Un implant « vivant » pour régénérer le cartilage

Un nouvel implant devrait permettre de reconstituer intégralement une articulation abimée. Composé de différentes couches, il inclut des facteurs de croissance de l’os ainsi que des cellules souches. Un essai clinique pourrait démarrer en 2016 pour tester cette innovation chez des patients présentant des lésions au niveau du genou.

Un implant vivant et en 3D recouvrira peut-être bientôt votre articulation si elle est abimée. 

Réparer le cartilage d’une articulation en cas de lésion ou de dégénérescence n’est pas une mince affaire ! Face à cette difficulté, une équipe de chercheurs spécialisés en nanomédecine régénérative, travaillant au sein de l’Université de Strasbourg et des hôpitaux universitaires de Strasbourg sous la direction de Nadia Benkirane-Jessel*, a imaginé une nouvelle approche d’implant ostéo-articulaire.

Réparer toute l’articulation

Actuellement, la stratégie de reconstruction du cartilage (en dehors de la pose d’une prothèse) consiste à injecter dans l’articulation du patient un échantillon de ses propres cellules de cartilage (chondrocytes). Mais le résultat est souvent décevant car la régénération a alors lieu sur un os lésé. « En cas de dégénérescence du cartilage, il est très rare de développer des symptômes au stade de l’érosion : la douleur apparaît quand le cartilage a totalement disparu et que l’os sous-chondral, situé juste en dessous, commence à s’abimer. Il faut donc s’attaquer en parallèle à la réparation des deux couches : l’os et le cartilage », clarifie Nadia Jessel-Benkirane, coauteur des travaux avec Laetitia Keller. 

Deux compartiments superposés

Pour cela, les chercheurs ont créé un implant composé de deux compartiments : 

  • Le premier est une membrane nanofibreuse, à base de collagène ou de polymères, dotée de nanoréservoirs de facteurs de croissance osseux, pour favoriser la réparation de l’os.
  • Le second est une couche d’hydrogel (alginate) renfermant de l’acide hyaluronique et des cellules souches dérivées de la moelle osseuse du patient, favorisant la régénération du cartilage.

L’organisation en trois dimensions du dispositif favorise la croissance et la différenciation des cellules souches en cellules du cartilage. « Imaginez la membrane nanofibreuse comme une feuille de papier déposée par le chirurgien sur l’os abimé. Immédiatement après, il dépose la seconde couche contenant les cellules souches et termine son intervention. Ensuite, le travail se fait seul ! L’objectif est d’obtenir une régénération totale de l’articulation ‑os sous-chondral et cartilage– dans les mois qui suivent », explique la chercheuse. 

Vers un premier essai clinique

Les matériaux utilisés dans cet implant sont déjà autorisés par les autorités de santé et utilisés en clinique. Seule la membrane polymérique fabriquée au sein du laboratoire doit encore obtenir un marquage CE, compte tenu de sa nouveauté. En attendant, les chercheurs ont démarré les essais précliniques avec le soutien de la société d’accélération de transfert de technologies (SATT) Conectus, en Alsace. L’implant a été testé dans différents modèles animaux, en utilisant cette membrane active innovante ou une membrane de collagène d’origine animale. Cette dernière semble « moins sûre et moins efficace car elle est d’épaisseur unique. L’épaisseur de la membrane polymérique peut quant à elle être modifiée selon les besoins », précise Nadia Jessel-Benkirane. 

Les chercheurs d’ores et déjà ont breveté cet implant et viennent de créer une start-up, ARTiOS Nanomed SAS, pour concrétiser ce projet. Début 2016, une demande de financement sera déposée dans le cadre des programmes européens de recherche Horizon 2020, afin d’être en mesure de lancer un premier essai chez l’Homme. Il inclura 62 patients présentant des lésions du genou, dans trois pays dont la France. « Nous pourrons ainsi tester la faisabilité, la sécurité et l’efficacité de notre implant sur cette articulation et dans une population homogène, avant d’étendre nos travaux à d’autres articulations », prévoit la chercheuse. 

Note

*unité 1109 Inserm/Université de Strasbourg 

Source

L. Keller et coll. Double compartmented and hybrid implant outfitted with well-organized 3D stem cells for osteochondral regenerative nanomedicineNanomedicine, édition en ligne du 7 septembre 2015