Arthrose : des cellules souches encapsulées pour protéger l’articulation

En cas d’arthrose, préserver le cartilage grâce à l’injection locale de cellules souches est une option explorée par les chercheurs depuis plusieurs années. Une équipe Inserm propose d’utiliser des cellules souches dites « mésenchymateuses », encapsulées dans un microgel pour augmenter leur durée de vie après administration et les empêcher de migrer ailleurs. À terme, cette approche pourrait permettre de proposer aux patients une injection thérapeutique unique avec un effet durable.

L’arthrose est la maladie articulaire la plus répandue. Elle se caractérise par la destruction du cartilage et des atteintes aux tissus voisins (l’os sous-chondral et la membrane synoviale) : un phénomène douloureux et handicapant, associé à une inflammation importante. Si des traitements symptomatiques apportent un certain soulagement aux personnes concernées, il n’existe actuellement aucun moyen de préserver les tissus une fois le processus engagé. Toutefois, des chercheurs étudient depuis quelques années la possibilité d’utiliser des cellules souches pour protéger le cartilage. Ils s’intéressent en particulier aux cellules souches mésenchymateuses, qui peuvent facilement être isolées à partir de tissu adipeux. Injectées dans l’articulation malade, elles ne prennent pas la place des cellules détruites par l’arthrose, mais elles produisent des facteurs de croissance qui favorisent la survie des cellules encore en place. Elles ont en outre un effet immunorégulateur, qui réduit l’inflammation. Plusieurs études ont prouvé l’intérêt de cette approche thérapeutique chez l’animal et chez l’humain, avec un ralentissement de la destruction tissulaire et un soulagement de la douleur. Mais ces travaux soulignent aussi qu’il est encore nécessaire d’améliorer cette technique pour espérer en obtenir un bénéfice significatif et à long terme. L’utilisation des cellules souches se heurte en effet à deux obstacles majeurs : la majorité des cellules souches meurent rapidement après l’injection, et certaines migrent en dehors de l’articulation. Chez la souris par exemple, moins de 15 % des cellules injectées sont encore présentes au bout de 10 jours et aucune après 30 jours.

Un gel à base d’algues brunes

À l’université de Nantes, pour remédier à ce problème sans avoir à multiplier des injections douloureuses, risquées et onéreuses, le groupe de Catherine Le Visage, directrice de recherche Inserm, propose d’encapsuler les cellules souches dans un microgel. L’idée est de les confiner sur le site d’injection tout en préservant leurs atouts. Les chercheurs ont opté pour une substance appelée « alginate », un polymère extrait d’algues brunes déjà utilisé en médecine dans des pansements, et expérimenté pour encapsuler d’autres types de cellules, notamment pancréatiques, pour produire de l’insuline et lutter contre le diabète. Peu coûteux et biodégradable, il forme, en présence de calcium, un réseau gélifié et perméable qui ne présente pas de risque connu pour la santé. Les chercheurs l’ont utilisé pour obtenir des particules d’environ 200 μm qui contiennent chacune une vingtaine de cellules souches. Concrètement, une solution d’alginate qui contient des cellules souches est déposée dans des puits de forme et de taille prédéfinies, puis la solution est gélifiée par ajout de calcium. Une fois les cellules ainsi piégées dans le gel, les microparticules sont démoulées.

Des expériences conduites in vitro et in vivo chez l’animal ont montré que l’encapsulation n’entrave pas la survie des cellules, ni le relargage des facteurs à action thérapeutique qu’elles produisent. En outre, dans un modèle de lapin arthrosique, l’injection d’une dose unique de cellules souches mésenchymateuses encapsulées a réduit la perte de cartilage pendant au moins 12 semaines. Une première étape préclinique encourageante. « La poursuite des travaux, y compris avec d’autres modèles animaux, va nous permettre de savoir combien de temps le bénéfice persiste et si l’amélioration fonctionnelle est satisfaisante », conclut Catherine Le Visage.


Catherine Le Visage dirige le groupe Heal (Hydrogels and joint translational research), au sein de l’unité Médecine régénérative et squelette (unité 1229 Inserm/Nantes Université/Oniris), à Nantes.


Source : F. Nativel et coll. Micromolding-based encapsulation of mesenchymal stromal cells in alginate for intraarticular injection in osteoarthritis. Mater Today Bio, 13 février 2023 ; doi : 10.1016/j.mtbio.2023.100581

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