Psoriasis

Vers un traitement curateur

Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau qui se manifeste par des plaques rouges présentant des squames. Il s’agit le plus souvent d’une maladie bénigne, mais il existe des formes sévères (environ 20% des cas), associées à une atteinte généralisée et/ou à des douleurs articulaires. A l’heure actuelle, on ne sait pas guérir cette maladie, mais des traitements permettent d’en réduire les symptômes et d’améliorer la qualité de vie des patients. Les chercheurs tentent d’en décrire les mécanismes pour parvenir, à terme, à bloquer sa progression.

Dossier réalisé en collaboration avec Jean-David Bouaziz, praticien hospitalier à l’hôpital St-Louis (Paris) et chercheur à l’Inserm

Comprendre le psoriasis

Le psoriasis est une maladie inflammatoire multifactorielle de la peau (dermatose) qui touche environ 2% de la population française. Il survient chez des personnes présentant une prédisposition génétique et sous l’influence de facteurs favorisants. La maladie peut apparaître à tout âge, mais il existe un pic d’apparition entre 20 et 40 ans. Environ un tiers des cas se déclarent avant 20 ans, y compris chez des sujets très jeunes. Les débuts précoces ne sont pas plus sévères, mais ils sont associés à davantage de récidives par la suite. 

Des mécanismes inflammatoires de mieux en mieux compris

Le psoriasis est dû à un dérèglement immunitaire qui entraine une inflammation chronique et exagérée de la peau et une surproduction de kératinocytes, les cellules productrices de kératine qui composent majoritairement l’épiderme.

Des cellules immunitaires (lymphocytes T activés et des polynucléaires neutrophiles) se retrouvent dans la peau pour des raisons inconnues et y produisent des molécules inflammatoires (cytokines Il-17, Il-22, TNF-alpha, autres). Ces dernières stimulent la prolifération des kératinocytes. Le délai de renouvellement de ces cellules, normalement de trois semaines, passe alors à trois jours. Il en résulte une accumulation des kératinocytes immatures à la surface de la peau, augmentant l’épaisseur de la couche externe (la cornée). On parle d’hyperkératose.

Les désordres immunologiques à l’origine de la maladie sont encore mal connus. Toutefois, ils semblent favorisés par différents facteurs déclenchants comme le stress, une infection ou encore l’alcool.

Des formes légères à sévères

Le psoriasis se caractérise par des plaques rouges dues à l’inflammation, présentant des pellicules blanches (les squames) qui correspondent à des dépôts de kératinocytes morts. Les localisations habituelles sont les zones de frottement - coudes, avant-bras, genoux, bas du dos – mais aussi le cuir chevelu et les ongles. Cependant, les plaques peuvent apparaître partout (plus rarement au niveau du visage), y compris sur les muqueuses. Elles peuvent s’étendre sur de grandes surfaces du corps. 

L’évolution de la maladie est imprévisible. Elle progresse par poussées d’intensité variable, entrecoupées de rémissions de durée également variable. Il peut s’écouler plusieurs années entre deux poussées. 

Certains patients présentent des petites lésions discrètes qui disparaissent spontanément. D’autres souffrent de formes très étendues et handicapantes. Environ 20% des cas sont considérés comme modérés à sévères. C’est le cas lorsque : 

  • les plaques sont très étendues sur le corps
  • la maladie est associée à des atteintes articulaires douloureuses, au niveau des mains ou ailleurs (rhumatisme psoriasique)
  • la maladie prend une forme grave : psoriasis érythrodermique nécessitant parfois une hospitalisation, psoriasis pustuleux avec pustules jaunâtres au niveau des plaques, psoriasis associé au VIH.

En cas de psoriasis sévère, les répercussions d’ordre social (esthétique, gêne) et professionnel (handicap) génèrent un état dépressif dans 30 à 40% des cas.

Par ailleurs, le psoriasis est souvent associé au syndrome métabolique : des études de cohorte indiquent que les personnes atteintes de psoriasis auraient deux fois plus de risques de développer une pathologie cardiovasculaire (athérosclérose, diabète de type 2, infarctus du myocarde…) que les autres. 

Des facteurs favorisants

Il existe une prédisposition génétique au psoriasis et au moins 30% des cas correspondent à des formes familiales. Plusieurs variants génétiques associés à la maladie ont déjà été identifiés. Ils sont très majoritairement situés au niveau de gènes impliqués dans l’immunité, codant pour le système HLA, les lymphocytes T ou encore les interleukines 17 et 22 impliquées dans l’inflammation de la peau. Ces variants sont nombreux et seule l’association de plusieurs d’entre eux est associée au psoriasis. Aucune mutation ne peut déclencher la maladie à elle seule. 

Ce terrain génétique augmenterait la sensibilité du système immunitaire, en abaissant le seuil de déclenchement de l’inflammation face à des facteurs déclenchants comme les frottements, le stress, un choc émotionnel ou un traumatisme, des modifications climatiques, une infection, la consommation d’alcool ou encore la prise d’un médicament. Les facteurs déclenchants peuvent être différents d’un individu à un autre et varier au cours de la vie du patient. 

Des traitements symptomatiques

Aucun traitement ne permet aujourd’hui de guérir du psoriasis. Toutefois, il existe des traitements qui réduisent considérablement les symptômes et améliorent la qualité de vie. Ils doivent être pris en continu pour éviter les rechutes.

Les médicaments de première intention sont des pommades anti-inflammatoires à base de cortisone ou de vitamine D. 

Quand le psoriasis est étendu au delà de 20 à 30% de la surface corporelle, un traitement par voie orale (acitrétine, méthotrexate, ciclosporine…) ou par exposition aux ultraviolets sous contrôle dermatologique (puvathérapie) est indiqué, avec une efficacité d’environ 50%. 

Si le psoriasis résiste à au moins deux de ces traitements, le dernier recours est la biothérapie qui offre le plus souvent des résultats remarquables sur les psoriasis résistants et les rhumatismes psoriasiques. Elle consiste en l’injection d’anticorps monoclonaux (étanercept, infliximab, adalimunab) qui ciblent spécifiquement un médiateur de l’inflammation (TNF-alpha). Avec ces traitements, plus de deux tiers des patients obtiennent la rémission de plus de 75% de leurs symptômes. 

Des cures thermales peuvent être prescrites dans certaines situations et prises en charge par l’assurance maladie. Toutefois, leur bénéfice thérapeutique reste discuté. 

Les enjeux de la recherche

Les traitements disponibles peuvent être améliorés, notamment en ce qui concerne leur efficacité chez certains patients, et leur sécurité. Ainsi, les biothérapies ne sont pas dénuées d’effets indésirables, avec notamment un risque infectieux en raison de la dépression du système immunitaire qu’elles induisent. En outre, en cas d’arrêt, le psoriasis revient en général après quelques semaines. De nouveaux médicaments sont donc en cours de développement, notamment un immunosuppresseur (apremilast) qui inhibe l’enzyme phosphodiestérase‑4 nécessaire au bon fonctionnement des lymphocytes T. Par ailleurs, plusieurs biothérapies sont en cours de développement et notamment un anticorps monoclonal anti Il-17 (secukinumab).

Pour développer de nouveaux médicaments plus spécifiques et mieux tolérés, les laboratoires tentent en outre de mieux comprendre les mécanismes pathologiques comme les interactions entre les cellules inflammatoires et les cellules cutanées, ou encore la nature et le rôle des différentes molécules présentes dans l’inflammation. Ils étudient ainsi les contributions de plusieurs populations lymphocytaires T comme les CD4 + Treg, TH17, et cytotoxiques CD160 +. A l’Inserm, une équipe travaille sur les molécules TREM. Il s’agit de récepteurs présents à la surface des lymphocytes T activés au niveau de la peau et qui se retrouvent en quantité anormalement élevée en cas de psoriasis. L’équipe tente de bloquer ce récepteur dans un modèle animal de la maladie (souris), pour évaluer l’effet thérapeutique. 

Des chercheurs tentent par ailleurs de clarifier le lien observé entre psoriasis et troubles cardiovasculaires. Plusieurs hypothèses sont formulées : le psoriasis serait-il la conséquence d’un métabolisme perturbé ? Entrainerait-il au contraire un désordre métabolique ? Existerait-il un facteur immunitaire et inflammatoire commun aux deux types de maladies ? Des chercheurs comparent le métabolisme et le phénotype cutané et immunitaire chez des patients psoriasiques et des individus sains pour apporter des éléments de réponse à ces questions. 

Pour aller plus loin