Contaminants de l’alimentation : à quels cocktails les femmes enceintes sont-elles exposées ?

L’alimentation expose les femmes enceintes à de nombreux contaminants : pesticides, furanes, métaux lourds, additifs... Afin d’être en mesure étudier leur effet « cocktail » sur le développement fœtal, une équipe Inserm a collaboré avec l’Anses pour développer une méthodologie qui a permis d’identifier huit cocktails types ainsi que leur composition.

Étudier l’exposition des femmes enceintes aux cocktails de substances, et non plus à chaque substance prise isolément, pour en évaluer les effets sur le développement fœtal : tel est désormais l’objectif de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), assistée de chercheurs d’une unité Inserm*. 

Au cours de ces dernières années, de nombreux travaux ont porté sur l’impact de certains perturbateurs endocriniens, pesticides ou encore métaux lourds. Seulement, les individus ne sont pas exposés à une seule de ces substances étudiées, mais à des dizaines en même temps. Pour chaque substance, les doses peuvent être très faibles, inférieures à celles recommandées par les autorités de santé, mais au final elles se cumulent dans l’organisme. Et surtout, ces mélanges impliquent des interactions entre les différentes molécules et l’organisme. Des interactions qui peuvent entraîner une potentialisation d’effets négatifs. C’est ce qu’il faut vérifier ! 

Huit cocktails de 25 substances

L’Anses a donc collaboré avec l’Inserm pour développer une méthodologie permettant d’identifier huit cocktails de 25 substances auxquels sont exposées les femmes enceintes à travers leur alimentation, en France. Pour cela, les chercheurs ont utilisé les données d’habitudes alimentaires fournies par des femmes enceintes incluses dans deux cohortes Inserm, Eden (2003–2006) et Elfe (2011), ainsi que les données de l’étude EAT2 (Etude de l’alimentation totale). Cette étude Anses indique les concentrations moyennes de 441 contaminants (additifs alimentaires, polluants environnementaux, résidus de pesticides, mycotoxines, phytoestrogènes, acrylamide, métaux lourds, etc.) dans 212 aliments types, selon leur mode de préparation (viande crue vs viande cuite par exemple). L’un des cocktails identifiés est plus riche en pesticides, un autre en furanes, etc. Et des substances sont bien sur communes aux différents mélanges. Les auteurs ont été surpris de constater à quel point certains aliments sont contributeurs en contaminants par rapport aux autres, comme la pomme en raison de sa fréquence de consommation et de son imprégnation de pesticides, ou encore le poisson. 

Quel impact sur la santé des fœtus ?

L’objectif est maintenant de corréler l’exposition à ces mélanges avec les données de croissance et de développement fœtal chez ces femmes. Un travail en cours au sein du laboratoire de Marie-Aline Charles* : « Réussir à distinguer différentes mixtures auxquelles sont exposées les femmes enceintes était la première étape, clarifie la chercheuse. Reste à vérifier leur innocuité ou au contraire à établir des liens avec la santé des fœtus. Ce travail est extrêmement complexe car il faut systématiquement vérifier que c’est le cocktail de contaminants qui est en cause et non pas les nutriments apportés par les aliments les plus contributeurs à ce cocktail. En outre, il faut prendre en compte le bénéfice escompté de ces aliments – par exemple la richesse en fibres et vitamines des pommes – pour évaluer de façon fiable leur effet sur la santé », explique-t-elle. 

En attendant d’en savoir plus, la méthodologie développée dans cette étude peut désormais être utilisée par d’autres équipes pour conduire le même type d’étude sur d’autres populations. « Il était intéressant de travailler en priorité chez la femme enceinte car les fœtus en développement sont plus sensibles aux contaminants. Mais l’alimentation de ces femmes est généralement modifiée, pour tenir compte de risques infectieux notamment. Ainsi, elles consomment souvent moins de fromages à pâtes crues, de fruits de mer et à l’inverse plus de produits laitiers par exemple. Les mélanges de substances qu’on pourrait identifier en population générale seraient certainement différents », souligne la chercheuse. 

Note

*unité 1153 Inserm/Université Denis Diderot/Université Paris Nord/Inra, équipe ORCHAD, Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité, Paris 

Source

T. Traoré et coll. To which mixtures are French pregnant women mainly exposed ? A combination of the second French total diet study with the EDEN and ELFE cohort studies. Food Chem Toxicol, édition en ligne du 11 novembre 2017