Asthme

Une inflammation chronique des bronches de mieux en mieux contrôlée

L’asthme est une inflammation chronique des bronches, entrainant leur hyperréactivité à certaines substances. La maladie se manifeste par des crises, sous forme de sifflements et de gênes respiratoires. Dans les cas les plus graves, ces crises peuvent nécessiter une hospitalisation. Les chercheurs constatent qu’il n’existe pas « un asthme », mais plusieurs formes de la maladie dont l’étude devrait conduire au développement de nouveaux traitements, plus ciblés.

Dossier réalisé en collaboration avec Antoine Magnan, chef du service de pneumologie à l’Institut du thorax (Nantes), responsable de l’équipe « Pathologies bronchiques et allergies » de l’unité Inserm 1087, et Président de la Société française d’allergologie.

Comprendre l’asthme

L’asthme est une maladie fréquente qui touche plus de 4 millions de personnes en France. Ses premières manifestations surviennent le plus souvent pendant l’enfance.

Depuis 2012 une enquête nationale est effectuée tous les deux ans en milieu scolaire, alternativement en CM2, troisième et maternelle. Elle indique une prévalence de la maladie allant de 10 à 16% selon les classes. La prévalence diminue ensuite chez l’adulte, étant estimée à 6,7%.

La maladie peut être grave quand elle n’est pas prise en charge correctement ou lorsqu’elle échappe au contrôle des traitements. L’asthme sévère est directement associé à plus de 60 000 hospitalisations et à près de 900 décès par an. En outre, la maladie altère considérablement la qualité de vie. Elle entraîne des insomnies, une baisse d’activité et un absentéisme à l’école ou au travail. 

Les crises d’asthme : un manque d’air

La maladie est caractérisée par des épisodes de gêne respiratoire sifflante (dyspnée), résultant de l’inflammation de l’épithélium bronchique en réponse à des facteurs déclenchants. L’inflammation provoque la contraction des muscles lisses bronchiques (bronchoconstriction) associée au gonflement des parois. Cela conduit à une réduction du diamètre des bronches. L’inflammation entraîne également une hypersécrétion de mucus. Les asthmatiques sévères présentent en plus une prolifération et un remodelage des cellules musculaires lisses des bronches, ce qui accroît la contraction et réduit encore le diamètre de ces dernières. 

Dans certains cas, la toux est le seul symptôme. Mais le plus souvent, la réduction du débit d’air et la présence de mucus entrainent de réelles difficultés à respirer. La fréquence et la sévérité des crises varient d’un individu à l’autre. Les symptômes peuvent s’aggraver lors d’un effort physique ou pendant la nuit. Les crises peuvent être espacées de quelques heures ou quelques jours, voire de plusieurs mois. Entre deux crises, la respiration est le plus souvent normale. 

Ces facteurs de risque impliqués dans l’asthme

La survenue d’un asthme résulte de l’association d’une prédisposition génétique et de facteurs environnementaux comme : 

  • les allergènes présents à l’intérieur des habitations (acariens, moisissures, squames)
  • les allergènes extérieurs (pollens et moisissures)
  • la fumée du tabac
  • les produits chimiques irritants sur le lieu du travail
  • la pollution de l’air, en particulier les particules fines

L’air froid, les émotions fortes, certains médicaments anti-inflammatoires ou bêtabloquants, y compris ceux utilisés dans les collyres, ou encore l’exercice physique peuvent également déclencher une crise. 

Parmi les facteurs prédisposant à l’asthme, citons : les antécédents familiaux ou personnels d’atopie (terrain allergique), une rhinite allergique pendant l’enfance (risque d’asthme multiplié par trois), une conjonctivite allergique, mais également la prématurité ou petit poids de naissance, des bronchiolites à répétition pendant l’enfance.

Asthme et pollution – interview – 5 min 19 – vidéo extraite de la série POM Bio à croquer (2014)

Des tests diagnostiques

Un bilan reposant sur un interrogatoire et un examen clinique permet d’évaluer la sévérité de l’asthme et d’en rechercher les causes. 

Après l’âge de trois ans, des tests respiratoires sont effectués. Les « épreuves fonctionnelles respiratoires » (EFR) permettent de mesurer les volumes d’air inspirés et expirés en soufflant dans un tube. Le « test de provocation bronchique » permet d’évaluer le degré de réactivité des bronches. Il consiste en l’inhalation de substances comme la métacholine, qui font réagir les bronches. 

Des tests cutanés peuvent également être réalisés, pour préciser si l’asthme est d’origine allergique et identifier l’allergène en cause. 

Il est en outre nécessaire de rechercher les circonstances de déclenchement d’une crise : allergène, stress, médicaments, environnement particulier, travail… 


L’asthme peut être reconnu maladie professionnelle

L’asthme professionnel représente 5 à 10% des cas d’asthme en France. Six métiers représentent plus de la moitié des cas : les boulangers et pâtissiers exposés à la farine, les métiers de la santé, les coiffeurs exposés à des produits comme les persulfates de sodium, les peintres exposés aux isocyanates, les travailleurs du bois, ou encore les employés de nettoyage.

L’apparition d’un asthme chez une personne exerçant l’une de ces activités doit systématiquement conduire à un bilan et à une enquête professionnelle à laquelle le médecin du travail est associé. Si les critères sont remplis, le patient peut bénéficier de sa reconnaissance au titre des maladies professionnelles et d’une indemnisation. Le pronostic des asthmes professionnels est souvent médiocre, même après suppression de l’exposition à la substance qui le provoque. La maladie a souvent des répercussions importantes sur la vie des patients : interruption de travail, reclassement... 


Traitement de fond et traitement de crise

L’asthme ne se guérit pas : il persiste toute la vie même si des phases de rémission peuvent durer plusieurs années, faisant parfois oublier la maladie. Le contrôle de la maladie repose sur un traitement de fond quotidien et un traitement de crise, uniquement en cas de symptômes. Il est en outre fondamental d’éliminer les facteurs déclenchants de son environnement, pour limiter les crises. 

Les traitements de fond permettent de limiter la fréquence et la sévérité des crises d’asthme. Il s’agit d’anti-inflammatoires, corticostéroïdes inhalés ou anti-leucotriènes pouvant être associés à un bronchodilatateur de longue durée d’action. Leur effet est parfois long à se manifester, entrainant souvent une mauvaise utilisation, voire un arrêt précoce du traitement. 

Les traitements de crise, des bronchodilatateurs d’action rapide, permettent quant à eux de limiter l’intensité des symptômes.

Plus récemment, un traitement de l’asthme dit « ciblé » a fait son apparition : il s’agit d’un anticorps monoclonal anti-IgE. Il est recommandé à partir de l’âge de 12 ans en cas d’asthme sévère allergique mal contrôlé, et sous-réserve de présenter un taux éligible d’immunoglobulines E (IgE) spécifiques. 

Les enjeux de la recherche

L’asthme, une maladie en cours de stratification

La majorité des asthmes est bien contrôlée par les traitements. Mais dans environ 5% des cas, des formes sévères persistent. Les chercheurs tentent de mieux comprendre ces formes. 

Ces travaux ont permis de constater qu’il existe des sous-groupes de patients dont la maladie présente des caractéristiques différentes et sont en train de conduire à une stratification des asthmes et au développement de traitements ciblés. L’arrivée du traitement par anti-IgE a ouvert la voie à cette nouvelle approche de médecine personnalisée. 

Il existe des cohortes de patients asthmatiques, au sein desquels des sous-groupes sont constitués selon les caractéristiques de la maladie (allergies ou non, types de manifestations, obésité associée, présence ou non d’une hyperéosinophilie…). C’est le cas de la cohorte européenne U‑BIOPRED qui permet la recherche de biomarqueurs associés aux exacerbations, ou encore l’étude de la réponse aux traitements. 

Il apparaît qu’il existe au moins deux grands groupes d’asthmes sévères : 

  • Les asthmes allergiques (présence d’IgE spécifiques) avec surproduction de cytokines Th2 (IL‑4, IL‑5, IL-13) dans les voies aériennes. Ces cytokines provoquent l’éosinophilie et participent au remodelage des bronches. Pour ces patients, des biothérapies à base d’anticorps spécifiques contre IL‑4, IL‑5 et IL-13 sont envisagées. Un anticorps anti-IL‑5 est par exemple en cours de développement chez les patients présentant une hyperéosinophilie.
  • Il existe par ailleurs des patients chez qui les cytokines Th2 ne sont pas activées dans les voies aériennes et qui répondent mal aux corticoïdes. Ces personnes peuvent présenter des IgE spécifiques et une éosinophilie, mais faisant appel à des processus inflammatoires différents. Les chercheurs ont identifié au moins quinze sous-groupes de patients exprimant des facteurs d’inflammation différents, par exemple Th17. Certains sont sous représentés dans la population d’asthmatiques et forment quasiment des sous-groupes orphelins. Pour les patients « Th2– », la recherche thérapeutique est moins avancée, avec aucune biothérapie en développement à ce jour. 

Cette stratification nécessite par ailleurs le développement de modèles animaux représentatifs des différentes formes d’asthme chez l’homme, pour étudier les mécanismes et tester des médicaments ciblés. 

D’autres approches en développement

Les chercheurs travaillent également à l’immunothérapie spécifique des patients allergiques. Cette intervention est déjà possible par l’exposition du patient à des extraits protéiques, mais les chercheurs tentent d’améliorer la spécificité de la désensibilisation. Ils explorent également la piste de la vaccination préventive pour les sujets allergiques à risque d’asthme. Celle-ci consiste à injecter en intramusculaire de l’ADN de la substance allergisante, pour éduquer le système immunitaire à la tolérer. Chez la souris, l’injection réduit l’hypersensibilité à l’allergène et l’inflammation.

Etat de la recherche : Un vaccin contre l’asthme – Interview – 3 min 11 – vidéo extraite de la plateforme Corpus 

La thermoplastie est un autre traitement en développement. Elle consiste à brûler les muscles lisses bronchiques par radiofréquence, au rythme de trois séances à trois semaines d’intervalle. Les résultats sont prometteurs chez les patients dont les muscles bronchiques sont remodelés et qui présentent des exacerbations sévères. 

Les chercheurs continuent par ailleurs à étudier les facteurs de risque de survenue et d’évolution de la maladie grâce à des cohortes comme COBRA, composée de patients asthmatiques et d’autres atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive suivis sur 10 ans. La cohorte ELFE, composée d’enfants qui seront suivis jusqu’à l’âge adulte, intègre également un axe respiratoire. 

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