécanismes qui lient douleur et arthrose sont complexes : il n’existe pas d’association systématique entre les deux. Ainsi, mieux comprendre les douleurs associées à l’arthrose permettrait de distinguer les douleurs nociceptives liées à l’inflammation articulaire des douleurs neuropathiques liées à la chronicisation de la maladie. Il deviendrait alors possible de proposer des traitements plus adaptés.

De nouveaux traitements symptomatiques et de fond

De nombreuses nouvelles approches thérapeutiques ont été testées ces dernières années, comme des traitements qui stimulent la production de cartilage (sprifermine) ou le remodelage de l’os (acide zoledronique, ranelate de strontium), mais pour l’heure, aucune n’a donné de résultats probants. D’autres molécules qui modulent l’équilibre du cartilage, du tissu synovial et/ou de l’os sous chondral sont encore en phase d’études cliniques précoces, comme le LNA043, TPX-100, et le 4P004. Plusieurs approches qui ciblent des acteurs clés de l’équilibre du cartilage, comme HIF‑α (pour hypoxia-inducible factors‑α) ou TGF‑β (pour transforming growth factor‑β), sont également à l’étude.

Sur le plan de la douleur et de l’inflammation, les différents traitements anti-inflammatoires ciblés jusqu’à présent testés (anticorps monoclonaux ciblant l’interleukine 1, TNF-alpha ou l’interleukine 6) ont eux aussi déçu. Il en est de même avec les anticorps anti-NGF qui ciblent les facteurs de croissance des nerfs impliqués dans la douleur. Une molécule prometteuse qui interagit avec une voie de signalisation impliquée dans la chondrogenèse et l’inflammation (la voie Wnt), le lorecivivint, est en cours d’évaluation. Mais les données d’une première étude de phase 3 ont été décevantes.

Par ailleurs, deux études de phase 3 sont actuellement conduites pour évaluer l’intérêt d’un dérivé du piment, la résinifératoxine. Cette molécule cible un récepteur important dans la transmission des messages douloureux périphériques, le récepteur TRPV1. Son administration intra-articulaire permettrait d’obtenir un effet antalgique prolongé sur plusieurs mois. Des essais sont aussi conduits pour stimuler le nerf vague qui se trouve au niveau de l’oreille. Cette neurostimulation électrique vise à déclencher un arc réflexe anti-inflammatoire qui pourrait soulager l’arthrose des mains.

L’arthrose vaincue, vraiment ? – animation pédagogique – 3 min 36 – vidéo de la série Canal détox (2018)

Remplacer le cartilage altéré : les thérapies cellulaire et tissulaire

Depuis de nombreuses années, des greffes de cellules injectées directement dans l’articulation sont conduites expérimentalement. Elles visent à réparer les lésions cartilagineuses, voire à remplacer le cartilage. On parle de thérapie cellulaire ou de thérapie tissulaire.

Dans ce but, les chercheurs utilisent des cellules souches adipocytaires. L’objectif initial était de permettre à ces cellules immatures, prélevées dans les tissus graisseux, de se différencier en chondrocytes sous l’influence de l’environnement articulaire et grâce à différents facteurs de croissance. Les premiers résultats cliniques laissent penser que le potentiel de cette approche reposerait finalement davantage sur un effet anti-inflammatoire induit par les cellules injectées que sur leur différenciation en chondrocytes fonctionnels. Parmi les différents projets en cours, les données de phase 3 du projet européen ADIPOA, sont attendues en 2023.

En parallèle, quelques approches encore très expérimentales de thérapie génique sont aussi développées : elles visent à introduire des gènes qui permettent la production d’inhibiteurs de médiateurs déjà identifiés dans la physiopathologie de la maladie (MAP kinase, IL‑1…).

Vers des traitements préventifs ?

Certaines équipes s’attèlent à découvrir des moyens pour prévenir le développement de l’arthrose chez les personnes qui ont subi un traumatisme articulaire avec une lésion cartilagineuse. Les scientifiques recherchent les mécanismes moléculaires précoces qui pourraient conduire à une évolution arthrosique post-traumatique. Leur objectif est d’être en mesure de proposer une stratégie pour s’opposer à la dégénérescence du cartilage.

Des approches de thérapie cellulaire et tissulaire sont testées. Les plus classiques sont la mosaïcplastie (greffe de cartilage) et la technique de microfracture. Cette dernière consiste à réaliser de microperforations dans le cartilage, jusqu’à l’os sous-chondral, afin de provoquer un afflux sanguin local. Les cellules souches sanguines pourraient alors coloniser les cavités et s’y différencier en chondrocytes fonctionnels. Des solutions hybrides, qui associent cellules et biomatériaux, sont aussi explorées.

Enfin, des implants tridimensionnels expérimentaux sont aussi évalués. Ils combinent une membrane à base de collagène ou de biopolymères dotés de nanoréservoirs de facteurs de croissance osseux, avec une couche d’hydrogel qui renferme de l’acide hyaluronique et des cellules souches dérivées de la moelle osseuse du patient. Les résultats cliniques ne sont pas encore disponibles.

Pour aller plus loin

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