Ennemis invisibles – C’est quoi les mycotoxines ?

Lorsqu’on parle de champignons toxiques, l’image qui vient à l’esprit est généralement celle d’une amanite dotée d’un chapeau rouge à pois blancs. Mais comme souvent, nos véritables ennemis sont plutôt ceux que l’on ne voit pas : des champignons microscopiques qui produisent et répandent dans leur environnement des substances nommées « mycotoxines », dangereuses pour notre santé.

Certains champignons microscopiques font notre bonheur car ils permettent la fabrication de pain, de fromages, de boissons alcoolisées ou encore de charcuteries. Mais d’autres posent de sérieux problèmes. C’est notamment le cas de moisissures qui se développent dans les cultures ou sur les récoltes et produisent des composés toxiques : les mycotoxines. Ces substances contaminent de nombreuses denrées alimentaires (céréales, fruits secs, épices…) et sont malheureusement extrêmement stables et résistantes aux procédés de transformations utilisés par l’industrie agroalimentaire. Dès lors, nous nous y exposons en consommant des végétaux contaminés, mais aussi le lait ou la viande d’animaux qui ont eux-mêmes été nourris avec des aliments qui en contenaient.

Or cette exposition est loin d’être anodine. Aflatoxine, ochratoxine A, déoxynivalénol, patuline… parmi les mycotoxines les plus répandues, une douzaine a déjà attiré l’attention en raison de leurs graves effets sur la santé. Il peut s’agir de symptômes qui se déclenchent rapidement après la consommation des produits contaminés, comme d’effets à plus long terme. Ainsi, l’aflatoxine peut provoquer des intoxications aiguës potentiellement mortelles, mais aussi des cancers du foie en cas d’exposition chronique. D’autres mycotoxines peuvent altérer le fonctionnement de notre système immunitaire et augmenter notre sensibilité aux infections. Certaines peuvent s’attaquer à la barrière intestinale, se diffuser dans l’organisme et faciliter le passage à d’autres contaminants et microbes. Elles induisent ainsi une augmentation de la sensibilité aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et aux infections intestinales. Autre problème, sachant qu’un champignon peut produire plusieurs mycotoxines et qu’un aliment peut être contaminé par plusieurs champignons et d’autres substances problématiques, notre alimentation nous expose à de sacrés mélanges ! Or combinées entre elles, certaines molécules voient leurs effets nocifs s’amplifier : c’est ce que les toxicologues appellent « l’effet cocktail ».

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, plus de 500 millions de personnes dans le monde seraient exposées à des niveaux dangereux de mycotoxines, principalement en Afrique subsaharienne où les conditions climatiques et les pratiques agricoles favorisent la croissance des moisissures. En Europe et en Amérique du Nord, des systèmes de surveillances associés à des réglementations strictes limitent la présence de ces substances dans les aliments. Néanmoins, l’exposition des Français n’est pas nulle : entre 2014 et 2016, près de la moitié des participants à une étude conduite par Santé publique France ont été exposés à l’ochratoxine A, une mycotoxine classée comme « peut-être cancérigène » par le Centre international de recherche sur le cancer.

Pour lutter contre ces toxines fongiques, il faut évidemment continuer à les étudier afin de mieux comprendre leurs effets sur notre organisme. Mais il est surtout important d’agir sur les pratiques agricoles et les conditions de stockage, de façon à limiter la contamination des aliments. C’est d’autant plus important que le changement climatique produit des conditions particulièrement favorables aux moisissures, avec une alternance de sécheresses et de fortes précipitations.

Envie d’en savoir plus au sujet des champignons et de leurs effets – bons ou mauvais – sur notre santé ?

À lire aussi

© AdobeStock