Syndrome grippal : quel est le responsable ?

Comment un médecin peut-il distinguer la grippe, une maladie grave, des autres affections respiratoires communes en hiver ? Pour tenter d’associer symptômes et virus présent, une équipe de l’Inserm* a mené une vaste étude épidémiologique.

Tous les ans à la mauvaise saison, une foule de gens se presse chez le médecin avec une forte fièvre, des courbatures, éventuellement un mal de tête et des difficultés à respirer. Bref, ce que les soignants appellent un « syndrome grippal ». Mais est-ce toujours la grippe ? Plusieurs virus respiratoires déclenchant ce genre de symptômes circulent en effet à cette période de l’année. C’est le cas du virus influenza (IV), responsable de la grippe proprement dite, mais aussi, entre autres, du rhinovirus (HRV), du virus respiratoire syncytial (VRS) responsable de bronchiolites, essentiellement chez l’enfant, ou du métapneumovirus (HMPV) qui déclenche lui aussi des troubles respiratoires. Comment le médecin pourrait-il orienter son diagnostic à partir de ce qui est observable au cabinet, sans devoir systématiquement prélever un échantillon et attendre le résultat de l’analyse virale ? 

Séparer la grippe des autres troubles respiratoires

La question n’est pas anodine car, comme le souligne Cécile Souty de l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (IPLESP, unité 1136 Inserm/Sorbonne Université, Paris), « on ne prend pas forcément en charge la grippe, maladie potentiellement plus grave, comme les autres troubles respiratoires hivernaux ». Pour apporter un éclairage, son équipe a mené une vaste étude portant sur deux hivers consécutifs (2015/2016 et 2016/2017), en s’appuyant sur les données du réseau Sentinelles de l’IPLESP. Regroupant des centaines de médecins généralistes et de pédiatres sur tout le territoire, ce réseau permet de suivre les épidémies de maladies infectieuses communautaires. 

Pour cette étude, près de 6 000 patients s’étant spontanément présentés au cabinet du médecin ont été recrutés selon des critères précis : une fièvre soudaine de plus de 39°, des courbatures et des signes respiratoires. « Autrement dit, ce que les gens appellent une grippe carabinée » sourit Cécile Souty. Un prélèvement nasopharyngé (par écouvillonnage) a été effectué chez ces volontaires, puis envoyé au Centre national de référence pour les virus respiratoires (à Paris ou à Lyon) ou au laboratoire de virologie de l’Université de Corse. Il s’agissait de révéler d’éventuelles corrélation entre, d’une part, les symptômes (toux, écoulement nasal, dyspnée, mal de gorge, conjonctivite, mal de tête, malaise, vomissement) et les données observables (période de l’année, âge du patient, vaccination contre la grippe) et, d’autre part, le type de virus effectivement présent. 

Des associations réelles mais non décisives

Première constatation : les laboratoires ont détecté la présence du virus de la grippe (IV) dans la moitié des échantillons(48% exactement), ce qui n’est guère surprenant puisque les critères d’inclusion comprenaient une forte fièvre. Les trois autres virus sont nettement moins fréquents, avec des variations selon les périodes. 

Quelques associations symptôme/virus ont néanmoins pu être observées. Ainsi, outre la fièvre, le virus de la grippe est associé à la toux, la conjonctivite, les maux de tête et l’écoulement nasal. En revanche, la dyspnée est associée au VRS : « C’est le signe de la bronchiolite, que les médecins connaissent bien », souligne Cécile Souty. Toux et écoulement nasal sont également plus souvent associés à une infection par le VRS, mais pas les maux de tête. Le HMPV est quant à lui associé à la toux et à l’absence de maux de tête, alors que l’infection par le HRV se résume à un écoulement nasal. 

« Ce sont des associations assez faibles et non des résultats tranchés. On ne peut pas en tirer des règles de décision, tout au plus des orientations. Il appartient toujours au médecin de poser son diagnostic face à son patient » met en garde Cécile Souty. En rappelant toutefois que la grippe proprement dite tue encore des milliers de personnes chaque hiver, et qu’il est recommandé de prescrire des antiviraux aux personnes à risque, voire de les diriger vers l’hôpital si leur état clinique l’impose.

Note :
*unité 1136 Inserm/UPMC, Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique, équipe Surveillance et modélisation des maladies transmissibles, Paris

Source : Souty C. et coll., Baseline characteristics and clinical symptoms related to respiratory viruses identified among patients presenting with influenza-like illness in primary care, Clinical Microbiology and Infection, https://doi.org/10.1016/j.cmi.2019.01.014, février 2019.