Ménopause

Améliorer la sécurité d’utilisation des traitements hormonaux

La ménopause n’est pas une maladie. Mais la carence en œstrogènes qui lui est associée peut se manifester par des symptômes qui affectent parfois la qualité de vie des patientes. C’est aussi une période où, chez certaines femmes, des pathologies potentiellement graves peuvent survenir du fait des changements hormonaux et de l’avancée en âge (fractures ostéoporotiques, maladies cardiovasculaires...).

Comme tous les traitements, ceux de la ménopause ne sont pas sans risques. Certaines patientes ne pouvant s’en passer, il est nécessaire d’en améliorer la sécurité d’utilisation.

Dossier réalisé en collaboration avec Agnès Fournier (unité Inserm 1018, Villejuif), Jean-François Arnal (unité Inserm 1048, Toulouse), Virginie Ringa (unité Inserm 1018, Villejuif ), Florence Trémollières (secrétaire générale du Gemvi) et Danielle Hassoun (gynécologue).

Comprendre la ménopause

La ménopause correspond à l’arrêt du fonctionnement ovarien, donc des règles. En général, elle survient entre 45 et 55 ans, avec une moyenne autour de 50 ans. 

Pourquoi la ménopause survient-elle ?

Difficile de comprendre la ménopause et ses traitements sans connaître le fonctionnement du cycle ovarien.

Celui-ci est orchestré par les follicules présents dans les ovaires. Dans un premier temps, l’un d’eux mûrit : l’ovocyte qu’il contient grossit, incitant l’ovaire à sécréter des œstrogènes. Ceux-ci stimulent la croissance de la muqueuse de l’utérus, appelée endomètre, qui s’épaissit en vue d’une possible grossesse. Autour du 14e jour, le follicule éclate pour libérer l’ovocyte, devenu ovule. Il se transforme alors en corps jaune et diffuse de la progestérone, qui va stopper la prolifération des cellules de l’endomètre et donner à celui-ci les propriétés nécessaires à la nidification. Mais si l’ovule n’est pas fécondé dans les jours qui suivent, le corps jaune disparaît. Le taux de progestérone chute brutalement. Cette chute, conjuguée à une moindre production d’œstrogènes par les ovaires, induit la desquamation d’une partie de l’endomètre. Ce sont les règles. Un nouveau cycle s’amorce alors, et cet enchaînement se poursuit jusqu’à la fin de la réserve de follicules. Constituée avant la naissance, elle est en effet limitée. 

Au cœur des organes : Le cycle ovarien – animation pédagogique – 4 min 13 – vidéo extraite de la plateforme pédagogique Corpus (2014)

Quand le stock de follicules s’amenuise, la production de progestérone s’arrête, suivie par celle des œstrogènes. Il n’y a alors plus de menstruations. 

Cet arrêt du cycle ovarien passe le plus souvent par une période de transition : la périménopause. Pendant deux à quatre ans, les règles peuvent devenir irrégulières, le syndrome prémenstruel (seins douloureux, irritabilité…) s’accentuer ou apparaître et, sans que ce soit systématique, des bouffées de chaleur et des suées nocturnes peuvent survenir. La ménopause est confirmée après douze mois sans saignements. 


A quoi correspond la ménopause précoce ?

Si la ménopause arrive avant 40 ans, on parle d’insuffisance ovarienne prématurée. Celle-ci peut être naturelle ou provoquée par un traitement lourd (une ablation des deux ovaires, une chimiothérapie ou une radiothérapie, par exemple). 


Quels sont les symptômes ?

En plus de l’arrêt des règles, la ménopause s’accompagne parfois de symptômes, appelés troubles du climatère (climatère étant synonyme de ménopause). Leur intensité et la durée de leur manifestation varie : certaines femmes y échappent, tandis que d’autres en sont très gênées.

Certains de ces symptômes sont transitoires. Présents les premières années, ils s’atténuent avec le temps, même si un quart des femmes les déplorent encore dix ans après leurs dernières règles. Cela peut être des bouffées de chaleur, des suées nocturnes, des maux de tête, une sensation de fatigue, des troubles du sommeil, une irritabilité ou des douleurs articulaires. 

D’autres symptômes peuvent s’installer de façon plus durable, comme une sécheresse vaginale ou des troubles urinaires (envie fréquente d’aller aux toilettes, cystites à répétition…). Un suivi médical régulier permet de prendre en charge ces problèmes rapidement. 

Quels sont les risques à long terme ?

Les œstrogènes n’ont pas qu’un rôle sexuel. Ils interviennent aussi dans d’autres mécanismes : remodelage osseux, métabolisme, etc. Si bien que leur déficit, à la ménopause, peut être associé à des pathologies potentiellement graves : 

  • L’ostéoporose. Cette pathologie est deux à trois fois plus fréquente chez les femmes ménopausées que chez les hommes du même âge. Faute d’œstrogènes, la perte de tissu osseux s’accélère. Il en découle un risque de fractures plus élevé. Parmi les femmes qui ont 50 ans aujourd’hui, une sur trois ou quatre aura une fracture par fragilité d’ici la fin de sa vie. Pour en savoir plus sur l’ostéoporose
  • Le risque cardiovasculaire. Les œstrogènes ont un effet protecteur sur les artères, mais ce rôle n’est établi que chez les femmes avant la ménopause et dans les dix premières années qui suivent l’arrêt des règles. Au-delà, il est difficile de faire la part relative des effets de la carence estrogénique et du vieillissement.

Le risque de cancer du sein n’augmente pas avec la ménopause, mais avec l’âge et avec le nombre total de cycles mensuels. Il est donc plus élevé en cas de de puberté précoce et/ou de ménopause tardive. D’autres paramètres entrent aussi en jeu : âge à la première grossesse, nombre de grossesses, allaitement, etc. Une étude publiée par l’Inserm en 2016 suggère, par ailleurs, que plus de la moitié des cancers du sein qui apparaissent après la ménopause seraient attribuables à des facteurs comportementaux : indice de masse corporelle, consommation d’alcool, alimentation ou encore utilisation d’un traitement hormonal de la ménopause. 

Quels sont les traitements et les risques associés ?

Dans certains cas, les médecins peuvent proposer un traitement hormonal de la ménopause (THM), destiné à remplacer les œstrogènes et la progestérone qui n’est plus produite par l’organisme. Pendant longtemps, ce type de traitement était prescrit de façon quasi systématique, et sur de longues périodes. Ce succès a volé en éclat en 2002, après une étude de la Women’s Health Initiative (WHI) réalisée auprès d’Américaines âgées. Celle-ci rapportait un risque accru de cancer du sein et de maladies cardiovasculaires. Mais les produits incriminés – des œstrogènes conjugués équins associés à un progestatif de synthèse appelé acétate de médroxyprogestérone – ne sont pas les mêmes que ceux utilisés en France. Et la plupart des femmes recrutées avaient commencé leurs traitements tard (à 63 ans en moyenne, soit longtemps après le début de leur ménopause), ce qui se fait rarement en pratique. Les résultats étaient donc difficilement transposables au cas de la majorité des Françaises. 

Des travaux ont néanmoins été menés en France après la parution de cette étude. Ils révèlent des risques qui, même s’ils sont moindres que ceux pointés par l’étude américaine, ne peuvent être ignorés : 

  • Les progestatifs favorisent les cancers du sein après la ménopause. Le risque est cependant moins élevé avec la progestérone micronisée ou la dydrogestérone qu’avec un autre progestatif. Et cette différence s’accentue avec le temps : une femme ayant pris pendant plus de cinq ans un THM comportant un progestatif de synthèse conserve un risque 40% plus élevé de cancer du sein cinq ans, voire dix ans, après l’arrêt du traitement. Avec la progestérone micronisée ou la dydrogestérone, le surrisque disparaît presque immédiatement. Pourquoi, dans ce cas, ne pas proscrire les progestatifs de synthèse ? Parce que la progestérone micronisée et la dydrogestérone pourraient avoir un effet progestatif insuffisant et être associé à un risque plus élevé de cancer de l’endomètre que les autres progestatifs.
  • Les œstrogènes administrés par voie orale multiplient par quatre le risque de maladies veineuses thromboemboliques (MTVE) – phlébite et embolie pulmonaire. Ce n’est pas le cas lorsqu’ils sont administrés par voie transdermique, voie privilégiée en France : l’hormone n’ayant pas à passer la barrière du foie, elle ne modifie pas le niveau des facteurs de la coagulation.

Les THM prescrits en France

Les médecins prescrivent du 17 ß‑estradiol, de préférence par voie transdermique ou percutanée (patch ou gel). Hormis pour les femmes auxquelles on a retiré l’utérus, ils le combinent systématiquement à un progestatif, pour inhiber son action sur la prolifération des cellules de l’endomètre, donc prévenir le cancer de l’utérus. Dans la majorité des cas, ils utilisent la progestérone micronisée, sinon c’est la dydrogestérone ou un progestatif de synthèse de type pregnane, nor-pregnane ou norstéroïde. 


Quelles sont les recommandations ?

Depuis 2003, il n’est pas recommandé d’utiliser un traitement hormonal de façon systématique ou à titre préventif. Le THM ne doit être proposé que si les patientes se plaignent de symptômes climatériques altérant leur qualité de vie et si elles expriment le souhait de se traiter. Il peut aussi être envisagé pour prévenir l’évolution vers l’ostéoporose chez une femme qui débuterait sa ménopause avec une diminution de son capital osseux. La prescription doit être amorcée le plus tôt possible une fois la ménopause confirmée, à la dose minimale nécessaire pour les symptômes, et pour une durée limitée (en théorie, à celle des symptômes). Tout cela en tenant compte du profil de risque de chaque patiente vis-à-vis des maladies cardiovasculaires, des cancers du sein et de l’utérus. Le bénéfice du traitement doit être régulièrement réévalué. 

Le THM reste néanmoins la meilleure option contre les symptômes climatériques sévères, et en prévention de l’ostéoporose en début de ménopause.

Les enjeux de la recherche

Alors qu’une femme ménopausée sur deux prenait un traitement hormonal en 2000, elles sont moins de 10% aujourd’hui. Depuis la parution de l’étude WHI, beaucoup de patientes ne souhaitent plus y avoir recours, et les médecins ne les y incitent guère. D’autres ne peuvent pas en prendre à cause de leurs antécédents. Afin de soulager leurs symptômes, quand ils sont gênants, certaines femmes sont donc tentées de se tourner vers des solutions alternatives, dont on ne connaît pas les risques. Il devient nécessaire de mettre en évidence ou de développer un traitement de la ménopause qui soit efficace tout en offrant une sécurité d’emploi optimale. 

Étudier le recours aux traitements alternatifs

Les femmes qui ne veulent ou ne peuvent pas prendre de THM n’ont pas forcément moins de symptômes. Vers quels traitements se tournent-elles ? Des compléments alimentaires ? Les médecines naturelles ? L’acupuncture ? Le yoga ?... Aucune donnée ne permet aujourd’hui de le savoir. De même qu’il n’y a pas d’étude sur l’efficacité et les risques associés à ces alternatives. 

  • Quelles sont les pratiques actuelles ? Un projet va être développé dans le cadre de la cohorte Constances, constituée par l’Inserm et l’Assurance Maladie en 2013, pour le découvrir. Les chercheurs demanderont aux femmes ménopausées participantes quels traitements elles prennent, quel professionnel de santé les leur a prescrits, en quelle quantité, pour combien de temps et si cela a été efficace.
  • Quels sont les bénéfices et risques associés aux phyto-œstrogènes extraits du soja ? Leur usage n’est pas recommandé, en particulier chez les patientes ayant déjà eu un cancer du sein. Mais, comme de plus en plus de femmes tendent à se tourner vers eux, il est important de s’interroger. Des réponses devraient bientôt être apportées par la cohorte E3N, créée en 1996 par l’Inserm avec des françaises nées entre 1925 et 1950.

Mieux connaître les risques associés aux THM

  • D’autres cancers sont-ils associés aux THM ? Un article de 2015 suggère qu’ils augmenteraient le risque de cancer de l’ovaire. Comme il s’appuyait sur des études d’observation américaines, européennes et australiennes, incluant donc de nombreux traitements différents, l’Inserm va mener une étude sur le sujet en France, auprès de la cohorte E3N. Si ce risque est avéré, il devra être précisé, même si ce type de cancer est assez rare (dix fois moins fréquent que celui du sein après la ménopause). Un autre projet étudiera le lien entre les THM (oraux et transdermiques) et les cancers de la peau. En effet, il y a des suspicions mais très peu de connaissances sur le sujet.
  • Une supplémentation en vitamine D et calcium réduit-elle le risque de cancer du sein associé aux THM ? C’est ce que suggère l’observation de la cohorte E3N. Cela reste à confirmer, les mécanismes en jeu n’étant pas établis.

Développer un traitement sans risque

Une équipe de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (unité Inserm 1048, Toulouse) a créé des modèles murins qui visent à mieux comprendre le fonctionnement des récepteurs aux œstrogènes, présents dans de nombreux organes. L’ambition est, à terme, de mettre au point des traitements capables d’activer la partie de ces récepteurs responsable des effets bénéfiques des œstrogènes (sur les bouffées de chaleur, les os, les artères…) mais sans activer les effets néfastes (sur le cancer du sein, de l’utérus et les risques thrombotiques). L’équipe a ainsi participé au développement de deux modulateurs sélectifs de ces récepteurs : 

  • L’estretol, un œstrogène qui pourrait ne pas augmenter le risque de thrombose ou d’embolie, et ce même s’il est administré par voie orale. Reste à comprendre pourquoi cette molécule, naturellement produite par le foie des fœtus des primates, n’augmente pas les concentrations circulantes des facteurs de la coagulation, contrairement à l’œstradiol. Reste aussi à étudier son risque vis-à-vis du cancer du sein et à connaître son efficacité sur les bouffées de chaleur. Ce traitement est actuellement en essai clinique de phase III en tant que contraceptif, les doses efficaces sur les troubles du climatère ne sont pas encore connues.
     
  • Le tissue selective estrogen complex (TSEC), un traitement qui protègerait à la fois contre le cancer du sein et celui de l’endomètre. Au lieu d’associer l’œstrogène conjugué équin avec un progestatif de synthèse ou la progestérone micronisée, le TSEC le combine à une nouvelle molécule, le bazedoxifène. Celui-ci serait capable de bloquer l’action de l’œstrogène sur l’endomètre sans provoquer de cancer du sein. Mais ce traitement, commercialisé depuis 2015, n’est que très peu utilisé, sans doute à cause de la méfiance générale vis-à-vis des hormones. Peut-être est-ce dû aussi au fait que le mécanisme d’action de ces molécules n’ait pas encore été éclairci. Reste également à étudier l’impact de ce traitement vis-à-vis du risque de thrombose.
     

Pour aller plus loin