Asthme : Portraits-robots des personnes à risque

L’analyse des combinaisons de près d’une centaine de facteurs auxquels 21 000 individus ont été exposés depuis leur conception a permis de mettre en évidence quatre profils types associés à une incidence plus élevée de l’asthme. Un premier pas vers l’exploitation de « l’approche exposome » pour mieux cibler les actions de prévention de cette maladie respiratoire.

De nombreuses études décrivent des liens entre différents paramètres de l’environnement, de la petite enfance, des habitudes de vie ou encore du cadre social, et le risque de développer un asthme. Cependant, on connaît mal la façon dont ces différents facteurs interagissent les uns avec les autres. Or tout laisse à penser que la combinaison de certains d’entre eux accroît encore davantage le risque de survenue de cette inflammation chronique des bronches. C’est pourquoi une équipe de scientifiques s’est penchée sur une large base de données relatives à l’environnement et au statut asthmatique de milliers de volontaires. L’exploitation de ces informations leur a permis de décrire quatre profils types associés à un surrisque d’asthme, principalement caractérisés par des événements de la petite enfance et des facteurs relatifs à l’hygiène de vie.

L’étude de l’exposome, c’est-à-dire l’ensemble des expositions auxquelles un individu est soumis tout au long de sa vie, est une approche statistique utilisée depuis une dizaine d’années, fondée sur l’exploitation des big data. « Depuis notre conception, nous sommes continuellement exposés à de multiples facteurs qui peuvent favoriser la survenue de maladies, par exemple l’asthme. Ces facteurs peuvent interagir entre eux et/ou avoir des effets synergiques, explique Valérie Siroux, qui a dirigé ce travail. Au cours de cette étude, nous avons analysé 87 paramètres d’exposition aussi variés que le fait d’avoir été allaité, d’avoir grandi en milieu rural, de vivre en zone polluée ou de fumer actuellement. Nous avons ainsi identifié des groupes de patients, homogènes en matière de profil d’exposition, chez lesquels l’asthme est plus fréquent que dans les autres groupes. » Ce type d’étude est particulièrement utile dans un but préventif : « Afin de réduire le risque de développer un asthme, il est important de connaître les facteurs qui, combinés, nous rendent particulièrement à risque. À terme, ces données peuvent aider les pouvoirs publics à mieux orienter des actions de prévention. » L’enjeu est important car la prévalence de cette affection respiratoire a beaucoup augmenté au cours des dernières décennies dans la plupart des pays industrialisés.

Trois profils d’expositions précoces et un plus tardif

Pour conduire ce travail, les chercheurs ont utilisé les données de l’étude NutriNet-Santé, conduite depuis 2009 auprès de plusieurs centaines de milliers d’internautes. « Il s’agit d’une étude qui vise au départ à comprendre les liens entre alimentation, activité physique et santé. Mais la richesse et la diversité des informations recueillies auprès des participants offrent une porte d’entrée intéressante pour une analyse d’exposome », poursuit Valérie Siroux. Avec son équipe, elle a étudié les données d’environ 21 000 participants qui avaient répondu à des questions concernant leur situation socioéconomique, leur environnement de vie actuel et durant la petite enfance, ainsi que leurs habitudes de vie (alimentation, tabac, indice de masse corporelle). Ils avaient aussi indiqué s’ils avaient des symptômes ou un diagnostic d’asthme.

L’analyse de cet ensemble d’informations et le rapprochement de différents paramètres a permis d’identifier trois profils types d’expositions précoces à risque :

  • avoir été soumis à un tabagisme passif important au cours de la petite enfance, plus que la moyenne, et avoir vécu avec des chiens ;
  • avoir des paramètres de naissance défavorables (naissance prématurée et/ou par césarienne) puis avoir été gardé en crèche en milieu urbain ;
  • appartenir à une fratrie d’au moins 3 enfants et avoir été allaité.

Concernant les expositions plus tardives, un dernier groupe de personnes, caractérisées par une alimentation plus déséquilibrée que la moyenne, un tabagisme plus élevé et qui étaient plus souvent en surpoids, montrait aussi un surrisque d’asthme.

De telles analyses aident aussi à hiérarchiser les risques : par exemple, il est apparu que les personnes qui ont une alimentation déséquilibrée et un indice de masse corporelle (IMC) normal ont un léger surrisque d’asthme, moins important que celui observé chez celles dont l’alimentation est comparable mais dont l’IMC est plus élevé.

« Cette étude est l’une des premières mises en œuvre de “l’approche exposome” en santé respiratoire. Nous devons poursuivre nos travaux car, si nous avons décrit l’association entre certains profils et le risque d’asthme, nous ne pouvons en conclure qu’il existe des relations de cause à effet. Nous allons donc mener de nouvelles analyses pour évaluer l’existence de liens de causalité. Si c’est le cas, on pourra imaginer le développement de programmes de prévention de la maladie qui seront mieux ciblés. » Parallèlement, la richesse des données de l’étude NutriNet-Santé pourra être exploitée pour savoir si les profils types d’expositions identifiés ici peuvent être associés à d’autres maladies.


Valérie Siroux est co-responsable de l’équipe Épidémiologie environnement appliquée au développement et la santé respiratoire à l’Institut pour l’avancée des biosciences de Grenoble (unité 1209 Inserm/CNRS/Université Grenoble-Alpes).


Source : A Guillien et coll. Exposome Profiles and Asthma Among French Adults. Am J Respir Crit Care Med du 11 juillet 2022. DOI : 10.1164/rccm.202205–0865OC

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