Polluants organiques persistants : une exposition généralisée qui tend à diminuer

Un bilan de l’exposition des adultes aux polluants organiques persistants en France vient d’être dressé par des scientifiques du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) à Villejuif. Possiblement dangereuse pour la santé, cette exposition est massive, bien qu’elle tende à diminuer depuis l’adoption de politiques publiques restreignant leur usage. Ce travail décrit par ailleurs un certain nombre de facteurs associés à une exposition plus importante à différentes substances.

Les polluants organiques persistants (POP) constituent un groupe hétérogène de substances chimiques utilisées à des fins industrielles ou commerciales. Un grand nombre d’entre elles entrent dans la composition de plastiques, objets électroniques, peintures, textiles... D’autres sont notamment utilisées en agriculture. Toutes ont en commun de se dégrader très lentement dans l’environnement – sur plusieurs dizaines, centaines, voire milliers d’années –, d’être largement répandues en raison de leur mobilité sur de longues distances et de s’accumuler dans les tissus adipeux des organismes vivants, entraînant un effet d’amplification tout au long de la chaîne alimentaire. L’alimentation représente d’ailleurs la principale source d’exposition, mais l’air et le contact avec certains produits qui en contiennent y contribuent également. Or, ces substances représentent un danger potentiel pour la santé. Elles peuvent perturber les systèmes hormonaux, induire un stress oxydatif ou une inflammation, de sorte que l’exposition aux POP peut provoquer des cancers, des troubles de la reproduction ou encore des maladies cardiovasculaires et métaboliques. Pour réduire les niveaux d’exposition, un traité international – la convention de Stockholm – a été signé en 2001 : il vise à réduire la production, l’utilisation et le rejet dans la nature de ces polluants. Plusieurs classes de substances sont concernées : les pesticides organochlorés, les biphényles polychlorés (PCB) interdits en France depuis 1987, les éthers diphényliques polybromés (PBDE), ou encore les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS).

Pour enrichir les données sur les niveaux d’exposition aux POP en population générale, le groupe de Francesca Mancini, chercheuse Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP)à Villejuif, en a mesuré un certain nombre chez plus de 450 participantes de la cohorte E3N Générations. Cette cohorte inclut environ 100 000 femmes recrutées en 1990 et toujours suivies. Les chercheurs ont analysé des échantillons sanguins qui avaient été collectés auprès de ces femmes entre 1994 et 1999, conservés congelés dans une biobanque depuis lors. Dans un second temps, l’équipe a comparé les résultats de ces analyses avec ceux obtenus par d’autres équipes à partir d’échantillons plus récents, collectés chez des femmes adultes au cours de l’Étude nationale nutrition santé menée en 2006–2007 et de l’étude Esteban réalisée entre 2014 et 2016, toutes deux coordonnées par Santé publique France.

Une exposition généralisée

Soixante-treize POP ont été quantifiés dans 468 échantillons issus de la cohorte E3N. Parmi les substances étudiées, 41 ont été retrouvées à des seuils significatifs chez plus de trois quarts des participantes. Les taux mesurés étaient toutefois le plus souvent à la baisse dans les échantillons plus récents. « Cette tendance globale est encourageante et marque un recul des niveaux d’exposition en France suite aux différentes mesures de protection prises par les pouvoirs publics. Toutefois il faut être très prudent sur l’interprétation fine des résultats, car les méthodes d’analyse ne sont pas identiques d’une étude à une autre et les substances mesurées ne sont pas toujours les mêmes. En outre, certains produits de substitution à des POP désormais interdits n’ont pas été mesurés dans ces études : leur quantité dans le sang des Français pourraient avoir augmenté au cours des 10 à 20 dernières années », prévient Francesca Mancini.

Des profils d’exposition

Le travail effectué à partir de la cohorte E3N Générations a par ailleurs permis de retrouver six profils d’exposition plus élevée à certains POP : un profil associé à une exposition plus forte aux PCB et aux nonachlores, un autre pour les pesticides organochlorés et certains PCB, un troisième pour les PFAS, ou encore un pour l’exposition aux PBDE... « Des facteurs individuels, socio-démographiques et d’habitudes de vie sont associés à ces différents profils », explique Francesca Mancini. L’équipe a par exemple mis en évidence le rôle important de l’alimentation et en particulier de la consommation de fruits et légumes, de poisson ou encore de charcuterie dans certains des profils cités plus haut. Le lieu de résidence, l’âge ou les variations de poids corporel (en raison de l’accumulation de certaines substances dans le tissu adipeux) entrent également en ligne de compte.

« Cette étude décrit pour la première fois le niveau d’exposition à un grand nombre de POP chez les adultes en France dans les années 1990. Et elle permet de faire une première description de l’évolution de cette exposition au cours des 20 ans qui ont suivi, conclut Francesca Mancini. Ce travail rappelle aussi l’importance de la participation des Français aux cohortes nationales pour poursuivre la biosurveillance et l’utilité d’évaluer l’impact de ces expositions sur la santé », insiste-t-elle. À partir des données de la cohorte E3N Générations, l’équipe publiera d’ici quelques mois des résultats sur ce sujet, associant les profils d’exposition à de possibles problèmes de santé. À suivre…


Francesca Romana Mancini est chercheuse Inserm dans l’équipe Exposome et hérédité au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (unité 1018 Inserm/UVSQ/Université Paris-Saclay), Villejuif.


Source : P. Frenoy et coll. Blood levels of persistent organic pollutants among women in France in the 90’s : main profiles and individual determinants. Environ Res, 20 juin 2024 ; doi :10.1016/j.envres.2024.119468

Autrice : A. R.

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