Vaccins et vaccinations

Un bénéfice individuel et collectif

La vaccination consiste à protéger un individu contre une maladie en stimulant son système immunitaire. Les vaccins préventifs permettent de prévenir l’apparition d’une maladie d’origine infectieuse ou de limiter sa sévérité. Les vaccins thérapeutiques permettent quant à eux d’aider le patient à lutter contre une maladie en cours, par exemple un cancer. La recherche vaccinale vise non seulement à développer de nouveaux vaccins, mais aussi à améliorer le confort, la tolérance et l’efficacité des vaccins déjà existants.

Dossier réalisé en collaboration avec Odile Launay, professeur en maladies infectieuses à l’Université Paris-Cité, coordinatrice du Centre d’investigation clinique Cochin-Pasteur (Hôpital Cochin, Paris) et du Réseau national de recherche clinique en vaccinologie (I‑REIVAC).

Comprendre les vaccins et la vaccination

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les vaccinations sauvent la vie de 2 millions de personnes chaque année dans le monde. Des campagnes de vaccination permettent de lutter contre la circulation d’un agent infectieux dans la population, à l’échelle régionale ou mondiale. Des campagnes internationales ont permis l’éradication de la variole, une baisse de 99 % des cas de poliomyélite depuis 1988, et de 73 % des cas de rougeole entre 2000 et 2018. En France, grâce au vaccin, l’incidence des oreillons est passée de 859 à 6 cas pour 100 000 habitants entre 1986 et 2017. 

Mais des maladies continuent de sévir à travers le monde alors que des vaccins qui permettent de s’en protéger existent. Ainsi, 140 000 décès liés à la rougeole ont encore été enregistrés dans le monde en 2018, principalement chez des enfants de moins de 5 ans dans les pays à faible niveau de revenu. Autre exemple : 24,1 millions de cas de coqueluche ont été recensés en 2014, entraînant plus de 160 000 décès chez des enfants de moins de 5 ans. Seul le maintien d’une bonne couverture vaccinale, c’est-à-dire d’un taux élevé de personnes vaccinées au sein de la population, permet de tenir ces maladies à distance

La vaccination est bénéfique sur le plan individuel − en protégeant chaque personne vaccinée − et sur le plan collectif − en diminuant la propagation d’une maladie. Elle présente un intérêt pour la santé publique, en évitant des complications liées aux maladies concernées, mais aussi économique, en diminuant le recours aux soins, les hospitalisations, les handicaps ou encore les absences de travail... 

Comment fonctionne un vaccin préventif ?

Une vaccination préventive consiste à administrer à une personne en bonne santé, une forme atténuée ou inactivée d’un agent infectieux, ou bien certains de ses composants, ou encore du matériel génétique qui code pour un de ses composants. L’objectif est de déclencher une réaction immunitaire suffisante pour protéger l’individu vacciné contre les formes sévères d’une maladie (et réduire ainsi son risque d’hospitalisation et la mortalité associées à l’infection), voire lui éviter une infection ultérieure. La vaccination permet en effet de développer des cellules immunitaires « mémoires », capables de reconnaître immédiatement l’agent pathogène s’il venait à contaminer la personne par la suite.

Concrètement, le principe actif du vaccin (microbe atténué/inactivé ou éléments microbiens) est capté par des cellules du système immunitaire dites « présentatrices d’antigène », directement sur le site d’injection. Ces cellules migrent ensuite vers le ganglion lymphatique le plus proche pour présenter les antigènes vaccinaux aux lymphocytes T CD4. Dans les heures qui suivent, ces derniers activent les lymphocytes T CD8 « tueurs » et les lymphocytes B producteurs d’anticorps spécifiques de l’agent infectieux ciblé par le vaccin. Des lymphocytes T et B mémoires ainsi que des anticorps spécifiques persistent ensuite plusieurs années dans l’organisme : ils protègent contre une éventuelle future infection par le pathogène ciblé. 

Vaccination préventive, comment ça marche ? Télécharger l’infographie du magazine Science&Santé N°24 (mars/avril 2015)

Au cœur des organes : La mémoire immunitaire – animation pédagogique – 3 min 49 – vidéo extraite de la plateforme Corpus (2014)

Certains vaccins conduisent au développement d’une réponse immunitaire efficace au niveau du site d’infection. Ils bloquent l’entrée de l’agent infectieux dans l’organisme et empêchent ainsi la contamination. Ils freinent efficacement la chaîne de transmission de l’infection. C’est par exemple le cas du vaccin contre le rotavirus, qui induit la production d’anticorps au niveau de la muqueuse intestinale. D’autres vaccins permettent seulement de limiter le risque de maladie sévère si l’agent infectieux contamine l’organisme. Ainsi, les vaccins contre la Covid-19 actuellement disponibles limitent le risque de contamination par les nouveaux variants, sans l’empêcher, mais ils réduisent efficacement le risque de forme sévère de l’infection. 

L’efficacité vaccinale est très variable d’un vaccin à un autre. Elle dépend du microorganisme ciblé, de la technologie vaccinale utilisée et de facteurs personnels (efficacité du système immunitaire, âge...)

À quoi sert un rappel ?

Un rappel vaccinal est une injection supplémentaire de vaccin, destinée à stimuler une nouvelle fois la réponse immunitaire induite par une vaccination si elle diminue en efficacité au cours du temps et ne garantit plus un niveau de protection suffisant. Un ou plusieurs rappels sont nécessaires pour la grande majorité des vaccins, à l’exception de ceux dits « vivants » qui déclenchent une réponse immunitaire forte et durable (voir plus loin). Le nombre de rappels nécessaires et leur temporalité sont déterminés lors d’essais cliniques et grâce au suivi des populations vaccinées « en vie réelle » (étude de phase 4). Comme l’efficacité des vaccins, la nécessité de rappels dépend du microorganisme ciblé, de la technologie vaccinale utilisée et de facteurs personnels (efficacité du système immunitaire, âge...). Par exemple, pour rester efficacement protégé contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, des rappels vaccinaux sont recommandés tous les 10 à 20 ans. Pour la grippe, c’est chaque année, non seulement pour s’adapter aux nouvelles souches virales en circulation, mais aussi en raison de la durée courte de la réponse immunitaire induite par ce vaccin.


Le vaccin thérapeutique : une forme de l’immunothérapie 

Un vaccin thérapeutique n’est pas destiné à protéger un individu contre une infection, mais à l’aider à lutter contre une maladie en stimulant son système immunitaire. La méthode consiste à injecter un facteur capable de déverrouiller le système immunitaire grippé par des mécanismes de la maladie. Ce facteur peut être constitué par des antigènes microbiens ou tumoraux, des cellules immunitaires modifiées ou encore des molécules qui facilitent la tâche du système immunitaire.

Cette approche thérapeutique connaît un véritable engouement en cancérologie, avec un premier vaccin autorisé aux États-Unis contre le cancer de la prostate : Sipuleucel‑T. Des cellules dendritiques (qui présentent l’antigène tumoral aux lymphocytes T) obtenues à partir de cellules souches sanguines du patient sont génétiquement modifiées pour mieux stimuler les lymphocytes T, puis réinjectées dans l’organisme du patient. Beaucoup d’autres vaccins contre différents types de tumeurs sont en développement : pour en savoir plus, consulter le dossier Immunothérapie des cancers.

Des essais ont également lieu en infectiologie, notamment pour lutter contre l’infection chronique par le virus du sida (VIH). Dans ce cas, l’objectif est de maintenir durablement la charge virale des patients au plus bas niveau possible, en stimulant leur système immunitaire contre les cellules qui hébergent le virus. 


De quoi est composé un vaccin ?

Si les vaccins ont longtemps été conçus de manière empirique, les progrès de la biologie cellulaire et moléculaire permettent aujourd’hui d’identifier les sous-unités des agents infectieux suffisants pour provoquer une réponse efficace et spécifique de notre système immunitaire. Grâce à ces nouvelles connaissances, il est possible d’améliorer l’efficacité des vaccins et de limiter leurs effets secondaires. 

Les grandes familles de vaccins

  1. Les vaccins vivants atténués contiennent des agents pathogènes vivants, mais dont la virulence a été atténuée par leur mise en culture dans des conditions particulières (au froid par exemple). Ces vaccins provoquent une infection avec peu ou pas de symptômes. C’est le cas des vaccins contre la tuberculose (BCG), la varicelle ou encore le trio rougeole-oreillons-rubéole (ROR). Ces vaccins offrent une protection de longue durée après une ou deux injections. Leur immunogénicité, c’est-à-dire leur potentiel à provoquer une réponse immunitaire, est excellente, proche de celle du pathogène virulent. Néanmoins le risque infectieux de ces vaccins n’est pas nul. De ce fait, ils ne doivent pas être administrés à des personnes qui présentent un déficit immunitaire ou encore aux femmes enceintes. Par ailleurs, il n’est pas toujours possible d’atténuer la virulence d’un microbe tout en lui conservant des propriétés immunogènes : ce principe ne peut donc pas être décliné pour tous les agents infectieux contre lesquels on voudrait développer un vaccin.
  2. Les vaccins inactivés renferment des microbes entiers qui ont été tués par la chaleur ou des traitements chimiques. C’est par exemple le cas d’un vaccin injectable contre la poliomyélite. Ces vaccins ne présentent aucun risque infectieux, mais ils sont souvent responsables de réactions importantes (douleurs, rougeur et gonflement au point d’injection, fièvre, douleurs musculaires et articulaires).
  3. Les vaccins sous-unitaires contiennent des fragments de microbe purifiés, nécessaires et suffisants pour apprendre au système immunitaire à reconnaître le germe entier. Entrent dans cette catégorie des vaccins contre les infections à pneumocoques et à méningocoques, ou encore contre la coqueluche. D’autres vaccins sous-unitaires contiennent les toxines d’origine bactérienne, traitées par la chaleur ou chimiquement pour ne plus être toxiques (anatoxines). C’est le cas des vaccins contre le tétanos et la diphtérie. Les vaccins sous-unitaires ne présentent pas de risques infectieux et sont mieux tolérés que les vaccins inactivés. Mais leur capacité à induire une réponse immunitaire peut être faible (vaccins peu immunogènes). Ils nécessitent donc plusieurs injections suivies de rappels pour obtenir une immunisation à long terme, ainsi que l’ajout d’adjuvants qui permettent d’améliorer la réponse immunitaire induite (voir plus loin).
  4. Les vaccins à ARN messager (ARNm), dont les deux premiers ont été commercialisés fin 2020 pour lutter contre la Covid-19, ont pour objectif de faire transitoirement produire une protéine de l’agent infectieux ciblé (un « antigène ») par des cellules de la personne vaccinée. Pour cela, on administre l’ARNm correspondant. Dans le cas de la vaccination anti-Covid, il s’agit de l’ARNm codant pour la protéine Spike qui permet au virus SARS-CoV2 d’entrer dans nos cellules. Les cellules dans lesquelles l’ARNm pénètre (au site d’injection) fabriquent cette protéine et la « présentent » à leur surface. Le système immunitaire la reconnaît comme si elle était portée par le virus lui-même et active les mécanismes de défense et la réponse mémoire. Suite à cela, les cellules qui ont reçu l’ARNm sont rapidement détruites, et l’ARNm vaccinal avec. Ce mécanisme est donc très transitoire. Par rapport aux vaccins traditionnels, l’avantage de cette approche est la facilité de production d’un ARNm : pas besoin de cultiver des germes potentiellement dangereux et de purifier certains de leurs composants, deux processus complexes et coûteux nécessaires à la production des vaccins classiques. En outre, en plus de coder pour un antigène, les molécules d’ARN stimulent l’immunité innée : ainsi, il n’est pas nécessaire d’ajouter un adjuvant à la préparation vaccinale. Ces vaccins présentent néanmoins des inconvénients. Les ARNm sont des molécules particulièrement fragiles : pour éviter leur dégradation, ils doivent être conservés à température ultra basse. Les chercheurs travaillent actuellement sur de nouveaux modes de conservation moins contraignants, par exemple avec la lyophilisation. Par ailleurs, ces molécules sont incapables de franchir la membrane des cellules pour y être traduites en protéine. Pour faciliter leur internalisation dans les cellules, les ARNm doivent donc « transportés » par des particules lipidiques.
  5. Les vaccins chimériques : Dans cette technique vaccinale, des gènes du microorganisme contre lequel on veut induire une réponse immunitaire sont insérés dans le génome d’une souche vaccinale efficace, déjà utilisée en routine. C’est l’approche qui a été employée pour développer le vaccin contre la dengue, à partir du cœur du vaccin contre la fièvre jaune.
  6. Les vaccins vectorisés : Leur conception passe par l’introduction du matériel génétique de l’agent infectieux ciblé dans des vecteurs viraux, c’est-à-dire dans des virus sans danger pour l’humain, mais capables d’infecter nos cellules pour y délivrer leur contenu (le plus souvent des adénovirus). Ce système permet de faire exprimer des protéines virales par nos propres cellules, qui sont alors reconnues par le système immunitaire (un peu comme avec les vaccins à ARNm). Il existe actuellement des vaccins vectorisés contre la Covid-19 et contre Ébola.
C’est quoi un vaccin – Interview – 1 min 04 – vidéo extraite de la série C’est quoi (2013)
Vaccins monovalents, multivalents et vaccins combinés

Il existe des vaccins monovalents et multi/polyvalents. Les premiers immunisent contre un seul agent pathogène, alors que les seconds immunisent contre plusieurs sous-types d’un même virus ou d’une bactérie. C’est le cas des vaccins contre les infections à pneumocoques Prevenar 13® et Pneumo 23® qui contiennent des antigènes de plusieurs sous-types de pneumocoques, immunisant ainsi respectivement contre 13 et 23 sérotypes différents. 

Il existe également des vaccins combinés (ou en association) qui renferment des antigènes de différents agents infectieux. Par exemple, le vaccin ROR protège contre la rougeole, la rubéole et les oreillons. 

Et quoi d’autre ?

En plus du/des antigène(s) microbien(s) qui en constitue(nt) le principe actif, un vaccin contient : 

  • des stabilisateurs, qui garantissent le maintien de la qualité du vaccin après sa production. Ils empêchent la dégradation de l’agent pathogène ou de ses fragments, empêchent leur adhésion aux parois du flacon... Il s’agit le plus souvent de sucres (lactose, saccharose), d’acides aminés (glycine) ou de protéines (albumine, gélatine).
  • des conservateurs, qui préviennent la prolifération bactérienne ou fongique.
  • un diluant, le plus souvent de l’eau ou une solution saline stérile, pour diluer le vaccin avant son administration.
  • et, le plus souvent sauf pour les vaccins vivants atténués, un adjuvant utilisé pour augmenter la réponse immunitaire contre l’antigène microbien.

Le rôle de l’adjuvant

Il existe deux sortes de réponses immunitaires. L’une est dite « innée » : elle est locale et rapide, mais elle n’est pas spécifique de l’agent infectieux à éliminer. La seconde, qui dépend de l’activation de la première, est plus lente à se mettre en marche. Mais elle est plus efficace et, surtout, spécifique du pathogène « repéré ». C’est cette seconde forme d’immunité, dite adaptative ou spécifique, qui est sollicitée par la vaccination. Elle est en effet la seule qui permet d’obtenir des cellules immunitaires qui gardent l’agent pathogène en mémoire pendant plusieurs années. Les adjuvants stimulent la réponse immunitaire innée nécessaire à l’activation de la réponse spécifique dont dépend le succès de la vaccination. Les vaccins vivants et les vaccins à ARNm sont très immunogènes et se passent d’adjuvant. Mais la plupart des autres vaccins ne provoquent pas de réponse innée suffisante, d’où la nécessité d’ajouter un adjuvant.

Les adjuvants peuvent en outre permettre de limiter les doses d’antigènes à administrer, de réduire le nombre d’injections nécessaires pour une bonne immunisation, ou encore de renforcer la réponse immunitaire chez les faibles répondeurs (personnes immunodéprimées, âgées…). 

Compte tenu de nombreuses données en faveur de leur sécurité les adjuvants les plus utilisés sont les sels d’aluminium. Mais depuis les années 90, de nouveaux adjuvants ont vu le jour : le squalène (précurseur des stéroïdes), des dérivés bactériens ou encore des vésicules artificielles composées de lipides et qui incluent ou non des protéines virales (liposomes et virosomes). Ils sont développés pour les situations où l’aluminium n’est pas efficace (par exemple dans le vaccin contre la grippe) ou pour augmenter encore l’effet de l’aluminium (par exemple dans l’un des vaccins contre le papillomavirus). Parmi les vaccins disponibles en France, 26 ne contiennent pas d’adjuvant, 30 en contiennent. 


L’adjuvant à base d’aluminium en questions

Des réticences vaccinales se fondent sur la présence d’adjuvant à base de sels d’aluminium dans certains vaccins. Utilisés depuis les années 20, ces sels sont en effet associés à des cas rarissimes de myofasciite à macrophages chez des adultes. Cette maladie est caractérisée par des lésions du muscle, associées à une infiltration de macrophages imprégnés d’aluminium. Les personnes atteintes peuvent souffrir de douleurs, d’une faiblesse, de fatigue et de troubles neurologiques. En France, environ 500 cas de myofasciite à macrophages ont été reconnus par le centre de référence à Nancy depuis 2002. Les causes de la maladie sont mal connues et les chercheurs suspectent une prédisposition génétique qui empêcherait l’élimination naturelle de l’aluminium chez les personnes touchées.


Des effets indésirables potentiels

Comme tout produit de santé, un vaccin est susceptible d’induire des effets indésirables. Ces derniers surviennent généralement dans les deux semaines suivant la vaccination, ou plus rarement deux à trois mois après. Légers à modérés dans l’immense majorité des cas, ils peuvent exceptionnellement être plus graves.

Pour l’essentiel, il s’agit de réactions inflammatoires induites de façon naturelle par la mobilisation du système immunitaire après l’injection du vaccin. Cette inflammation peut entraîner des symptômes de type fièvre, douleur et rougeur au site d’injection. L’utilisation de vaccins vivants atténués, comme celui contre la varicelle, peut déclencher une maladie atténuée. Plus rarement des réactions allergiques contre l’un des constituants du vaccin peuvent survenir. Enfin, des complications exceptionnelles et inattendues sont parfois observées : cas de narcolepsie avec le vaccin antigrippal H1N1, d’invagination intestinale aiguë avec le vaccin contre le rotavirus, de péricardite et myocardite avec des vaccins anti-Covid à ARNm. Ces évènements rarissimes (132 cas de myocardite par million de doses du vaccin anti-covid Moderna administrées, par exemple) ne remettent pas en cause le bénéfice de ces vaccins pour le plus grand nombre. Mais ils justifient un suivi prolongé des populations vaccinées, pour détecter ces effets indésirables rares et les étudier.

Les chercheurs ont plusieurs hypothèses qui restent à vérifier pour expliquer ces complications rares. Selon celle de la « réaction croisée », les anticorps dirigés contre l’antigène vaccinal pourraient − dans de rares cas − se retourner contre des molécules de l’organisme structurellement très proches de cet antigène. Autre piste : l’antigène lui-même exercerait une action, directe ou indirecte, sur des molécules de l’organisme.

Pourquoi se faire vacciner ?

Un bénéfice individuel, mais aussi collectif

La diffusion d’une maladie contagieuse au sein d’une population est directement liée à la proportion de personnes susceptibles de la contracter : ainsi, plus le nombre de personnes vaccinées augmente, plus le risque de transmission diminue. Et lorsque ce nombre devient très important, les personnes immunisées font barrage entre les individus contagieux et les individus non immunisés. Le pathogène cesse alors de circuler dans la population. La protection de groupe protège donc les sujets vaccinés, mais aussi les non vaccinés

Cette stratégie a déjà permis d’éliminer la variole, en France et à travers le monde. Elle permet en outre de limiter la diffusion de nombreux autres germes et pourrait conduire à l’élimination de maladies comme la rougeole ou l’hépatite B. L’OMS a élaboré un plan d’action en ce sens. 

De l’importance des objectifs de couverture vaccinale

Du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2020, plus de 30 000 cas de rougeole ont été déclarés en France (dont près de 15 000 cas pour la seule année 2011), entraînant des pneumopathies graves, des complications neurologiques (encéphalite ou myélite) et 26 décès. Si la couverture vaccinale n’a cessé de progresser pendant ces années pour atteindre 90 % en 2017, elle reste insuffisante. La très grande majorité des personnes contaminées au cours de ces récentes épidémies n’étaient pas vaccinées (80 % des cas), ou insuffisamment vaccinées (une seule dose de vaccin). Cependant, 5 % des personnes qui ont contracté la rougeole avaient reçu les deux doses recommandées par le calendrier vaccinal et sont donc vraisemblablement des mauvais répondeurs au vaccin. Elles auraient probablement été protégées de l’infection si la couverture avait été optimale, empêchant la circulation du virus. Le vaccin contre la rougeole étant désormais obligatoire (depuis fin 2017), une amélioration de la couverture vaccinale, au-delà de 95 %, est prochainement attendue.

De même, un travail Inserm a montré qu’un quart des décès et des cas de séquelles graves liés aux méningites de l’enfant observés en France étaient évitables par l’application du calendrier vaccinal, notamment avec les vaccins contre le méningocoque et le pneumocoque. Ces résultats sont issus de l’étude des cas d’enfants âgés de 1 mois à 16 ans admis en réanimation pour infection bactérienne grave ou décédés avant l’admission entre 2009 et 2014. Depuis, les vaccins conjugués contre les méningocoques C et les pneumocoques ont été rendus obligatoires. 

Troisième exemple, celui de la diphtérie. Après avoir fait des ravages chez les enfants au 19e siècle, la maladie a quasiment disparu du paysage européen grâce à la vaccination. Une cinquantaine de cas a été enregistré entre 2003 et 2018 en France chez des personnes non ou mal vaccinées. La vaccination systématique permet de tenir la maladie à distance, pour soi et les autres.


Le calendrier vaccinal

Chaque année, le Ministère de la Santé met à jour le calendrier vaccinal. Ce dernier fixe les vaccinations et les rappels à effectuer en fonction de l’âge, pour la population générale et dans des cas particuliers (personnes immunodéprimées, femmes enceintes, voyage à l’étranger).

Chez le nourrisson, onze vaccins sont obligatoires. Ils protègent de la diphtérie, du tétanos, de la poliomyélite, de la coqueluche, des infections invasives à Haemophilus influenzae de type B (méningites), de l’hépatite B, des infections invasives à méningocoques (méningites et septicémies), des infections invasives à pneumocoques (méningites, septicémies et pneumonies), de la rougeole, des oreillons, de la rubéole.

Le cas des personnes immunodéprimées

Les personnes immunodéprimées présentent un déficit immunitaire, parfois sévère, en raison de maladies héritées ou acquises (VIH, leucémie...), ou bien en raison d’un traitement immunosuppresseur (après une greffe par exemple). Cette situation particulière contre-indique l’utilisation de vaccins vivants susceptibles d’entraîner une maladie infectieuse vaccinale. Pour les autres types de vaccins, des schémas vaccinaux particuliers peuvent être nécessaires afin de pallier la diminution l’efficacité vaccinale en raison du déficit immunitaire. L’état de santé de ces personnes justifie par ailleurs certaines vaccinations spécifiques, en particulier contre les infections invasives à pneumocoques ou la grippe saisonnière.


Au niveau national, Santé publique France a la mission de suivre et d’évaluer la couverture vaccinale (la proportion de personnes vaccinées) pour tous les vaccins et dans tous les groupes cibles de la population. La réalisation de ce travail s’effectue en partenariat avec différentes institutions et fait l’objet de collaborations au niveau européen. Les données produites sont mises à jour régulièrement.


Pourquoi se faire vacciner chaque année contre la grippe ? 

Il existe des dizaines de sous-types de virus de la grippe et les souches Il existe des dizaines de sous-types de virus de la grippe et les souches varient d’une année sur l’autre. Leur circulation (en particulier celles des souches qui peuvent infecter l’Homme) est surveillée par l’OMS qui détermine quelques mois avant la saison grippale quelles sont les trois ou quatre souches principales à intégrer au vaccin de l’année. Le vaccin est donc différent d’une année sur l’autre. La survenue de dernière minute d’une souche inattendue et non intégrée au vaccin peut réduire l’efficacité de ce dernier. 


Identifier les réticences à la vaccination

Si plus de trois quarts des Français ont une opinion favorable à la vaccination d’après les enquêtes menées par Santé publique France, la défiance persiste chez certaines personnes qui critiquent l’efficacité et la sécurité de ces produits. Des travaux montrent que deux profils témoignent davantage de méfiance : 

  • des personnes à faible revenu et faible niveau d’étude, mal informées sur l’intérêt de la vaccination, en particulier les hommes âgés ou les migrants,
  • une population au contraire très informée, aisée et éduquée, qui revendique un libre choix en évaluant le rapport bénéfice/risque du vaccin et en comptant parfois sur les autres pour être protégés.

Ces travaux sont importants pour mieux cibler l’information relative à l’intérêt individuel et collectif de la vaccination qui est dispensée aux différents sous-groupes de la population. 

Les enjeux de la recherche 

La recherche vaccinale a de beaux jours devant elle. De nombreuses maladies contagieuses comme le sida, l’hépatite C, le Chikungunya, le Sras, Ébola... continuent à se propager faute de vaccin. Par ailleurs, plusieurs cancers sont associés à des infections : par les papillomavirus (HPV) pour le cancer de l’utérus, le virus de l’hépatite C pour le cancer du foie, le virus d’Epstein-Barr pour certains lymphomes, la bactérie Helicobacter pylori pour le cancer de l’estomac... Développer des vaccins contre tous ces agents infectieux, comme cela a été fait pour les HPV, permettrait donc de réduire l’incidence de certains cancers. Enfin, le vaccin thérapeutique n’en est qu’à ses débuts : les résultats déjà obtenus en oncologie sont importants et des travaux sont en cours dans d’autres domaines (maladie d’Alzheimer, maladies auto-immunes, sida).

D’autre part, il est encore possible d’améliorer le confort, la tolérance et l’efficacité des vaccins déjà existants.

De nouvelles technologies vaccinales

Plusieurs pistes sont explorées pour rendre les vaccins plus efficaces ou pour en créer de nouveaux, en particulier contre des agents infectieux que l’on ne sait pas inactiver : 

  • l’atténuation par génie génétique, qui consiste à rendre une souche infectieuse inoffensive en inactivant les gènes qui le rendent pathogène
  • la vaccination génique, qui consiste à administrer un fragment d’ADN codant pour un antigène vaccinal directement dans des cellules de la personne à vacciner – cette stratégie se rapproche de la vaccination à ARNm

Plusieurs pistes d’amélioration

Améliorer le confort et la sécurité des vaccins est une préoccupation permanente. Pour cela des équipes travaillent sur des alternatives à la piqûre, comme l’utilisation de patchs cutanés ou encore l’administration par voie muqueuse (orale, nasale, sublinguale, rectale ou vaginale). Certains vaccins sont d’ailleurs déjà administrés par voie orale (rotavirus) ou par voie intra-nasale (vaccin vivant atténué contre la grippe).

Respirez, vous êtes vacciné ! – communiqué de presse vidéo – 2 min 29 – vidéo extraite de la série Histoire de recherche (2013)

Les chercheurs développent également de nouveaux adjuvants ou d’autres alternatives qui permettent de réduire le risque de non réponse au vaccin. Une équipe Inserm a montré que l’administration d’un vaccin thérapeutique par voie cutanée, après avoir provoqué des microperforations de la peau à l’aide d’un laser, était suffisamment immunogène, même en l’absence d’adjuvant. Cette stratégie se fonde sur le fait que le derme est très riche en cellules présentatrices d’antigènes qui déclenchent la réaction immunitaire. 

Le VIH : un défi à relever

Malheureusement il ne suffit pas de décider de développer un vaccin pour y arriver : les chercheurs se heurtent parfois à des difficultés majeures. C’est par exemple le cas concernant la mise au point d’un vaccin contre le sida. Le VIH, virus responsable de la maladie, mute rapidement et, de la sorte, rend très difficile l’identification d’antigènes communs à ses différents types et sous-types. De plus, il se niche dans les cellules qui sont censées l’éliminer. Des dizaines d’essais cliniques ont eu lieu à ce jour, sans résultats concluants.

Toutefois, un essai vaccinal a été lancé en 2021 par le Vaccine Research Institute (VRI, ANRS-Inserm et Université Paris-Est Créteil). Le candidat vaccin repose sur des anticorps monoclonaux qui ciblent spécifiquement des cellules clés de la réponse immunitaire, les cellules dendritiques, et portent à leur surface une protéine de l’enveloppe du VIH que le système immunitaire doit apprendre à reconnaître pour neutraliser le virus.

Paludisme, dengue, et autres

Un premier vaccin contre le paludisme a été commercialisé, mais il ne protège que contre 30 % des formes graves de la maladie. La mise au point d’un vaccin contre cette maladie est rendue difficile par la complexité de l’agent infectieux responsable de la maladie, Plasmodium falciparum. Il s’agit en effet d’un parasite et non d’un virus ou d’une bactérie. Son génome code pour plus de 5 000 protéines dont l’expression varie fortement en fonction du stade de cycle de vie du parasite. Autant dire qu’extraire des antigènes permettant de protéger contre toutes les formes de cet agent infectieux est compliqué. Mais la recherche se poursuit.

Un vaccin contre la dengue est également disponible depuis fin 2018 : le Dengvaxia de Sanofi Pasteur. Il protège contre la maladie avec une efficacité de 60 % en moyenne, mais qui varie selon les sérotypes viraux. Il est réservé aux personnes déjà infectées par le passé, qui sont à risque de nouvelle infection plus grave (le risque de sévérité de la dengue augmente après une première contamination). La survenue d’une infection préalable doit être prouvée par un résultat de test positif. Les recherches se poursuivent pour obtenir des vaccins plus efficaces, et capable de protéger dès la première infection.

Par ailleurs, un nouveau vaccin contre la coqueluche est en cours de développement en France (grâce aux travaux de scientifiques Inserm et de nombreux partenaires). En utilisant la bactérie Bordetella pertussis entière, mais génétiquement modifiée pour supprimer sa toxicité, les chercheurs espèrent induire une réponse immunitaire plus durable qu’avec le vaccin actuel, et capable de bloquer la transmission bactérienne entre individus. 

Le développement d’un vaccin contre Clostridium difficile a quant à lui récemment été abandonné en phase 3, mais les efforts de recherche se poursuivent. Les toxines de C. difficile provoquent des affections gastro-intestinales qui peuvent causer la mort d’ environ 8 % à 15 % des personnes infectées, en particulier chez des sujets âgés ou encore des personnes hospitalisées (infections nosocomiales). 

Différents vaccins contre le virus Ébola, Zika, Chikungunya, la fièvre du Nil… sont également en cours de développement.

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