Le pancréas artificiel, un progrès bien réel

Différents pancréas artificiels sont en cours d’expérimentation. Chez les diabétiques de type 1, ce type de dispositif vise à pallier le pancréas défaillant, assurant à sa place le contrôle du métabolisme du glucose. Une équipe Inserm de Montpellier a contribué au développement d’un tel système qui a fait l’objet d’une des plus longues études cliniques réalisées en « vie réelle » dans ce domaine. Les patients, équipés durant un mois, ont bénéficié d’un contrôle durable et étroit de leur glycémie.

Un pancréas artificiel ? Il ne s’agit pas d’un faux organe qui serait implanté dans le patient, mais d’une technologie externe, destinée à pallier la perte de sécrétion d’insuline par l’organe défaillant. Le dispositif est constitué de trois composants clés : un capteur, une pompe et un algorithme. Le capteur sous-cutané mesure la glycémie du patient en continu. La pompe perfuse l’insuline – elle aussi en continu – par l’intermédiaire d’une fine tubulure positionnée sous la peau. Ces deux composants sont déjà commercialisés, disponibles pour les diabétiques. L’enjeu du pancréas artificiel réside aujourd’hui dans la troisième partie du système : l’algorithme capable de faire le lien entre le capteur et la pompe de façon automatique. 

De nombreuses équipes scientifiques développent ainsi des algorithmes performants, capables de recevoir les données du capteur et de les interpréter pour calculer directement la quantité d’insuline à injecter, le tout étant embarqué dans un boitier de type smartphone. Parmi eux, celui correspondant à un projet européen auquel participe une équipe Inserm de Montpellier* vient de faire l’objet d’une des études les plus longues jusqu’ici réalisées en vie réelle : vingt adultes ont été équipés de ce pancréas artificiel et ont repris une vie normale durant un mois. Le contrôle automatisé de leur glycémie 24 heures sur 24 durant cette période était aussi bon que lorsque le dispositif n’était utilisé que la nuit : le temps passé sous le seuil maximal de glycémie autorisé était aussi long, et la fourchette dans laquelle variait la glycémie au cours de la journée était réduite. Ces données permettent d’espérer une commercialisation prochaine du dispositif. 

« L’évaluation clinique d’un algorithme demande plusieurs étapes, explique Eric Renard qui a coordonné la publication de l’étude. Pour la sécurité du patient, elle est d’abord réalisée à l’hôpital, sur de courtes périodes. Puis la durée et le cadre de l’évaluation sont progressivement élargis. Notre dispositif avait déjà montré son efficacité et sa sécurité dans le cadre hospitalier, et lors d’une utilisation en vie réelle durant la nuit exclusivement. L’étude que nous venons de publier est la première à mesurer l’efficacité d’un tel dispositif en vie réelle durant un mois, 24 heures sur 24. Ce résultat est très important. Antérieurement, nous avions montré qu’il permettait de réduire la survenue d’hypoglycémies durant la nuit, et que la qualité de ce contrôle nocturne possédait un effet rémanent durant la journée. Dans la présente étude, nous démontrons l’extension du bénéfice lors d’une utilisation 24h/24, 7j/7″.

Une nouvelle étude clinique va être lancée, afin de confirmer ces résultats sur six mois. Elle sera aussi l’occasion de mesurer la qualité de vie des patients diabétiques ainsi équipés. Si tout se passe bien, le pancréas artificiel pourrait être commercialisé en 2017. 

Qualité de vie et contrôle glycémique : deux enjeux en passe d’être résolus

Le diabète de type 1 est une maladie d’origine auto-immune dans laquelle les cellules du pancréas ne sécrètent plus l’insuline, hormone chargée de réguler le métabolisme du glucose. Pour y pallier, les malades ont recours à des injections pluriquotidiennes d’insuline, dont la dose doit à chaque fois être ajustée en fonction de la glycémie mesurée au bout du doigt, par prélèvement d’une goutte de sang. 

Ces quarante dernières années, de gros progrès ont été accomplis dans la prise en charge de cette maladie, en particulier grâce aux insulines synthétiques (analogues d’action rapide ou prolongée) capables de réguler la glycémie de façon la plus physiologique possible, et grâce aux pompes à insuline évitant la répétition des piqures dans la journée. Mais deux difficultés persistent dans le quotidien des patients : la première touche à la qualité de vie, à cause de la surveillance pluriquotidienne que doivent assurer les diabétiques vis-à-vis de leur alimentation, leur activité physique et leur traitement… La seconde est médicale. L’inadéquation entre les besoins en glucose de l’organisme et les apports en insuline peut induire des événements indésirables : l’hypoglycémie, qui engendre à court terme un malaise, une confusion… si elle n’est pas compensée, elle peut évoluer vers le coma ; ou l’hyperglycémie, qui engendre un risque de complications à long terme pour le sujets diabétique (neuropathies, rétinopathies, complications cardiovasculaires...). Le pancréas artificiel répond à ces deux enjeux : « Il vise à délivrer le patient de la gestion quotidienne de son traitement, tout en assurant un contrôle plus précis de sa glycémie, explique le diabétologue. Le maintien du taux de glucose en dessous d’un seuil déterminé permet aussi d’extrapoler à long terme le bénéfice du dispositif pour l’évolution du patient « .

Aujourd’hui, les études sont plus en plus nombreuses à prouver à la fois la qualité du contrôle et la sécurité d’utilisation du pancréas artificiel élaboré à partir des pompes actuellement disponibles. Tout laisse à croire que les premiers pourraient être commercialisés à partir de 2017. 

Note

* Centre d’investigation clinique 1411 (Inserm/CHU de Montpellier/Université de Montpellier) et Institut de génomique fonctionnelle (unité 1191 Inserm/CNRS/Université de Montpellier). 

Source

E Renard et coll. Day and Night Closed-Loop Glucose Control in Patients With Type 1 Diabetes Under Free-Living Conditions : Results of a Single-Arm 1‑Month Experience Compared With a Previously Reported Feasibility Study of Evening and Night at Home. Diabetes Care, 5 mai 2016, DOI : 10.2337/dc16-0008