Ostéoporose

Quand les os perdent en densité

L’ostéoporose est une maladie du squelette, caractérisée par une diminution de la masse de l’os et une détérioration de la structure interne du tissu osseux. Elle rend les os plus fragiles et accroît donc considérablement le risque de fractures. Les recherche en cours visent à mieux comprendre les mécanismes de cette maladie, et à développer de nouvelles cibles thérapeutiques

Dossier réalisé en collaboration avec Francis Berenbaum et Mickael Rousière (Service de rhumatologie et unité Inserm 938 /UPMC, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris.

Comprendre l’ostéoporose

Sous l’apparence très rigide de l’os se cache en réalité un tissu très vivant. L’os est en permanence soumis à un processus de renouvellement et de réparation : le remodelage osseux. L’objet de ce processus, essentiel à la solidité de l’os, est de retirer l’os ancien et endommagé, pour le remplacer par un nouvel os sain. Le remodelage osseux est équilibré et régulé par différents facteurs, en particulier des hormones et des cytokines. Son efficacité diminue au cours du vieillissement, entraînant une perte osseuse liée à l’âge, chez la femme comme chez l’homme.

L’ostéoporose correspond à une accélération pathologique du remodelage osseux. Elle conduit à une perte excessive de la masse osseuse et de son architecture. Elle aboutit à une diminution de la résistance osseuse, et donc à une augmentation du risque de fracture.

Une maladie de plus en plus fréquente avec le vieillissement de la population

Avec l’allongement de l’espérance de vie, l’ostéoporose et les fractures qui lui sont associées représentent un problème de santé publique important : autour de l’âge de 65 ans, on estime que 39% des femmes souffrent d’ostéoporose. Chez celles âgées de 80 ans et plus, cette proportion monte à 70%. 

La maladie augmentant considérablement le risque de fractures, pas moins de 377 000 nouvelles fractures dues à l’ostéoporose sont à déplorer chaque année en France : 74 000 fractures de la hanche (les fractures du col du fémur), au moins 56 000 fractures douloureuses des vertèbres (anciennement appelées tassements vertébraux), 56 000 fractures du poignet et 191 000 fractures affectant d’autres os (bassin, côtes, humérus, tibia, fibula, clavicule, scapula, sternum...). 

Ces fractures compromettent souvent la qualité de vie des patients, notamment en raison des douleurs persistantes qu’elles peuvent engendrer. En cas de fractures dites sévères (humérus, vertèbres, bassin, fémur), certaines complications sont susceptibles d’engager le pronostic vital des patients les plus âgés ou fragiles. 

Plusieurs formes d’ostéoporose et des causes encore partiellement inconnues

Les causes de l’ostéoporose ne sont pas toutes élucidées. Ceci est en partie du fait que la maladie revêt différentes formes : 

Les ostéoporoses primaires (ou primitives) sont les formes les plus fréquentes. La principale d’entre elle est l’ostéoporose liée à l’âge. Celle-ci est 2 à 3 fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes en raison de la ménopause. Les œstrogènes contrôlent en effet le remodelage osseux : ils freinent la dégradation du tissu osseux et favorisent la formation d’os jeune. Or, au moment de la ménopause, un déficit en œstrogènes s’installe : avec lui, la perte osseuse va s’accélérer et le risque d’ostéoporose s’élever.

Les hommes ne sont pas pour autant épargnés. L’ostéoporose masculine liée à l’âge a beau être moins fréquente, elle n’est pas anodine : un quart des fractures dues à une fragilité osseuse surviennent chez des hommes. 

D’autres formes d’ostéoporose primaires existent, mais elles sont beaucoup plus rares. Citons, par exemple, celles survenant chez des individus très jeunes (25–30 ans), qui présentent une forte composante génétique. 

Genre et santé, attention aux clichés ! Ostéoporose – animation pédagogique – 1 min 02 (2017)

Les formes secondaires d’ostéoporose surviennent à la suite de maladies ou de traitements. Parmi les pathologies qui peuvent entraîner une ostéoporose, on trouve, notamment, des affections hormonales (hyperactivité de la glande thyroïde ou des glandes parathyroïdes), la polyarthrite rhumatoïde, certaines tumeurs, ou encore des maladies sévères de l’intestin, des reins ou du foie. 

Certains traitements, comme des doses importantes de cortisone ou des médicaments utilisés dans la prise en charge de cancers du sein et de la prostate, peuvent également induire une ostéoporose à long terme. 

Chez l’homme, la consommation excessive d’alcool et de tabac est un autre facteur de risque. 

Quand et comment évaluer le risque de fractures

La survenue d’une fracture sans traumatisme important, touchant par exemple le poignet, l’humérus, la hanche ou le sacrum, doit faire suspecter une ostéoporose. Il en est de même pour une perte de taille, qui peut être due à des fractures vertébrales. 

Le diagnostic d’ostéoporose passe impérativement par un interrogatoire détaillé du patient, portant notamment sur ses antécédents médicaux. Si la présomption d’ostéoporose est forte, l’examen de référence est la mesure de la densitométrie osseuse (DMO). Elle permet d’obtenir un score qui sera comparé à une valeur de référence chez l’adulte jeune : plus la DMO est faible, plus le risque de fractures est élevé. 


L’ostéodensitométrie, en pratique

Lorsqu’un faisceau d’énergie traverse un corps solide, une partie de cette énergie est absorbée et la quantité absorbée est d’autant plus importante que le corps traversé a une densité élevée. L’ostéodensitométrie se fonde sur ce principe : pour estimer la densité de l’os, on fait passer une certaine quantité d’énergie à travers le corps du patient et on mesure la quantité d’énergie qui en « ressort ». Il suffit alors d’une soustraction pour obtenir la quantité d’énergie absorbée au niveau de l’os, et ainsi d’en évaluer la densité.
La source d’énergie la plus simple à utiliser est une source de rayons X, comme pour la radiographie standard. L’examen est totalement indolore. Il ne nécessite aucune injection et aucun prélèvement : le patient s’allonge sur une table de radiologie et reste immobile quelques minutes. La mesure s’effectue généralement sur deux sites : le rachis lombaire et la hanche (région du col du fémur). 


Mais, la mesure de la DMO ne suffit pas toujours à prédire précisément le risque de fractures à venir. Pour aider les médecins à évaluer le risque de fractures ostéoporotiques, des outils informatiques complémentaires existent, en particulier l’outil FRAX®. Développé par l’OMS, ce modèle informatique permet d’évaluer les risques de fractures des patients de plus de 40 ans. Il intègre 12 paramètres (DMO, âge, poids, antécédents de fractures chez le patient ou de fractures de la hanche chez ses parents…), pour calculer la probabilité qu’une fracture survienne dans les dix ans à venir. Il facilite l’identification des patients devant recevoir un traitement préventif de l’ostéoporose.

Des traitements multiples, une prévention des risques indispensable

Les traitements spécifiques de l’ostéoporose

Les médicaments les plus utilisés contre l’ostéoporose sont ceux de la famille des bisphosphonates. Ces molécules freinent l’activité des ostéoclastes, les cellules qui dégradent l’os, limitant ainsi la perte osseuse. 

En cas d’ostéoporose liée à l’âge, les bisphosphonates peuvent être administrés par voir orale (alendronate ou risédronate) ou par voie intraveineuse (acide zolédronique). Ces traitements doivent être pris pendant une durée minimale de 3 à 5 ans. Ils permettent de diminuer le risque de survenue d’une fracture de la hanche ou d’une fracture vertébrale d’un facteur pouvant aller jusqu’à 2. 

D’autres traitements peuvent être prescrits dans des circonstances particulières : un analogue de la parathormone pourra être prescrit lorsqu’il existe au moins deux fractures vertébrales, le dénosumab peut l’être en relais des bisphosphonates. Plus rarement, l’utilisation du ranélate de strontium peut être envisagée en cas de contre-indications ou d’intolérance aux autres thérapies médicamenteuses. 

Les traitements préventifs

S’il est impossible de modifier certains facteurs de risque d’ostéoporose (l’âge, le sexe féminin, les antécédents familiaux d’ostéoporose), il est possible d’agir sur beaucoup d’autres, notamment par l’observation de règles d’hygiène de vie. 

L’exercice physique a un effet bénéfique sur la DMO. Chez la femme ménopausée, l’activité physique régulière permet de freiner la perte de densité osseuse. Chez les personnes âgées, elle va, de plus, entretenir la musculature et l’équilibre, diminuant ainsi le risque de chute et de fracture. 

Chez les adultes carencés, une supplémentation en calcium associée à la vitamine D aide à renforcer les os (mais elle ne constitue pas un traitement suffisant contre une ostéoporose avérée). Le tabagisme et la consommation excessive d’alcool sont, quant à eux, à proscrire car ils favorisent la perte osseuse. 

Chez les femmes récemment ménopausées, la question du traitement hormonal de la ménopause (THM) peut se poser. Prescrites par les gynécologues pour traiter certains symptômes de la ménopause (bouffées de chaleur, sécheresse vaginale), les hormones de substitution peuvent également freiner la perte osseuse post-ménopausique et réduire le risque de fractures vertébrales ou du col du fémur. Cependant, les THM sont associés à des effets secondaires. Dès lors, un traitement au cas par cas est préconisé, avec un THM prescrit à la plus faible dose efficace et sur une durée la plus courte possible. 

Les enjeux de la recherche

La recherche contre l’ostéoporose est très active. Les scientifiques cherchent notamment comment prédire encore plus précisément la probabilité de fractures à partir d’un nombre limité de facteurs de risques. C’est ainsi qu’a été développée la méthode du Trabecular Bone Score (TBS). Elle se fonde sur l’utilisation d’un logiciel informatique installé sur les appareils mesurant la DMO. Elle permet d’analyser des images des os, pour étudier leur qualité et leur microarchitecture. Plus cette dernière est saine, et plus l’os est (et sera) résistant. Associé à la mesure de la densité osseuse et à l’analyse des autres facteurs cliniques prédisposant à l’ostéoporose, cet examen permet de mieux évaluer le risque de fracture pour chaque patient. La mesure du TBS pourrait donc optimiser la prise en charge personnalisée de l’ostéoporose.

Différents travaux visent, par ailleurs, à identifier des biomarqueurs (mesurables dans le sang ou l’urine) qui permettraient de prédire plus finement la survenue et l’évolution de l’ostéoporose. De tels biomarqueurs seraient également utiles pour évaluer l’efficacité des traitements. 

Côté traitements justement, de nouvelles molécules qui agissent en augmentant la formation osseuse (agents anaboliques) sont en cours de développement. L’abaloparatide (ABL) donne des résultats prometteurs. En stimulant le remodelage osseux, cet analogue de la PTHrP (Parathormone related Protein) semble efficace dans la prévention des fractures vertébrales et non vertébrales. Comparé à la PTH (parathormone), l’ABL pourrait avoir un effet plus favorable sur la balance formation/résorption osseuses, tout en étant moins hypercalcémiant. 

Le développement de nouvelles biothérapies contre l’ostéoporose est également très actif. Ainsi, le romosozumab apparaît comme un agent anabolique osseux prometteur. Il s’agit d’un anticorps monoclonal anti-sclérostine. La sclérostine est une protéine synthétisée par les ostéocytes, qui inhibe la différenciation ostéoblastique, et donc la formation osseuse. Les résultats de premiers essais montrent qu’en bloquant l’activité de cette protéine, le romosozumab augmente la DMO des femmes ménopausées dont la masse osseuse est basse. Des études évaluant l’efficacité anti-fracturaire de cette molécule sont en cours. 

Enfin, il existe des mutations qui favorisent la survenue de la maladie. De nombreuses équipes cherchent à identifier les gènes impliqués, ainsi que les mécanismes en jeu. Ces travaux pourraient conduire à la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques et, ainsi, à la mise au point de nouveaux médicaments. 

Pour aller plus loin

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