Spondyloarthrites

Des maux de dos exacerbés par le repos

Maladies inflammatoires chroniques des articulations, les spondyloarthrites correspondent à un groupe de pathologies responsables de douleurs invalidantes de la colonne vertébrale, très souvent associées à d’autres symptômes. Pour éviter leurs conséquences sur la vie quotidienne, elles doivent être traitées précocement. Toute la difficulté est de poser le diagnostic, face à une grande hétérogénéité de symptômes.

Dossier réalisé en collaboration avec Corinne Miceli-Richard (hôpital Cochin et unité Immunorégulation, Institut Pasteur, Paris) et Maxime Breban (hôpital Ambroise-Paré et unité Inserm 1173/université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines)

Comprendre les spondyloarthrites

Les spondyloarthrites correspondent à des rhumatismes inflammatoires et chroniques, qui touchent surtout la région lombaire et le bassin. Souvent considérées comme des maladies de bon pronostic, elles peuvent être sévères et invalidantes, détruisant progressivement l’intégrité des articulations et favorisant l’ossification de la colonne vertébrale. 

Les spondyloarthrites sont caractérisées par des douleurs chroniques au niveau sacro-iliaque (articulation située entre l’extrémité de la colonne vertébrale et le bassin) et lombaire, qui s’étendent progressivement à l’ensemble de la colonne vertébrale (rachis). Ces douleurs sont souvent associées à une atteinte des grosses articulations (genou, cheville, épaule…) ou de l’attache des tendons (enthésite). Selon les patients et selon l’histoire de leur maladie, les symptômes sont plus volontiers axiaux (localisés au niveau du rachis) ou périphériques. 


Une terminologie qui évolue

Historiquement, ce groupe de pathologies était appelé spondylarthropathies. Son nom a été modifié pour se calquer sur la terminologie anglo-saxonne de spondyloarthritis.
Rhumatisme psoriasique, spondylarthrite ankylosante, arthrites réactionnelles… : il y a quelques années, on distinguait encore différentes présentations cliniques dans ce groupe de maladies. Cette distinction est de moins en moins utilisée, car les personnes atteintes d’une spondyloarthrite peuvent alternativement présenter l’une ou l’autre de ces formes cliniques au cours de leur vie.


La génétique, fortement prédisposante

La maladie se déclare souvent chez les jeunes adultes, entre 16 et 30 ans. Elle toucherait 150 000 à 200 000 personnes en France, dont près de la moitié souffre de formes sévères. 

L’épidémiologie de ces maladies montre une forte agrégation familiale des cas : ce constat a permis de mettre en évidence un terrain génétique prédisposant. Ainsi, le rôle de l’antigène HLA-B27 a été décrit dès les années 1970. Cette molécule est retrouvée chez 60 à 90% des personnes atteintes de spondyloarthrite. Toutefois, peu spécifique de la maladie, elle est aussi retrouvée chez 7% des sujets bien portants de la population générale. 

Si près de la moitié de la prédisposition génétique aux spondyloarthrites semble imputable à l’antigène HLA-B27, il existe d’autres facteurs transmissibles expliquant l’héritabilité de la maladie. La plupart restent à identifier, mais une trentaine de localisations génétiques (locus) a déjà été identifiée grâce aux techniques de génotypage haut débit (Genome Wide Association Studies ou GWAS), comme IL23R ou ERAP1. Leur poids reste néanmoins faible : cumulés, tous ces gènes rendraient compte de moins de 10% de la prédisposition génétique aux spondyloarthrites. 

Des facteurs environnementaux pourraient aussi être en cause : le tabac et la modification durable du microbiote (flore intestinale) sont les deux principales hypothèses avancées. 

In fine, les spondyloarthrites seraient déclenchées dans la plupart des cas par la présence du HLA-B27 et de cofacteurs qui restent à identifier. Le développement des technologies ‑omiques (protéomique, lipidomique, protéomique, transcriptomique…) pourrait aider les scientifiques à identifier de nouvelles signatures plus franches de la maladie. 

Une présentation clinique variable dans le temps

La nature inflammatoire des spondyloarthrites provoque des symptômes qui se distinguent habituellement des douleurs de nature mécanique : les douleurs de la colonne vertébrale et du bassin se font surtout sentir la nuit et réveillent le patient. Elles s’accompagnent d’une raideur matinale au réveil. Ces douleurs sont améliorées par l’activité, exacerbées au repos. Parallèlement, d’autres douleurs inflammatoires concernent les points d’insertion des tendons, et particulièrement ceux du talon. D’autres articulations peuvent aussi être touchées : les genoux, les épaules, les chevilles. 

En outre, la spondyloarthrite peut être associée à des manifestations extra-rhumatologiques : il arrive souvent que les patients présentent une poussée d’uvéite antérieure aiguë (qui correspond à une inflammation interne de l’œil à l’origine d’une rougeur), d’une photophobie et d’une vision trouble. Parfois il s’agit d’un psoriasis ou d’une maladie chronique inflammatoire de l’intestin (MICI). Beaucoup plus rarement, elle peut aussi se compliquer d’une insuffisance aortique. 

Les spondyloarthrites regroupent donc un ensemble de formes cliniques hétérogène, dont la variabilité rend le diagnostic sur les seuls éléments cliniques souvent difficile. 


Une cohorte nommée DESIR 

Pour en savoir plus sur les spondyloarthrites et leur évolution, une étude de cohorte, intitulée DESIR (pour DEvenir des Spondylarthrites Indifférenciées Récentes), a été lancée en France en 2007. L’Inserm est partenaire de cette cohorte.
DESIR vise à suivre de façon semestrielle des patients pour lesquels il existe une forte suspicion de formes débutantes de la maladie. Grâce à un suivi à long terme, cette cohorte permettra de mieux décrire l’histoire naturelle des rachialgies inflammatoires et d’identifier des facteurs prédictifs (génétiques, environnementaux, ethniques…) du développement et de la progression de la maladie. Elle apporte aussi des informations quant à l’optimisation des traitements et du suivi de la maladie par imagerie. 
Avec plus de 700 patients issus de 25 centres hospitaliers, c’est la plus importante cohorte s’intéressant aux spondyloarthrites jusqu’ici constituée, au niveau international. 


Un diagnostic parfois établi par défaut

Les symptômes de spondyloarthrites ne doivent pas être confondus avec ceux d’autres douleurs chroniques de la colonne vertébrale. Les examens biologiques permettent parfois de mettre en évidence une inflammation chronique au niveau sanguin (VS, CRP). Une recherche de l’antigène HLA-B27 est également utile : s’il est identifié, il conforte la présomption de spondyloarthrite. 

Les examens d’imagerie sont également nécessaires, même s’ils n’apportent pas toujours de preuve formelle. Une radiographie classique est toujours réalisée car elle peut mettre en évidence des modifications caractéristiques des articulations sacro-iliaques. Mais dans beaucoup de cas, les signes détectables grâce à cet examen ne sont pas visibles avant plusieurs années d’évolution. Aujourd’hui, le recours à l’IRM se développe : cette technique permet en effet de repérer des modifications inflammatoires du bassin et de la colonne vertébrale de façon plus précoce. L’utilisation du PET-Scan, associé à une injection de fluorure de sodium, est également en cours d’évaluation car elle permettrait la mise en évidence des foyers osseux touchés par l’inflammation. 

Le soulagement des symptômes par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est aussi un moyen d’orienter le diagnostic. 

Mais pour certains patients, aucun élément formel de diagnostic n’est retrouvé malgré la présence typique de tous les symptômes. 

Les enjeux de la recherche

Cibler les médiateurs de l’inflammation

L’objectif de la prise en charge est de faire disparaître les symptômes et leurs conséquences sur la vie quotidienne, sociale et professionnelle, ces conséquences impactant souvent significativement la qualité de vie des patients. Dans tous les cas, l’information et l’éducation du patient à une meilleure gestion de ses symptômes, ainsi que des séances de rééducation, peuvent l’aider à retrouver une qualité de vie acceptable. 

Sur le plan pharmacologique, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) forment le traitement de première intention. Des antalgiques peuvent être associés aux AINS s’ils ne sont pas suffisamment efficaces pour supprimer totalement la douleur, ou les remplacer en cas de contre-indication. En seconde intention, les traitements de fond par salazopyrine ou méthotrexate ont longtemps été proposés, faute de mieux : ils s’avèrent peu efficaces dans la plupart des cas. Des injections intra-articulaires de corticoïdes peuvent être envisagées pour soulager l’inflammation de certaines articulations douloureuses. 

Lorsqu’aucun de ces traitements conventionnels n’est suffisant pour stopper l’activité de la maladie, des traitements plus puissants, par biothérapies, sont envisagés. Ces médicaments ciblent des effecteurs de l’inflammation. Plusieurs molécules anti-TNF alpha, injectables, sont aujourd’hui indiquées dans le traitement de la spondyloarthrite : l’infliximab, l’adalimumab, l’étanercept, le golimumab, le certolizumab. Ils bloquent tous la même cible : le TNF alpha, l’une des protéines clés de l’inflammation. Pour autant, 30% des patients ne répondent pas correctement à ces médicaments ; chez d’autres leur efficacité diminue progressivement. La recherche thérapeutique se poursuit donc pour proposer de nouvelles options thérapeutiques. Ainsi, l’ustekinumab, qui cible d’autres médiateurs de l’inflammation (IL-12/IL-23), est aujourd’hui prescrit dans les formes associées au psoriasis. Le secukinumab (anti-IL17) et l’apremilast (anti-PDE4) sont les médicaments dont le développement est le plus avancé, suivis de molécules ciblant la voie des JAK kinases (tofacitinib, baricitinib…). 

A la recherche de nouveaux marqueurs 

La recherche de marqueurs cliniques ou biologiques, permettant de prédire l’apparition d’une spondyloarthrite, son risque d’évolution, de sévérité, ou encore sa réponse aux traitements, s’est développée ces dernières années. 

Ainsi, l’identification de facteurs de risque génétique expliquant la survenue de la maladie devrait faciliter le diagnostic de la maladie. D’autres pourraient aider à prédire l’évolution de la maladie et adapter le traitement en conséquence. 

Des recherches sont conduites pour identifier des marqueurs biologiques de l’évolutivité de l’atteinte : anticorps anti-CD27, MMP‑3…

Enfin, des études sont conduites pour prédire ou suivre l’efficacité des traitements : elles s’intéressent notamment à la pharmacogénétique et à la recherche d’anticorps anti-médicaments. 

Pour aller plus loin

Associations de patients