Autisme

Un trouble du neurodéveloppement qui affecte les relations interpersonnelles

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) résultent d’anomalies du neurodéveloppement. Ils apparaissent précocement au cours de la petite enfance et persistent à l’âge adulte. Ils se manifestent par des altérations dans la capacité à établir des interactions sociales et à communiquer, ainsi que par des anomalies comportementales, en particulier une réticence au changement et une tendance à la répétition de comportements ou de discours. Les personnes concernées semblent souvent isolées dans leur monde intérieur et présentent des réactions sensorielles (auditives, visuelles, cutanées...) particulières. Malgré la diversité des troubles et les capacités d’insertion sociale très variables de ces personnes, l’autisme est reconnu comme un handicap en France depuis 1996. Une recherche pluridisciplinaire est conduite pour mieux en comprendre les mécanismes et pour améliorer sa prise en charge.

Dossier réalisé en collaboration avec Catherine Barthélémy, Prix d’honneur Inserm 2016, professeure émérite (Faculté de médecine et université de Tours), membre de l’Académie nationale de médecine. Mise à jour réalisée avec le GIS Autisme et TDN.

Comprendre l’autisme

Décrit par le pédopsychiatre Leo Kanner en 1943, l’autisme « typique » est aujourd’hui intégré parmi les troubles du spectre de l’autisme (TSA), un ensemble plus vaste qui rend mieux compte de la diversité des situations. Ces troubles sont caractérisées par :

  • des altérations des interactions sociales
  • des problèmes de communication (langage et communication non verbale)
  • des troubles du comportement qui correspondent à un répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif
  • des réactions sensorielles inhabituelles

Autant de particularités souvent à l’origine de difficultés d’apprentissage et d’insertion sociale.

L’autisme – et plus généralement les TSA – se manifeste le plus souvent dès la petite enfance, avant l’âge de trois ans, puis persiste tout au long de la vie. Au total, les TSA concernent environ 700 000 personnes en France, qui vivent toutes un handicap social. En revanche, contrairement à une idée répandue, l’autisme n’est pas systématiquement associé à un retard intellectuel. Le syndrome d’Asperger, par exemple, est un TSA associé à un très bon développement intellectuel. Néanmoins, un tiers des personnes concernées par un TSA présente un trouble du développement intellectuel de gravité très variable. Un syndrome autistique peut être observé dans le cadre de pathologies génétiques associées à un handicap intellectuel sévère, comme les retards mentaux liés à l’X, le syndrome de l’X fragile ou, de manière souvent transitoire, le syndrome de Rett. Chez un patient atteint de TSA avec un trouble du développement intellectuel, les examens médicaux recherchent donc systématiquement ces pathologies.

Une épidémie d’autisme, vraiment ? – interview – 3 min 48 – vidéo de la série Canal Détox – 2019 

Des troubles qui affectent les relations interpersonnelles, la communication et le comportement

Les personnes atteintes d’autisme semblent peu accessibles aux autres. Elles établissent difficilement les contacts nécessaires à la construction d’une relation interpersonnelle, en particulier les contacts visuels. Le plus souvent, elles ne répondent pas lorsqu’on les appelle. Elles sourient rarement et semblent ne pas comprendre les sentiments et les émotions des autres.

Les troubles de la communication associés à l’autisme touchent à la fois le langage et la communication non verbale. Une importante proportion des personnes atteintes de TSA – mais pas une majorité – présente des troubles du langage : répétition incessante des mêmes phrases, modulation et formulations inhabituelles, non utilisation de termes abstraits... Une partie d’entre elles ne parle pas du tout et beaucoup peinent à entrer dans un dialogue. Par ailleurs, elles ne comprennent et n’utilisent pas les éléments de communication non verbale tels que les gestes, les expressions du visage, le regard ou le ton de la voix. 

Les personnes concernées par l’autisme ont souvent des comportements répétitifs (balancements du corps, battements des mains, tournoiements…), auto-agressifs (se mordre les mains, se cogner la tête…) ou inappropriés (pleurer ou rire sans raison apparente…). Elles s’attachent souvent à des objets qu’elles utilisent de manière détournée, par exemple en les alignant ou en les faisant tourner inlassablement. En général, elles tolèrent mal le changement (de lieux, d’emplois du temps, de vêtements, d’alimentation…). Une situation imprévisible peut provoquer une réaction d’angoisse ou de panique, de colère ou d’agressivité. Ces personnes qui semblent souvent indifférentes au monde extérieur peuvent donc, de manière paradoxale, y être extrêmement sensibles : la lumière, le contact physique ou certaines odeurs peuvent déclencher des réactions de rejet très fortes.

L’autisme et les autres TSA s’accompagnent souvent de troubles du sommeil, de problèmes psychiatriques (dépression, anxiété), de troubles du développement (trouble de l’apprentissage ou de l’attention/hyperactivité). Près d’un autiste sur cinq souffre également d’épilepsie.


Les premiers signes, avant 3 ans

Les premiers signes évocateurs de l’autisme se manifestent le plus souvent entre 18 et 36 mois. L’enfant est trop calme ou au contraire trop excité. Il semble indifférent au monde sonore et aux personnes qui l’entourent. Il ne répond pas à son prénom et ne réagit pas (ou peu) aux séparations et aux retrouvailles. Il ne sourit pas (ou rarement) et reste silencieux. Il ne regarde pas dans les yeux, ne joue pas à faire « coucou », ne pointe pas du doigt et ne cherche pas à imiter les adultes.


Une origine multifactorielle, largement génétique

L’autisme et les autres TSA sont liés à des anomalies très précoces – anténatale – du neurodéveloppement.

L’imagerie médicale, entre autres techniques, a révélé que la mise en place et l’organisation de certains réseaux cérébraux spécialisés sont différentes chez les personnes qui vivent avec un TSA. Or il s’agit de réseaux dédiés à la communication sociale et à la modulation du comportement en fonction de l’environnement et de ses changements. La biologie moléculaire a pour sa part identifié plusieurs centaines de gènes dont la modification semble conduire à une plus grande susceptibilité à l’autisme. Ces gènes sont impliqués dans des processus biologiques divers, mais nombre d’entre eux participent précisément à la formation du système nerveux et des connexions synaptiques, ainsi qu’à la synthèse de substances chimiques indispensables au bon fonctionnement du cerveau. 

Il est désormais bien établi que les TSA ont une origine multifactorielle, avec une forte composante génétique. Être un garçon et présenter des antécédents familiaux sont deux facteurs de risque reconnus. L’intervention de facteurs environnementaux – neuroinflammation, virus, toxiques ... – durant la grossesse est également possible, mais leur nature exacte n’est pas encore connue. Une naissance prématurée constitue un autre facteur de risque établi et important. Par ailleurs, certains médicaments antiépileptiques administrés à la mère au cours de la grossesse, comme la Depakine, sont actuellement sur la sellette.


Quatre garçons pour une fille ?

Si les garçons sont plus souvent atteints d’autisme que les filles, ce chiffre très souvent cité doit être relativisé. En effet les outils de détection et d’évaluation de ce trouble ont été essentiellement validés sur des populations de garçons, avec le risque d’occultation de signes propres aux filles. Une méta-analyse récente évoque plutôt un rapport de trois garçons pour une fille, rapport qui pourrait encore évoluer avec les progrès de la détection.



Faux coupables

Les données actuellement disponibles montrent que, contrairement à des croyances tenaces, ni les maladies cœliaques secondaires à une intolérance au gluten, ni la vaccination combinée contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), ni les caractéristiques psychologiques des parents (en particulier les prétendues « mères réfrigérateurs ») ne sont des facteurs de risque de TSA. 


Une prise en charge globale

L’autisme et les TSA ne se soignent pas, mais une prise en charge adaptée améliore les capacités fonctionnelles des personnes concernées à interagir avec le monde qui les entoure et à s’y adapter. Les troubles persistant toute la vie, cette prise en charge, pluridisciplinaire et individualisée, doit « suivre » le patient : elle évolue depuis l’enfance puis l’adolescent et à l’âge adulte. 

Fondée sur une approche comportementale et développementale, la prise en charge des TSA comprend des dimensions sanitaires, médico-sociales et sociales. Dans toute la mesure du possible, elle est conçue et réalisée avec la personne concernée et non pour elle.


Des troubles à dépister au plus tôt

Pour prendre en charge les personnes qui présentent un TSA, encore faut-il les reconnaître comme telles. À cet égard, un dépistage précoce – autant que possible dès 18 mois – est essentiel : plus la prise en charge est démarrée tôt et meilleurs en seront les résultats. Une prise en charge précoce permet en effet des progrès supérieurs et évite l’apparition de surhandicaps.


Le développement des enfants concernés est régulièrement évalué (au moins une fois par an), de manière à pouvoir ajuster les actions à leurs besoins. Ils reçoivent des soins psycho-éducatifs, fondés sur le jeu, pour les aider à développer leur langage, leurs compétences cognitives, sensorielles et motrices, à adapter leur comportement, à gérer leurs émotions… Les interventions ont lieu à la maison – dans le lieu de vie habituel – et avec la famille. L’objectif est de donner à l’enfant (ainsi qu’à son entourage) les outils pour interagir avec les autres et à acquérir de l’autonomie. Un des enjeux actuels est de les scolariser et de les aider à s’insérer dans la société. 

Pour une minorité de personnes qui ne peuvent pas s’insérer socialement, des centres d’accueil spécialisés sont apparus en France en 1996, mais ils restent peu nombreux. Beaucoup trop d’adultes autistes sont actuellement placés dans des lieux inadéquats (hôpital psychiatrique, institution pour personnes mentalement déficientes) ou laissés à la charge de parents vieillissants.


Des médicaments ?

À ce jour, aucun traitement médicamenteux ne guérit l’autisme. Toutefois, certains médicaments sont utilisés pour traiter les pathologies souvent associées aux TSA, comme l’épilepsie.


Les enjeux de la recherche

La recherche française sur l’autisme et les autres troubles du neurodéveloppement se structure désormais autour d’un « groupement d’intérêt scientifique », le GIS Autisme et TND, qui regroupe plus de 130 équipes sous tutelle de l’Inserm, du CNRS, des universités, des CHRU, de l’Institut Pasteur, d’Inrae, du CEA... Des chercheurs et des praticiens de différentes disciplines – imagerie, biologie moléculaire, génétique, recherche clinique, psychologie, sciences cognitives, sciences sociales... – collaborent pour tenter de comprendre les mécanismes de l’autisme, les relier à la clinique, esquisser de meilleures méthodes de détection et d’interventions et comprendre comment la société pourrait mieux inclure ces personnes.

Comprendre

Pour mieux comprendre le développement très précoce des circuits cérébraux et leur lien avec le tableau clinique associé au TSA, la recherche s’articule autour de quatre axes : 

  • La période pré et périnatale, dans laquelle il s’agit d’étudier les interactions gènes-environnement au cours de la mise en place des réseaux cérébraux.
  • L’enfance, avec sa trajectoire de développement et ses éventuelles régressions : il faut identifier les réseaux neuronaux concernés et faire le lien avec les manifestations cliniques. Cela suppose l’identification de nouveaux marqueurs et le développement d’outils diagnostiques.
  • L’adolescence : le devenir des troubles du développement lors de cette période charnière de la maturation cérébrale est peu exploré. Or ils peuvent évoluer très favorablement... ou au contraire s’aggraver, allant parfois jusqu’à une transition vers la schizophrénie. Durant cette période, des troubles psychiques ou cognitifs préexistants peuvent par ailleurs « réveiller » un autisme passé inaperçu jusque-là.
  • Les adultes sont les « grands oubliés » de la recherche. La biologie et les manifestations cliniques de l’autisme ne sont pas forcément les mêmes que chez les enfants. Il s’agit donc d’explorer tous les aspects de l’autisme adulte : tableau clinique, troubles associés, mécanismes de compensation, biologie, aspects sociologiques...

Détecter et prendre en charge

Une chercheuse observe un volontaire qui regarde l'image d'un visage présenté sur un écran d'ordinateur. Sur cette image de visage, des points apparaissent là où le volontaire porte son regard.
Étude de suivi du regard « eye tracking ». Laboratoire iBrain (unité Inserm 1253), Centre hospitalier universitaire Bretonneau, Tours. © Inserm/Patrice Latron

De nouveaux outils (analyse automatique de films, suivi du regard...) sont à l’étude pour détecter les TSA à la maison, dans le cadre habituel de vie du bébé et non dans un environnement étranger (cabinet, hôpital). La linguistique est aussi mise à contribution pour mieux analyser les particularités formelles du langage dans ces troubles. 

Un champ de recherche nouveau s’ouvre également pour développer un corpus de connaissances sur l’éducation de ces enfants : comment les aider à acquérir des connaissances, à devenir réellement des apprentis à l’école. Il fait appel aussi bien à la psychologie du développement et de l’apprentissage qu’aux neurosciences cognitives, voire à l’imagerie cérébrale fonctionnelle. 

Les sciences humaines et sociales (sociologie, économie, psychologie) sont aussi mises à contribution pour comprendre comment la société accueille – ou pas – ces personnes. 


La stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement : autisme, Dys, TDAH, TDI (2023‑2027)

La stratégie nationale pour l’autisme 2018–2022 a permis des avancées importantes en matière de recherche sur les troubles du neurodéveloppement : un engagement soutenu a permis d’organiser et de structurer un réseau de recherche puissant. Des bases solides ont été posées avec la création du groupement d’intérêt scientifique Autisme et TND et, en son sein, du groupe de réflexion des associations de personnes concernées pour la science (GRAPS). Cette stratégie nationale a également permis la création de cinq centres d’excellence, la désignation de chefs de clinique pour promouvoir les projets de recherche et la mise en place de la cohorte Marianne.

Cette dynamique se poursuit dans le cadre de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement 2023–2027. Dotée d’environ 680 millions d’euros, elle s’articule autour de six engagements :

  • Amplifier la dynamique de recherche et accélérer la diffusion des connaissances auprès de tous les acteurs 
  • Garantir une solution d’accompagnement à chaque personne, des interventions de qualité tout au long de la vie et intensifier la formation des professionnels
  • Avancer l’âge du repérage et des diagnostics et intensifier les interventions précoces
  • Adapter la scolarité de la maternelle à l’enseignement supérieur 
  • Accompagner les adolescents et les adultes
  • Faciliter la vie des personnes, des familles et faire connaître les troubles du neurodéveloppement dans la société

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Pour aller plus loin

Associations de patients

  • Agir et vivre l’autisme : association pour un accompagnement dédié à l’autonomie, la communication et l’inclusion
  • ARAPI : Association pour la recherche sur l’autisme et la prévention des inadaptations
  • Autism Europe : association internationale pour les droits des personnes autistes et l’amélioration de leur qualité de vie
  • Autisme France : association nationale de familles avec des enfants et adultes autistes
  • Autistes sans frontières : mise en œuvre d’actions pour favoriser l’inclusion des personnes avec autisme dans notre société à tous les âges de la vie
  • PAARI : Personnes autistes pour une autodétermination responsable et innovante
  • Sésame Autisme : association de parents au service des personnes avec TSA

D’autres associations, partenaires du GIS Autisme et troubles du neurodéveloppement et membres du groupe de réflexion des associations de personnes concernées pour la science (GRAPS) sont listées sur le site du groupement d’intérêt scientifique.