Grippe

S’adapter à une famille de virus évolutifs

La grippe est une maladie saisonnière d’origine virale, courante et souvent bénigne. Elle peut néanmoins entraîner des complications graves, voire mortelles, chez les personnes âgées ou fragiles. Lutter contre cette maladie est complexe car les virus en cause (virus influenza) ont une grande capacité à évoluer génétiquement pour échapper aux défenses immunitaires et aux médicaments antiviraux. Ces mêmes mécanismes peuvent en outre permettre à certains virus influenza d’origine animale de s’adapter à l’humain, avec un risque de pandémie à la clé. Ces particularités imposent une recherche et une surveillance continues. L’objectif est de développer des vaccins plus efficaces et durables que ceux qui sont actuellement disponibles, et notamment un vaccin « universel » qui protégerait contre davantage de sous-types viraux. Parallèlement, le développement de nouveaux médicaments et de combinaisons d’antiviraux vise à atteindre une meilleure efficacité et à contourner l’émergence des résistances.

Dossier réalisé en collaboration avec Caroline Guerrisi, responsable de la surveillance des infections respiratoires aiguës du réseau Sentinelles et chercheuse à l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (unité Inserm/Sorbonne Université) à Paris, Manuel Rosa-Calatrava et Andrès Pizzorno, chercheurs Inserm, respectivement co-directeur et directeur scientifique du laboratoire international de recherche Jointlab RESPIVIR (France/Canada) au Centre international de recherche en infectiologie (unité Inserm 1111), à Lyon.

Comprendre la grippe

Chaque hiver, plusieurs millions de personnes contractent la grippe en France. Cette maladie contagieuse qui affecte les voies respiratoires résulte d’une infection par un virus influenza.

Après une incubation d’un à trois jours, une forte fièvre – parfois supérieure à 39°C – apparaît brusquement. Elle est accompagnée d’une toux sèche, de maux de tête, de douleurs musculaires et articulaires, et d’une fatigue générale. 

Si la plupart des malades guérissent spontanément en une à deux semaines, la grippe peut se compliquer et entraîner une hospitalisation, voire le décès. Ces formes graves de la grippe touchent principalement les nourrissons, les femmes enceintes – notamment au cours des deux derniers trimestres de grossesse –, les adultes de 65 ans et plus et les personnes immunodéprimées ou atteintes d’une maladie chronique, avec un risque accru de complications, notamment cardiovasculaires. Ces complications ont un coût direct d’environ 300 millions d’euros par an, et jusqu’à 700 millions d’euros de coûts indirects. 

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un milliard de cas de grippe seraient recensés dans le monde chaque année, causant 290 000 à 650 000 décès, principalement dans les zones à forte densité démographique et avec un faible accès aux soins, notamment parmi les enfants de moins de 5 ans.

Portrait du coupable

Virus influenza observé en microscopie électronique © Inserm, Plateforme de recherche technologique Virnext (EZUS UCBL1), Plateforme Lyon Bio-Image Lyon Multiscale Imaging Center (CTµ EZUS UCBL1)
Observation en microscopie électronique à transmission de virus influenza. Les membranes des virus hérissées de glycoprotéines (hémagglutinine et neuraminidase) sont bien visibles, ainsi que les segments de génomes à l’intérieur des particules. En fonction du positionnement des virus sur cette coupe, les 8 segments de gènes sont bien visibles.
©Inserm, Plateforme de recherche technologique Virnext (EZUS UCBL1), Plateforme Lyon Bio-Image Lyon Multiscale Imaging Center (CTµ EZUS UCBL1)

Trois types de virus influenza (famille des Orthomyxoviridae) peuvent infecter l’espèce humaine : les virus de type A, B et C.

Les virus de type A sont responsables des principales épidémies et pandémies de grippe. Ils sont classés en sous-types « HxNx » (comme H1N1 ou H5N8), selon la nature des protéines H pour hémagglutinine et N pour neuraminidase qu’ils présentent à leur surface : il existe en effet 16 types d’hémagglutinine et 9 de neuraminidase qui permettent au virus d’infecter les cellules de l’arbre respiratoire. Les gènes qui codent pour ces deux protéines ont une capacité élevée de mutation, qui facilite l’émergence régulière de nouvelles souches.

Les virus influenza de type A circulent en premier lieu chez l’animal, mais certains sont transmissibles à l’humain : on parle d’infection zoonotique. Les oiseaux aquatiques migrateurs (canards, oies) forment leur principal réservoir naturel même si d’autres animaux peuvent être infectés (poulets, porcs, chevaux…). Chez l’oiseau, l’infection est digestive et asymptomatique, et sa transmission favorisée par les migrations. La plasticité génétique de ces virus permet l’accumulation de mutations (on parle de « glissement génétique ») ou des échanges de gènes entre souches (on parle alors de « cassure génétique »). L’une et l’autre de ces évolutions expliquent que de nouvelles souches puissent apparaître, franchir la barrière d’espèce et provoquer des épidémies ou des pandémies. Dans ce processus, le porc peut jouer un rôle favorisant car les cellules de ses voies respiratoires portent des récepteurs des virus grippaux à la fois humains et aviaires : ils peuvent ainsi être infectés par plusieurs souches simultanément et permettre un « mélange génétique ».

À l’inverse, la grippe B (classé en lignées comme Victoria ou Yamagata) est strictement humaine. Le type C, également « réservé » aux humains, entraîne uniquement des formes bénignes. Enfin, le type D, identifié en 2011, touche surtout les bovins et n’a pas de rôle pathogène connu dans notre espèce.

Un virus saisonnier

Dans les pays tempérés de l’hémisphère nord, la grippe circule principalement sous forme d’épidémies hivernales d’environ 6 à 12 semaines, généralement entre novembre et avril. La majorité des transmissions survient souvent en janvier ou février. Ce pic épidémique hivernal s’explique par une combinaison de facteurs climatiques, biologiques et comportementaux :

  • Les températures hivernales froides et le faible taux d’humidité favorisent la stabilité du virus dans l’air et sur les surfaces, ce qui accroît la probabilité de transmission.
  • Le froid rend l’arbre respiratoire humain plus vulnérable, d’autant que le manque d’exposition au soleil diminue la synthèse de vitamine D, indispensable aux défenses immunitaires.
  • Enfin, l’hiver incite à passer plus de temps dans des environnements confinés (écoles, bureaux, transports…), ce qui facilite la transmission du virus entre individus.

Comment se transmet le virus ?

Les personnes infectées deviennent contagieuses un jour avant l’apparition des premiers symptômes et peuvent le rester pendant une semaine. Le virus passe très facilement d’une personne à l’autre, véhiculé par les gouttelettes projetées par les malades lorsqu’ils toussent ou éternuent. Les lieux confinés et très fréquentés (métro, bus, écoles, entreprises…) sont donc propices à sa transmission. Le virus se retrouve également sur les mains des personnes infectées qui le déposent sur les poignées de portes, le linge de toilette, les jouets... D’où la nécessité de se laver très souvent les mains en période d’épidémie. 

Que faire en période d’épidémie ?

  • Limiter, voire éviter, les contacts entre les personnes grippées et leur entourage, surtout pour les personnes à risque. Éviter d’emmener les nourrissons dans les lieux publics.
  • Éviter de serrer les mains ou d’embrasser pour dire bonjour
  • Se couvrir la bouche ou le nez à chaque toux ou éternuement. Porter un masque si on est « grippé ».
  • Utiliser des mouchoirs en papier à usage unique et les jeter dans une poubelle fermée
  • Se laver les mains très régulièrement : après chaque sortie, avant de cuisiner ou de manger, après s’être mouché, avoir éternué ou toussé en mettant sa main devant la bouche.

Dans l’hémisphère sud tempéré (Australie, Nouvelle-Zélande, Argentine, Afrique du Sud), la grippe sévit durant l’hiver austral, entre mai et septembre. La durée et la sévérité des épidémies sont comparables à celles de l’hémisphère nord, avec des pics d’activité en juin-juillet. En revanche, la grippe ne présente pas une saisonnalité aussi marquée dans les pays tropicaux : des cas sont présents tout au long de l’année, avec des pics parfois liés à la saison des pluies ou à des variations locales de température et d’humidité. La transmission reste continue, générant une circulation virale permanente et des épidémies moins intenses mais plus persistantes.

La grippe en France : quels impacts ?

Chaque année, la grippe entraîne plus d’un million de consultations en médecine de ville, et même 3 millions lors des épidémies les plus sévères. Au total, elle cause en moyenne 20 à 25 000 hospitalisations, majoritairement chez les personnes âgées, et environ 9 000 décès, dont plus de 9 sur 10 concernent les plus de 65 ans.

Mais la pandémie de Covid-19 a bouleversé la donne. La conséquence la plus immédiate a été l’absence d’épidémie de grippe au cours de la saison 2020–2021. Les épidémies de grippe ont ensuite progressivement repris, suivant une dynamique comparable à celle observée avant 2020. Les virus grippaux cocirculent désormais avec les virus de la Covid-19 et de la bronchiolite infantile (virus respiratoire syncytial, ou VRS).

La saison 2024–2025 a été particulièrement sévère en termes de grippe : il est encore difficile d’en comprendre l’origine, mais il est possible que la moindre immunité collective post-pandémie et la circulation simultanée de trois types de virus grippaux, à savoir le H1N1, le H3N2 et le B Victoria, aient joué un rôle. Au total, 2,7 millions de consultations en médecine générale ont été comptabilisées, ainsi que 29 100 hospitalisations, 1 849 cas graves et près de 14 100 décès.

De l’épidémie au risque pandémique

Les virus influenza A ont été responsables de quatre grandes pandémies au cours du 20e siècle et du début du 21e siècle :

  • la grippe espagnole (H1N1), en 1918, a causé 20 à 50 millions de morts ;
  • la grippe asiatique (H2N2), en 1957, responsables de 1 à 4 millions de morts ;
  • la grippe de Hong Kong (H3N2), en 1968, elle aussi à l’origine de 1à 4 millions de décès ;
  • la grippe porcine ou grippe H1N1 de 2009 (H1N1pdm09), responsables de 0,5 millions de morts.

Chacune de ces pandémies grippales a été causée par un virus émergent doté d’un pouvoir infectieux élevé contre lequel la couverture immunitaire faisait défaut dans la population mondiale.

Le risque pandémique demeure récurrent du fait de la capacité de ces virus à muter ou à se propager au sein d’une même espèce ou entre espèces. D’autres facteurs favorisants sont liés au fonctionnement de nos sociétés :

  • La densification urbaine et l’étalement vers des espaces naturels favorisent le contact entre humains, animaux domestiqués et faune sauvage.
  • Le développement de la mobilité humaine (transports aériens rapides, « hubs » aéroportuaires…) et la mondialisation des échanges commerciaux accélèrent la diffusion à l’échelle planétaire d’un virus émergent, comme l’a parfaitement illustré la pandémie de Covid-19 liée au SARS-CoV‑2 en 2020.

La menace liée aux virus aviaires

Depuis la fin du 20ᵉ siècle, plusieurs virus aviaires H5N1 se sont distingués par leur impact sur la santé animale et leur capacité à infecter l’humain. La première épidémie d’origine aviaire pour laquelle des cas humains ont été documentés est survenue en 1997 à Hong Kong : rapidement stoppée, cette épidémie a démontré la capacité de ce sous-type viral à passer cette barrière inter-espèce, causant 18 cas d’infection humaine, dont 6 mortelles. En 2003, une nouvelle souche H5N1 apparue en Asie s’est propagée jusqu’en Europe et en Afrique : elle a engendré une épizootie mondiale, au cours de laquelle des centaines de millions d’oiseaux domestiques et sauvages ont été touchés. L’abattage massif de volailles a dû être mené afin d’en limiter la propagation. Dans le même temps et jusqu’en 2012, elle a engendré 573 cas humains et 346 décès (soit une mortalité de 60 %). D’autres souches, comme le H5N8, ont depuis provoqué des épizooties importantes : en 2021–2022 plus de 25 millions de canards ont dû être abattus dans le sud-ouest de la France suite à sa propagation.

Le virus H5N1 clade 2.3.4.4B nord-américain retient l’attention mondiale depuis quelques années. Apparu en 2022, il a provoqué une flambée de grippe aviaire sans précédent en Amérique du Nord. Elle a entraîné la mort massive d’oiseaux sauvages et domestiques et nécessité l’abattage de plus de 150 millions de volailles. Cette importante panzootie (pandémie animale) a aussi touché certains mammifères et notamment l’humain. Des infections humaines sporadiques, principalement chez des travailleurs en contact avec les animaux infectés (éleveurs, vétérinaires) seraient à l’origine de 1 200 hospitalisations en Amérique du Nord, avec un taux de mortalité de 55 %.

En 2024, un nouveau variant, le H5N1 D1.1, issu d’une recombinaison génétique entre des souches asiatiques hautement pathogènes et des souches nord-américaines plus bénignes, a été détecté chez des oiseaux sauvages, puis, pour la première fois, chez des vaches laitières et des mammifères de compagnie, aux États-Unis et au Canada. Ce virus est préoccupant car il est très pathogène chez l’animal et doté d’une forte capacité de transmission inter-espèces (par contact rapproché, aérosols, consommation de lait et exposition aux excréments). Plus de 1 000 élevages bovins ont été touchés et environ 70 cas d’infections humaines ont été confirmés, principalement chez des personnes en contact étroit avec des animaux infectés (éleveurs, vétérinaires, travailleurs en ferme). Un décès a été signalé en décembre 2024.

Ce variant D1.1 semble marquer une nouvelle étape dans l’adaptation du virus H5N1. S’il reste à ce jour globalement peu pathogène pour l’humain, une surveillance internationale est menée afin d’identifier l’émergence d’autres mutations, de mécanismes de transmission multi-espèces et de sa persistance environnementale… afin de prévenir la survenue d’une pandémie majeure. La principale crainte reste l’évolution d’un virus H5N1 en une souche capable d’être facilement transmise à l’humain – et entre humains –, qui pourrait déclencher une pandémie majeure.

Une surveillance étroite au plan national et international

L’OMS surveille la grippe depuis 1952. Il s’agit d’une part d’identifier les souches virales circulantes, d’autre part de suivre la progression des épidémies et leurs conséquences en termes de gravité et de mortalité. Cinq centres mondiaux, situés à Atlanta, Londres, Melbourne, Pékin et Tokyo, collectent les informations des 134 centres nationaux.

En France, la surveillance annuelle de la grippe repose sur un dispositif à plusieurs niveaux. En soins primaires, elle est principalement assurée par le réseau Sentinelles (Inserm/Sorbonne Université), qui rassemble plus de 1 300 médecins généralistes et pédiatres volontaires, en partenariat avec Santé publique France et le Centre national de référence (CNR) des virus respiratoires. Lors de sa mise en place en 1984, cette surveillance reposait principalement sur des données cliniques, un cas de syndrome grippal étant défini par la présence d’une fièvre supérieure à 39°C, d’apparition brutale, accompagnée de myalgie (douleurs musculaires) et de symptômes respiratoires. En 2014, les médecins Sentinelles ont été équipés de kits de prélèvement nasopharyngé ou salivaire. Ils ont ainsi commencé à réaliser des prélèvements sur des cas aléatoires de syndromes grippaux afin d’affiner la surveillance virologique : les prélèvements sont envoyés au CNR des virus respiratoires pour identifier le virus respiratoire à l’origine des symptômes (grippe, VRS, rhinovirus ou métapneumovirus).

L’apparition de la Covid-19 en 2020 a nécessité d’adapter ce système de surveillance, une proportion significative des infections liées à ce nouveau virus étant moins sévères que celles associées au virus de la grippe. La surveillance clinique a donc été élargie et prend désormais en compte toutes les infections respiratoires aiguës : les cas répertoriés incluent les patients qui présentent une fièvre ou une sensation fébrile associée à des symptômes respiratoires, et non plus uniquement les syndromes grippaux. Par ailleurs, le SARS-CoV‑2 fait désormais partie des virus recherchés dans le cadre de la surveillance virologique sur prélèvement.


Grippenet/Covidnet : Participez à la surveillance et à la recherche sur la grippe et les autres infections respiratoires

Grippenet/Covidnet a pour objectif de recueillir des données épidémiologiques sur les infections respiratoires aiguës directement auprès de la population qui réside en France hexagonale, grâce à Internet. Lancée en janvier 2012, cette étude a été mise en place par le réseau Sentinelles et Santé publique France. Les données recueillies sont utilisées à des fins de recherche, pour mieux comprendre la grippe et étudier : 

  • les facteurs de risque liés à la maladie,
  • sa diffusion à l’échelle française et européenne,
  • l’impact de la vaccination,
  • ou encore le comportement de la population vis-à-vis de la maladie (en particulier le recours au soin).

Grippenet/Covidnet permet en outre de suivre l’évolution de l’épidémie : les données recueillies grâce à cette étude complètent les systèmes de surveillance traditionnels de la grippe, alimentés par des informations collectées dans les cabinets de médecins libéraux et les hôpitaux. GrippeNet.fr apporte notamment des informations relatives aux personnes qui ne consultent pas de services de santé lorsqu’elles sont atteintes par une infection respiratoire aigüe. 

Pour participer, rendez-vous sur www.grippenet.fr. Seule une adresse e‑mail est requise.


Les moyens de lutte

Un traitement symptomatique

La grippe guérit en général spontanément : son traitement classique consiste donc simplement à soulager ses symptômes. Il repose sur l’hydratation du malade, associée à des médicaments contre la fièvre, les douleurs et la toux. 

En cas de forme grave, ou pour les personnes à risque de complications, le médecin peut prescrire un traitement spécifique à base d’antiviraux. Les principales molécules utilisées pour lutter contre les virus de la grippe en 2025 appartiennent à deux familles :

  • les inhibiteurs de la neuraminidase qui bloquent la libération des virus produits par les cellules infectées : oseltamivir (Tamiflu), peramivir (Peramiflu, administré par voie intraveineuse), zanamivir (Relenza) ;
  • les inhibiteurs de la polymérase virale, indispensable à la multiplication du virus : baloxavir (Xofluza).

Il est recommandé de démarrer l’administration de ces médicaments de manière précoce, idéalement dans les 48 h qui suivent l’apparition des premiers symptômes, notamment chez les personnes à risque (âgées, immunodéprimées, femmes enceintes). Dans ces populations, le traitement peut aussi être utilisé pour prévenir la survenue de la maladie après un contact avec un malade (« prophylaxie post-exposition »). L’initiation rapide d’un traitement antiviral réduit les symptômes, la durée de la maladie, le risque d’hospitalisation et de transmission. Ces médicaments ne remplacent pas la vaccination mais ils la complètent. Leur utilisation doit rester raisonnée afin de limiter l’apparition de résistances, déjà décrite pour l’oseltamivir et le baloxavir.

De nouvelles molécules antivirales et des combinaisons d’antiviraux sont développées afin d’améliorer encore le contrôle des symptômes, de réduire le risque de complications liées à la grippe, et de limiter l’apparition des résistances.

Le vaccin, base de la prévention

La vaccination antigrippale vise à réduire le risque de formes graves, d’hospitalisation et de décès, en particulier chez les personnes âgées, les malades chroniques, les femmes enceintes et les autres populations à risque. On estime qu’elle réduit d’environ 80 % le risque de tomber malade chez les adultes en bonne santé, d’environ 60 % celui des personnes âgées. Chez ces derniers, elle permet d’éviter 70 à 80 % des décès.

Le vaccin antigrippal est généralement constitué de fragments de virus inactivés, administrés par injection (intramusculaire de préférence). Ces fragments permettent au système immunitaire d’apprendre à reconnaître le virus et à produire une réponse protectrice en cas d’infection ultérieure. La protection conférée par la vaccination antigrippale dure environ 6 à 8 mois, ce qui justifie une vaccination annuelle avant la saison épidémique.

La composition du vaccin contre la grippe est mise à jour chaque année, en fonction des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour correspondre aux souches virales les plus susceptibles de circuler pendant la saison hivernale à venir. Ce processus de décision s’appuie sur un réseau mondial de surveillance, appelé GISRS (Global Influenza Surveillance and Response System), qui collecte constamment des échantillons viraux et analysent les souches circulantes dans 143 centres répartis dans 114 pays, dont le centre national de référence des virus respiratoires à l’Institut Pasteur en France. Ce travail permet de connaître la prévalence des souches circulantes, leurs caractéristiques et leur incidence clinique, afin d’établir la liste des souches de virus A et B à inclure dans le vaccin de la saison suivante. À partir de ces indications, les laboratoires pharmaceutiques produisent les lots de vaccins dont l’efficacité et la sécurité sont évalués avant d’être autorisés par les instances réglementaires.

En 2025, cinq vaccins trivalents sont disponibles : ils comprennent deux souches de virus de type A (H1N1 et H3N2) et une souche de type B (Victoria). Deux vaccins inactivés, spécifiquement formulés pour les personnes de 65 ans et plus (Eflueda et Fluad), comprennent de hautes doses d’antigènes ou un adjuvant afin de contrebalancer la baisse d’efficacité des défenses immunitaires des seniors (immunosénescence). Ces vaccins antigrippaux peuvent être administrés en même temps que ceux contre la Covid-19 et le VRS. Il existe par ailleurs un vaccin vivant atténué quadrivalent administré par voie nasale (Fluenz), disponible dans certains pays, mais non autorisé en France.


La vaccination antigrippale : pour qui ?

En France, l’assurance maladie prend en charge la vaccination d’environ 10 millions de personnes à risque : 

  • les adultes de 65 ans et plus
  • les personnes atteintes de certaines maladies de longue durée
  • les personnes atteintes d’asthme ou de broncho-pneumopathie chronique
  • les femmes enceintes
  • les personnes immunodéprimées
  • les personnes obèses (indice de masse corporelle supérieur à 40 kg/m2)
  • les personnes séjournant dans un établissement de santé

De manière plus générale, les professionnels de santé, les personnes en contact régulier avec des sujets à risque, l’entourage familial des nourrissons, le personnel navigant des bateaux de croisière et des avions et les accompagnateurs de groupes ont tout intérêt à se faire vacciner. 


Pour en savoir plus sur les vaccins et la vaccination

Les enjeux de la recherche

Mieux comprendre le virus…

Contrairement à la plupart des virus qui portent leur matériel génétique sur une seule molécule d’ARN ou d’ADN, les virus grippaux possèdent 8 segments d’ARN distincts, qui codent chacun pour une protéine virale différente (comme l’hémagglutinine ou la neuraminidase). Comprendre les mécanismes de réassortiment génétique entre les variants de chacun de ces segments peut aider les scientifiques à mieux prédire comment de nouvelles souches pourraient émerger (et leur éventuelle adaptation à l’humain). Expérimentalement, il apparaît en effet que tous les assortiments ne sont pas possibles, suggérant qu’il existe des incompatibilités structurales et fonctionnelles entre certains segments d’ARN. Les décrypter permettrait peut-être de trouver un point de vulnérabilité des virus influenza jusqu’ici inconnu.

Plusieurs équipes, en particulier à Grenoble et à Lyon, explorent en outre les étapes de l’infection par les virus de la grippe au niveau moléculaire : interaction des protéines virales avec les composants de la cellule infectée, sortie des ARN viraux de la capside du virus (son enveloppe) et leur migration dans la cellule, fonctionnement de la polymérase (une enzyme clé de la multiplication des génomes viraux), association des segments génomiques dans les nouvelles particules virales qui bourgeonnent à la surface des cellules infectées, coopération entre les protéines de surface du virus... Le travail est complexe, car en détournant la machinerie des cellules respiratoires, le virus module des milliers de mécanismes biologiques différents. Tout l’enjeu est d’identifier les voies cellulaires qui sont déterminantes pour le virus, afin de les cibler par de nouveaux médicaments antiviraux. 

... et ses interférences

Les virus de la grippe et certaines bactéries pathogènes peuvent coopérer et renforcer leur pouvoir pathogène respectif. Si l’on sait comment cela se passe pour le pneumocoque (Streptococcus pneumoniae), la coopération d’Influenza avec les staphylocoques dorés (Staphylococcus aureus) ou le streptocoque A a été observée et reste à explorer.

De telles interférences existent aussi avec les virus. Pendant la pandémie de Covid-19, la grippe n’a pas disparu seulement du fait des mesures sanitaires mais aussi de la prédominance du SARS-CoV‑2. La réponse cellulaire antivirale qui a permis aux personnes de combattre ce dernier a aussi permis de lutter contre le virus grippal. Ce phénomène continue à être étudié : et des expérimentations de co-infection ou d’infections séquentielles virales sont menées afin de mieux comprendre ces mécanismes d’interférence.

Pourquoi nous ne sommes pas tous égaux face à la grippe ?

Du côté des patients, l’infectiogénomique explore les gènes humains pour comprendre pourquoi certaines personnes développent des formes graves de grippe, et d’autres pas. Il semble qu’une déficience de la réponse immunitaire innée soit impliquée. D’autres mécanismes immunologiques, ainsi que l’équilibre entre le microbiote intestinal (l’ensemble des microorganismes qui peuplent notre intestin) et l’infection virale, font également l’objet de travaux. 

Vers un vaccin universel

La recherche sur les vaccins contre la grippe se concentre sur plusieurs axes : 

Différentes équipes s’attèlent au développement de vaccins vivants atténués faciles à administrer : la voie intranasale est un sujet d’étude important car la muqueuse nasale constitue la porte d’entrée « naturelle » du virus de la grippe. L’objectif de tels vaccins serait de stimuler la mémoire immunitaire locale afin de limiter la possibilité pour le virus d’emprunter cette porte. De nouvelles formulations plus efficaces que le Fluenz, un vaccin intranasal non disponible en France, sont donc attendues. Certaines équipes évaluent l’efficacité de séquences de vaccination intramusculaire conventionnelle suivie par une administration intranasale : cette combinaison permettrait d’assortir la réponse systémique (obtenue grâce au vaccin classique) d’un renforcement de la réponse immunitaire locale. Ce schéma mixte vaccinal pourrait améliorer la durée de protection tout en réduisant le risque de transmission.

Des vaccins antigrippaux à base d’ARN messager sont par ailleurs développés et certains font l’objet d’évaluations cliniques. S’ils sont bien tolérés, ceux qui ont déjà été testés offriraient néanmoins une immunité mémoire moins élevée que celle conférée par un vaccin conventionnel. Les premières autorisations de mise sur le marché devraient toutefois aboutir en 2026.

Un vaccin contre le virus H5N1 D1.1 est autorisé au Canada (Arepanrix) : dans ce pays, les autorités le recommandent aux adultes dans le cadre d’un plan de réponse prépandémique qui vise à protéger la population en cas d’épidémie ou de propagation accrue. Il n’existe pas encore d’autorisation aux États-Unis, mais la similarité génétique du virus étatsunien avec la souche vaccinale canadienne est bien documentée.

Des essais cliniques évaluent également des combinaisons de vaccins contre la grippe et la Covid-19 sous forme de vaccins bivalents ou trivalents.

Mais l’objectif ultime des recherches sur la vaccination antigrippale est de parvenir à la mise au point d’un « vaccin universel », capable de conférer une protection vaccinale contre différents sous-types de virus, sur plusieurs saisons. Dans cet objectif, les travaux qui sont menés cherchent à développer chez les personnes vaccinées une réponse dirigée contre des protéines structurales plus stables et conservées que celles ciblées par les vaccins actuels. La nucléoprotéine des virus influenza, essentielle à sa réplication, constitue une des cibles candidates intéressantes.

Pour aller plus loin