Diabète de type 1

Une maladie auto-immune de plus en plus fréquente

Le diabète correspond à une élévation prolongée de la glycémie, c’est-à-dire de la concentration de glucose dans le sang. Dans le cas du diabète de type 1, ce dérèglement est dû à un déficit d’insuline, une hormone qui régule la glycémie. Potentiellement très grave s’il n’est pas contrôlé, le diabète de type 1 est aujourd’hui très bien pris en charge (mais pas guéri) grâce à l’administration d’insuline exogène. Celle-ci est en effet réalisée de plus en plus précisément par rapport aux besoins de l’organisme. Toutefois, les progrès accomplis ne permettent pas encore aux patients d’atteindre exactement l’espérance de vie de la population non diabétique. La recherche reste donc très active afin de continuer à décrypter les mécanismes de la maladie, comprendre comment la prévenir, et poursuivre l’optimisation des traitements.

Dossier réalisé avec la collaboration de Roberto Mallone et de Sylvaine You, équipe Dialogue immuno-endocrine dans le diabète (unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris-Cité), Institut Cochin, Paris.

Comprendre le diabète de type 1 

Chez les personnes atteintes de diabète de type 1 (DT1), une production insuffisante – voire nulle – d’insuline entraîne une élévation prolongée de la glycémie, c’est-à-dire de la concentration de glucose dans le sang.

L’insuline est en effet une hormone essentielle à la régulation de la glycémie, produite par cellules spécialisées du pancréas : les cellules bêta (ß) des îlots de Langerhans. Elle facilite l’absorption du glucose par les cellules pour contribuer à leur métabolisme. Son action est particulièrement importante au niveau des cellules musculaires où le glucose stimule la synthèse des protéines, des adipocytes (cellules graisseuses) où le glucose participe au stockage de lipides, ou encore des hépatocytes (cellules du foie) où il est stocké sous forme de glycogène.

Lorsque l’insuline est déficitaire, elle ne peut participer à ces fonctions clés. La concentration élevée de glucose dans le sang après un repas persiste, avec un risque majeur d’hyperglycémie. Ce phénomène peut être grave, voire fatal s’il n’est pas corrigé par un apport d’insuline exogène (voir plus loin).

Une maladie de plus en plus fréquente

Le diabète de type 1 toucherait entre 300 et 400 000 personnes en France et représenterait environ 10 % de l’ensemble des cas de diabète. Bien que la maladie soit historiquement associée aux enfants, plus de la moitié des cas sont diagnostiqués à l’âge adulte.

Depuis une vingtaine d’années, le nombre de personnes touchées ne cesse d’augmenter : on compte chaque année 3 à 4 % de cas supplémentaires par rapport à l’année précédente, principalement chez les plus jeunes, notamment chez les enfants de moins de 5 ans. Ainsi, l’incidence du diabète de type 1 serait d’environ 20 cas pour 100 000 enfants de moins de 15 ans en France. Même si les mécanismes sont loin d’être parfaitement établis, cette évolution est liée à la combinaison de prédispositions génétiques et de facteurs environnementaux, avec une contribution croissante de ces derniers.

À l’exception des rares cas de diabète de type 1 liés à la mutation d’un seul gène (comme les syndromes APECED et IPEX qui entraînent des atteintes auto-immunes multiples), la maladie est la plupart du temps associée à une prédisposition dite polygénique, c’est-à-dire liée à la présence de plusieurs variations génétiques à risque. La majorité de celles identifiées à ce jour affectent des gènes du système HLA, impliqué dans la tolérance immunitaire vis-à-vis à des cellules du « soi ». Mais pour autant, la maladie n’est nécessairement héréditaire : en pratique, 9 cas sur 10 surviendraient chez des patients qui n’ont pas d’antécédents familiaux connus.

Quant aux facteurs environnementaux incriminés, plusieurs causes probables ont été identifiées : l’augmentation de l’âge des mères lors de la grossesse, les modifications des habitudes nutritionnelles ou de la flore intestinale, l’exposition à des toxiques… L’infection par certains virus, comme les entérovirus (en particulier les coxsackievirus B), est l’un des déclencheurs possibles les mieux caractérisés. Responsables d’infections communes, ces virus ont en effet une affinité particulière pour les cellules bêta pancréatiques. Les données épidémiologiques disponibles mettent aussi en évidence l’existence de facteurs environnementaux protecteurs, comme l’allaitement maternel (transmission d’anticorps antiviraux de la mère à l’enfant) ou le fait d’avoir un microbiote intestinal très diversifié.

Le diabète de type 1, une maladie auto-immune

Le diabète de type 1 est la conséquence du dysfonctionnement de lymphocytes T. Ces cellules du système immunitaire se mettent à éliminer les cellules bêta du pancréas qu’elles identifient comme des cellules étrangères à l’organisme du patient. Il s’agit donc d’une maladie auto-immune, détectable par la présence d’auto-anticorps.

Si les causes de cette dysfonction immunitaire ne sont pas formellement identifiées, dans certains cas, notamment chez les enfants, le diabète de type 1 serait le résultat anormal d’une réponse antivirale initialement normale : les virus présents dans le pancréas induiraient la mort de certaines cellules bêta, conduisant à la libération de différents composés cellulaires. Ceux-ci seraient alors repérés par des cellules immunitaires innées chargées de recruter d’autres cellules de l’immunité, en particulier des lymphocytes T. Ces derniers deviendraient anormalement agressifs envers les cellules bêta et inciteraient les lymphocytes B à produire des auto-anticorps dirigés contre ces dernières. Cette dérégulation serait amplifiée par l’état inflammatoire persistant du pancréas.

Signes d’alerte et détection

La principale méthode de détection du diabète à un stade précoce est la mesure de la glycémie à jeun. La glycémie varie au cours de la journée, augmentant en particulier durant plusieurs heures après les repas. Sa valeur normale lorsqu’on est à jeun est d’environ 1 gramme de glucose par litre de plasma sanguin.

  • Avec une glycémie à jeun de 1,10 à 1,25 g/l, le patient est considéré comme prédiabétique.
  • Si la glycémie dépasse 1,25 g/l lors de deux dosages successifs, le diabète est déclaré.

D’autres critères – glycémie postprandiale (mesurée après un repas), tolérance à l’hyperglycémie provoquée (glycémie mesurée après l’ingestion d’une dose importante de glucose), taux d’hémoglobine glyquée (hémoglobine sur laquelle s’est fixé du glucose) – peuvent confirmer ou préciser le diagnostic. 

Si la maladie reste au départ asymptomatique, les patients consultent généralement tard, lorsque le déséquilibre glycémique a déjà provoqué des signes cliniques : des épisodes d’hyperglycémie, associés à une fatigue, une soif intense, une augmentation de la fréquence des envies d’uriner et du volume des urines, et/ou une perte de poids malgré un bon appétit sont des annonciateurs du diabète. 

Ces signes sont partagés avec le diabète de type 2. Mais la présence d’auto-anticorps circulants dans le sang permet de poser le diagnostic de diabète de type 1, et d’adapter le traitement en conséquence. 

Les trois stades de la maladie

Les spécialistes considèrent aujourd’hui le diabète de type 1 comme un continuum : 

  • Stade 1 : La présence d’au moins deux auto-anticorps dans le sang révèle une activation du système immunitaire contre les cellules bêta du pancréas, mais le patient est asymptomatique car la plupart des cellules bêta productrices d’insuline sont encore présentes et fonctionnelles.
  • Stade 2 : Le patient est toujours asymptomatique mais des tests métaboliques fins peuvent révéler une altération de la fonction pancréatique (un retard de sécrétion d’insuline).
  • Stade 3 : Les symptômes d’hyperglycémie amènent le patient à consulter : à ce stade, un nombre critique de cellules bêta a déjà été détruit.

Le dépistage du diabète de type 1 présymptomatique est désormais une réalité

Le dépistage du diabète de type 1 présymptomatique (stade 1) vise à détecter la maladie avant même l’apparition des premiers symptômes. Il repose sur un test sanguin, à la recherche d’au moins deux auto-anticorps dirigés contre les cellules bêta du pancréas : IAA, GAD, IA‑2 et/ou ZnT8.

Ce dépistage est actuellement proposé aux enfants et adultes qui ont un parent, un frère ou une sœur atteinte de diabète de type 1. En cas d’antécédents familiaux de premier degré, le risque de développer la maladie est en effet multiplié par dix à vingt. D’ici quelques années, ce dépistage devrait toutefois être élargi à toute la population, comme s’est déjà le cas dans d’autres pays, par exemple en Italie.

Cette stratégie permet d’éviter les diagnostics posés dans les situations d’urgence. Elle permet de mieux préparer et informer les patients sur la maladie, avant sa survenue. Grâce à certains nouveaux traitements spécifiques (voir plus loin), ce dépistage précoce aide aussi à retarder la progression de la maladie.

Un risque de complications majeures après 10 à 20 ans

L’hyperglycémie chronique associée au diabète finit par être délétère pour les organes et peut conduire à des complications potentiellement graves à long terme.

Ces complications concernent principalement le cœur et les vaisseaux, les premiers lésés par une concentration excessive et permanente de glucose dans le sang. Les lésions vasculaires induites par le diabète augmentent en particulier le risque d’athérosclérose, d’infarctus du myocarde, d’AVC ou encore d’artérite des membres inférieurs. Le diabète (types 1 et 2 confondus) multiplie par trois à cinq le risque d’infarctus du myocarde. Le diabète affecte également les petits vaisseaux qui nourrissent les reins, les nerfs des membres inférieurs et la rétine (on parle alors de complications microvasculaires). La maladie augmente dès lors le risque d’insuffisance rénale (nécessitant une dialyse, voire une greffe), d’amputation d’un membre inférieur suite à une artérite, ou encore de cécité. Néanmoins, une glycémie bien contrôlée grâce à un traitement adapté réduit ces risques de complications.

En raison de la composante immunitaire de la maladie, les patients atteints de diabète de type 1 sont par ailleurs souvent touchés par d’autres maladies auto-immunes qui s’attaquent à d’autres organes : thyroïde, surrénale ou encore intestin (maladie cœliaque).

L’insulinothérapie, traitement de référence

Le traitement du diabète de type 1 repose sur des injections sous-cutanées d’analogues d’insuline, plusieurs fois par jour, pour compenser le défaut de production de l’hormone par l’organisme :  

  • Les analogues « rapides » (bolus) possèdent une action quasiment immédiate et de courte durée. Ils sont utilisés pour faire redescendre rapidement le taux de glucose après une prise alimentaire.
  • Les analogues d’action ultra lente (insulines basales) sont actifs pendant environ 24 heures et permettent de mimer la présence permanente d’insuline dans le sang des personnes non diabétiques.

Ces deux types d’analogue sont complémentaires. 

La révolution du « pancréas artificiel »

Un traitement bien suivi permet le plus souvent d’obtenir des profils glycémiques qui se rapprochent de la normale, et ainsi de limiter l’apparition de complications à long terme. Néanmoins, l’insulinothérapie est un traitement lourd et chronique (« à vie ») : le patient doit mesurer sa glycémie plusieurs fois par jour et adapter les doses d’insuline à s’injecter. Une éducation thérapeutique est indispensable pour savoir adapter les doses (calcul des glucides, correction des hyperglycémies). Elle vise aussi à éviter la survenue d’hypoglycémie entre les repas, lorsque la dose injectée a été trop élevée par rapport aux besoins en glucose de l’organisme. Lors de ce type d’incident, certains organes, et notamment le cerveau et le cœur puisent dans une autre source d’énergie, à savoir les graisses stockées, pour produire des substances énergétiques alternatives nommées corps cétoniques. Malheureusement, si les corps cétoniques s’accumulent dans le sang, ils peuvent devenir toxiques : on parle d’acidocétose diabétique. Elle se manifeste par différents symptômes, notamment des douleurs abdominales. Si elle persiste et s’intensifie, elle peut conduire au coma.

Afin de surveiller le taux de glucose régulièrement et facilement, des capteurs de glucose permettent aujourd’hui aux patients de vérifier leur glycémie à tout moment, sans se piquer le doigt comme cela se faisait auparavant. Ce petit capteur, installé sur la peau, effectue des mesures toutes les 10 minutes environ.

Par ailleurs, des pompes à insuline sont également utilisées pour administrer l’insuline de manière continue chez certains patients. Il s’agit de boîtiers de la taille d’un téléphone portable et fixés à la ceinture, ou encore de dispositifs miniaturisés, sous la forme de pompes « patch ». Le fonctionnement des pompes de première génération nécessite que le patient règle lui-même les doses d’insuline à administrer en lui indiquant les valeurs de glucose mesurée par le capteur. Mais ces dernières années, les avancées technologiques ont totalement transformé la prise en charge du diabète de type 1. Des pompes de deuxième génération, dites hybrides, fonctionnent en « boucle fermée » : elles sont reliées au capteur de glucose et ajustent automatiquement la dose d’insuline basale selon la valeur de la glycémie mesurée en temps réel. Ces pancréas artificiels fonctionnent grâce à un algorithme (intelligence artificielle) qui relie pompe et capteur : il est spécifique au patient et permet d’ajuster la dose administrée le plus précisément possible en fonction du risque hypoglycémique ou hyperglycémique. Cet algorithme offre une normalisation glycémique bien supérieure à ce qui existait auparavant, tout en réduisant la charge mentale des patients quant à leur traitement. Ils doivent néanmoins continuer à indiquer à la pompe leurs apports alimentaires et leur activité physique.

En pratique, lorsque le diabète est diagnostiqué, les patients se voient prescrire une insulinothérapie classique, sans recours à une pompe. Durant cette phase précoce, la normalisation de la glycémie est en effet très souvent facile à obtenir parce que le traitement fonctionne de concert avec les cellules bêta pancréatiques résiduelles : cette phase de rémission partielle, encore appelée « lune de miel », peut durer plusieurs mois, ou plusieurs années. Pendant cette phase, l’auto-surveillance de la glycémie est indispensable mais les injections sont ponctuelles.

Le recours à une pompe est envisagé lorsque le diabète devient plus difficile à contrôler. Aujourd’hui, la majorité des boucles fermées sont réglementairement réservées aux patients les plus mal équilibrés par les autres approches disponibles. Mais cette restriction commence à être levée et il est probable que l’accès aux pompes les plus récentes devienne plus précoce dans les années à venir. Des boucles fermées intégrales, qui ne nécessiteraient plus l’intervention du patient pour renseigner certaines données sont à l’étude.

Prévenir l’évolution du diabète devient possible

Le teplizumab est le premier traitement qui permet de ralentir la progression d’un diabète de type 1 du stade 2 vers le stade 3. Il permet l’élimination des lymphocytes T agressifs tout en favorisant l’action d’autres lymphocytes T dits « régulateurs », en charge de repérer et limiter les processus d’emballement auto-immun qui conduisent dans ce contexte à la destruction des cellules bêta résiduelles.

Actuellement, ce médicament est accessible via des programmes d’accès compassionnel pour certains patients asymptomatiques (stade 2). Il est administré par voie intraveineuse sur 14 jours et permet en moyenne de retarder l’apparition de la maladie de deux ans et demi, et davantage chez certains. Il n’est pas encore autorisé en routine mais pourrait le devenir dans les années à venir. D’autres traitements préventifs du même type sont en développement (voir plus loin).

Et la greffe ?

Chez des patients diabétiques depuis plusieurs années dont la maladie n’est plus équilibrée par l’insulinothérapie, la greffe d’îlots de Langerhans peut être un recours. Les cellules sont injectées dans la veine menant au foie. Elles se nichent et se revascularisent dans cet organe, où elles se mettent à produire de l’insuline. Cette approche nécessite un traitement immunosuppresseur lourd et une surveillance régulière pour éviter le rejet de greffe. La greffe de pancréas est quant à elle une intervention très lourde qui impose également un traitement immunosuppresseur à vie et présente un risque chirurgical non négligeable : elle est réservée aux patients dont le contrôle du diabète n’est plus du tout possible, et qui ont des comorbidités importantes.

Aujourd’hui, ces deux types de greffe sont relativement rares. Elles sont le plus souvent réalisées chez des patients en insuffisance rénale terminale, en même temps qu’une greffe de rein. Cette approche est notamment limitée par le nombre de donneurs. Mais la thérapie cellulaire du diabète de type 1 pourrait devenir une réalité dans les années à venir : plusieurs approches alternatives sont aujourd’hui développées pour parvenir à remplacer les cellules bêta détruites (voir plus loin).

Les enjeux de la recherche

Prévenir la maladie

De nombreuses équipes de recherche, en particulier à l’Inserm, se consacrent à l’identification des facteurs de risque environnementaux associés au diabète, afin qu’il devienne possible de mettre en place des mesures de prévention.

La piste des virus étant désormais confirmée, des essais de vaccination préventive antivirale sont à l’étude chez de jeunes enfants apparentés à des personnes diabétiques de type 1 mais qui ne présentent pas encore d’auto-anticorps. Un premier vaccin dirigé contre le coxsackievirus B a été mis au point : les résultats concernant sa sécurité et les données préliminaires sur la réponse immunitaire antivirale qu’il induit sont encourageants. Les études cliniques de phase 2 seront bientôt menées.

Intérêt majeur pour l’immunothérapie

D’un point de vue fondamental, la découverte majeure de ces dernières années est que… tout le monde possède des lymphocytes T auto-immuns ! Dès lors, pourquoi ne sommes-nous pas tous diabétiques ? Il existe deux possibilités, non exclusives : soit l’organisme des individus sains dispose de mécanismes (perdus chez les diabétiques) qui régulent l’activité de ces lymphocytes, soit le diabète de type 1 est également une maladie des cellules bêta, qui les rend davantage « visibles » aux lymphocytes T auto-immuns.

Ilot pancréatique de souris
Îlot pancréatique de souris. La protéine βig-h3 (en rouge) module l’activation des lymphocytes T qui, en cas de diabète de type 1, s’attaquent aux cellules du pancréas (en vert). Chez les patients atteints de DT1, les cellules bêta pancréatiques, productrices d’insuline, synthétisent moins de protéine βig-h3, ce qui les priverait d’une protection efficace contre une réaction auto-immune. Science & Santé N°28, novembre-décembre 2015.

D’un point de vue clinique, il n’existe aujourd’hui aucun traitement pour lutter contre les mécanismes de la maladie : on se limite à compenser la perte d’insuline. Or des approches immunothérapeutiques pourraient aller plus loin, en enrayant la maladie elle-même. Ainsi, certains chercheurs travaillent à une sorte de vaccination « tolérogène ». Il s’agit d’utiliser les antigènes cibles présents sur les cellules bêta afin de « réapprendre » au système immunitaire à les tolérer. Ces immunothérapies seraient préférentiellement destinées aux personnes asymptomatiques ou à risque de diabète. Les résultats des premières études cliniques sont cependant décevants, sans doute parce que l’administration du traitement est trop tardive pour modifier l’histoire naturelle de la maladie.

Pour les personnes qui présentent déjà des auto-anticorps, même à un stade précoce, la recherche clinique vise à développer des molécules alternatives, voire complémentaires au teplizumab, pour réguler les mécanismes auto-immuns. Pour rappel, le teplizumab permet d’éliminer des lymphocytes T agressifs qui détruisent les cellules bêta pancréatiques. Plusieurs médicaments sont à l’étude, dont certains sont déjà utilisés dans d’autres pathologies, qu’il s’agisse d’anticorps monoclonaux (rituximab, golimumab…) ou de molécules chimiques (baricitinib, deucravacitinib…)

Les agents bêta-protecteurs sont une autre catégorie de traitement à l’étude : ils visent à préserver la viabilité des cellules bêta en réduisant leur vulnérabilité au stress oxydatif et à l’inflammation. Le vérapamil, un antagoniste des canaux calciques utilisé dans le traitement de l’hypertension artérielle, a montré des effets prometteurs dans des essais cliniques. Il inhibe l’activité de la protéine TXNIP, impliquée dans la mort des cellules bêta. Des équipes cherchent actuellement à développer des molécules dérivées du vérapamil, capables de reproduire cet effet protecteur sans induire d’effets secondaires cardiovasculaires.

Il est probable que certaines de ces molécules soient disponibles d’ici 2030 pour certains patients. Le fait que plusieurs d’entre elles soient déjà autorisées dans d’autres pathologies rend leur repositionnement dans le diabète de type 1 plus rapide, y compris pour les enfants chez qui les mécanismes auto-immuns peuvent être plus agressifs. Combiner la modulation immunitaire (avec un vaccin tolérogène ou un médicament comme le teplizumab) à la protection des cellules bêta sera aussi probablement plus efficace que l’utilisation d’une seule de ces approches. Cette hypothèse est à l’étude avec des essais cliniques qui évaluent différentes combinaisons de façon séquentielle.

Enfin, si l’idée est de tester ces traitements en premier lieu chez les patients récemment diagnostiqués et symptomatiques, le souhait des équipes est ensuite d’évaluer leur efficacité plus précocement, aux stades 1 ou 2 de la maladie. En effet, des études menées avec le teplizumab suggèrent qu’il serait possible de stopper l’évolution du diabète chez certains patients, en favorisant la reprogrammation du système immunitaire. À l’inverse, un tiers des patients sont non-répondeurs. Dans le futur, il s’agira de savoir identifier les patients qui peuvent en bénéficier le plus, de savoir quel médicament prescrire et à quel moment au cours de l’évolution de la maladie.

Thérapie cellulaire

Pour remplacer les cellules pancréatiques détruites par la maladie, la greffe de cellules bêta issues de donneurs est proposée à certains patients dont la glycémie est très mal équilibrée par l’insulinothérapie. Mais la durée moyenne d’activité des cellules greffées est limitée à quelques années, avec un risque de rejet qui nécessitent la prise d’immunosuppresseurs au long cours. Néanmoins, les progrès récents relatifs à la compréhension et la manipulation des cellules souches permettent le développement d’approche de thérapies cellulaires alternatives.

Générer des cellules bêta

Une innovation majeure consiste à générer, in vitro, des cellules bêta ainsi que les cellules qui les environnent habituellement au sein du pancréas : l’idée est de disposer ainsi d’entités administrables les plus proches possibles de leur condition physiologique. Dans le cadre des recherches en cours, ces cellules sont développées à partir de cellules souches embryonnaires, ou bien à partir de fibroblastes, plus faciles à prélever, qui sont dédifférenciés en cellules souches pour être dans un second temps redifférenciés en cellule bêta (voir notre dossier sur les cellules souches pluripotentes induites). Ces protocoles ont montré leur capacité à conduire à un rétablissement du contrôle de la glycémie dans des modèles expérimentaux de souris humanisées.

Une question se pose toutefois : une fois réinjectées dans l’organisme comment protéger ces nouvelles cellules bêta des attaques auto-immunes ? Plusieurs approches sont envisagées. La première consiste à encapsuler les cellules, c’est-à-dire les intégrer dans une barrière physique perméable, en polymère biocompatible. Cette « capsule » permet de bloquer spécifiquement la pénétration puis l’attaque des lymphocytes T, tout en laissant passer les nutriments et d’autres petites molécules. Des essais cliniques sont déjà conduits. La seconde approche passe par la manipulation génétique des îlots de cellules bêta, pour les protéger des lymphocytes T auto-immuns. Renforcer leur expression du récepteur PD-L1 est une piste particulièrement intéressant. Dans le cancer, une approche thérapeutique consiste à bloquer ce récepteur pour favoriser le recrutement lymphocytes T cytotoxiques capables de détruire des cellules cancéreuses. Dans le diabète de type 1, on cherche au contraire à l’activer pour inhiber l’activité délétère de ces lymphocytes T.

Enfin, le développement de cellules bêta « hypo-immunes » est également envisagé, mais il est moins avancé : il s’agit de cellules bêta génétiquement modifiées pour empêcher leur reconnaissance par le système immunitaire. Ainsi, abroger l’expression des molécules de reconnaissance (notamment HLA de type 1) diminue la vulnérabilité des cellules bêta face à l’attaque auto-immune. Mais la manipulation de telles médiateurs pourrait avoir des effets délétères si les cellules n’étaient plus du tout reconnues comme appartenant à l’individu.

Cellules bêta pancréatiques productrices d'insuline
Cellules bêta pancréatiques productrices d’insuline

Administrer des lymphocytes T régulateurs

Si tous les individus possèdent des lymphocytes T auto-immuns, ils sont le plus souvent inoffensifs, notamment parce qu’il existe parallèlement des lymphocytes T régulateurs qui contrôlent leur activité. Chez les diabétiques de type 1, cet équilibre est rompu. Une approche permettant de le rétablir consisterait à prélever des lymphocytes T régulateurs chez le patient diabétique, les multiplier in vitro, puis les lui réinjecter afin de l’aider à se protéger contre l’action cytotoxique des lymphocytes T auto-immuns.

Pour l’heure, les tentatives qui ont été menées chez l’humain n’ont pas été très concluantes. Elles ont toutefois été effectuées avec des lymphocytes T régulateurs polyclonaux, c’est-à-dire non spécifiques aux cellules bêta. Il serait nécessaire de mener les mêmes études à partir de lymphocytes T régulateurs spécifiques. À cette fin, des lymphocytes T génétiquement modifiés (cellules CAR‑T régulatrices) pour qu’elles reconnaissent des cibles exprimées par les cellules bêta, sont également à l’étude.

Pour aller plus loin

Associations de patients