Marie-Émilie Terret : Percer les secrets des ovocytes

Marie-Émilie Terret est directrice de recherche Inserm au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie au Collège de France à Paris. Elle a jeté son dévolu sur les ovocytes, des cellules d’une grande complexité dont elle décrit le fonctionnement particulier, clé de la viabilité du futur embryon. Sa créativité scientifique et de précieuses collaborations pluridisciplinaires lui ont permis de découvrir, entre autres, un marqueur important de la qualité ovocytaire. Une avancée prometteuse pour la médecine de la reproduction.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°61

Une jeune femme souriante
Marie-Émilie Terret codirige avec Marie-Hélène Verlhac l’équipe Mécanique et morphogenèse de l’ovocyte au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (unité 1050 Inserm/CNRS/Collège de France) à Paris. © Inserm/François Guénet

Les ovocytes, ces précurseurs des ovules, sont des cellules très particulières qui ne font rien comme les autres. Formés dès l’embryogenèse, ils représentent chez la femme, avec les neurones, les plus vieilles cellules de l’organisme. Isolés dans des sortes de sacs appelés « follicules ovariens », ils sont énormes, dépourvus de centrosomes – les piliers de l’architecture cellulaire – et demeurent pendant des années à un stade inachevé de leur développement. C’est bien pour cela que Marie-Émilie Terret les trouve passionnants et a décidé de leur consacrer ses travaux. « Ce modèle cellulaire très original pose des questions de recherche fondamentale, mais aussi appliquée, puisque les ovocytes deviennent des ovules susceptibles de donner des embryons. Leur mauvaise qualité compromet donc la fécondation et le développement embryonnaire », clarifie-t-elle d’emblée.

À l’entendre, l’existence de ces cellules l’aurait convaincue de se lancer dans la recherche. « Parfois, les parcours de vie tiennent à un fil. Ma carrière de chercheuse, je la dois à un professeur à l’École normale supérieure de Lyon où j’étudiais, qui m’a transmis sa passion et a éveillé en moi cette vocation. Ensuite, j’ai été recrutée pour un stage de master dans un laboratoire travaillant sur les ovocytes à Sorbonne Université en 1999, puis comme doctorante en 2000. L’intérêt des recherches mais aussi la confiance accordée et la liberté donnée aux équipes pour réaliser leurs projets ont achevé de me convaincre que j’étais à la bonne place. » Marie-Émilie Terret effectue ensuite un postdoctorat au Sloan Kettering Institute de New York sur la division des cellules cancéreuses dans l’équipe dirigée par Prasad Jallepalli. Le fait de s’écarter de sa thématique initiale sert de déclic. « Si intéressante fût cette expérience américaine, je n’avais qu’une idée en tête : revenir sur les ovocytes ! », confie-t-elle.

Des efforts de recherche mutualisés

Elle recontacte alors son laboratoire de thèse au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CIRB) pour proposer ses services de chercheuse et est immédiatement accueillie. « L’égo n’est pas mon moteur, je n’ai pas souhaité monter ma propre équipe mais plutôt accroître l’expertise de ce “super laboratoire” de l’ovocyte avec de nouvelles idées de projets. » Dès 2017, elle devient codirectrice, avec Marie- Hélène Verlhac, de l’équipe Mécanique et morphogenèse des ovocytes : un statut atypique à l’époque. « Les codirections étaient moins fréquentes qu’aujourd’hui, mais cela avait du sens de diriger à deux cette équipe pour mettre en commun nos compétences, nos ressources et nos nombreuses collaborations avec des médecins hospitaliers, des physiciens ou encore des spécialistes en intelligence artificielle. »

Depuis, Marie-Émilie Terret peut se réjouir d’avoir déjà enrichi de façon significative les connaissances sur ces cellules féminines. « L’objectif à terme est d’apporter des outils à la médecine de la reproduction dans le cadre de la conservation des ovocytes et de la procréation médicalement assistée, pour en améliorer les résultats », rappelle-t-elle. Pour comprendre ces avancées, revenons sur les ovocytes à proprement parler. À sa naissance, une petite fille dispose de sa réserve d’ovocytes pour la vie. Mais le développement de ces cellules est interrompu pendant des années, avant de reprendre à partir de l’adolescence de façon cyclique, jusqu’à la ménopause, dans le but de devenir un ovule fécondable muni d’un seul jeu de chromosomes. Cette étape termine la méiose et permet à l’ovule de disposer de moitié moins de matériel génétique que les autres cellules de l’organisme, en prévision de la rencontre avec un spermatozoïde, qui apporte également sa moitié. Marie-Émilie Terret étudie ce mécanisme, dysfonctionnel dans un certain nombre de cas, mais aussi la formation de l’embryon à partir de l’ovocyte. « Le spermatozoïde n’apporte que de l’ADN alors que l’ovule fournit tout le reste : protéines, ARN, mitochondries et autres compartiments cellulaires, rappelle-telle. Nous souhaitons comprendre ce qu’est un ovocyte de bonne qualité et comment il se transforme en embryon viable. »

Une découverte brevetée

Outre la description de plusieurs mécanismes associés à des anomalies de développement des ovocytes, elle a découvert l’importance de leurs propriétés mécaniques. « Le niveau de rigidité de la cellule, sa capacité à se déformer ou non, est cruciale pour que les ovocytes et les embryons disposent du bon nombre de chromosomes et aient un contenu cellulaire équilibré, explique-t-elle. Il s’agit d’un véritable biomarqueur de qualité qui pourrait être utilisé en clinique. À ce titre, nous développons un dispositif microfluidique pour mesurer la résistance mécanique des ovocytes, en combinaison avec un programme d’intelligence artificielle qui évalue la qualité du milieu intracellulaire. Nous avons déposé un brevet. »

Si cette avancée est importante dans sa carrière de chercheuse, Marie-Émilie Terret est consciente du chemin qui reste à parcourir pour décrypter les secrets des ovocytes. Pour cela, elle mise sur la « créativité scientifique ». « C’est ce que j’aime dans ce métier : inventer, oser, ne pas avoir peur de tester des idées qui peuvent paraître décalées au départ. C’est d’ailleurs ce que je transmets aux étudiants que j’embauche au laboratoire (doctorants, postdoctorants, personnels techniques…). J’apprécie énormément de les accompagner sur un projet de recherche ou une formation mais aussi, plus largement, de les aider dans leurs choix d’orientation. Cette tâche contribue largement à mon épanouissement professionnel. » Un engagement qui lui a valu d’obtenir le prix du mentorat scientifique 2023 de la revue Nature sur proposition de ses étudiants, signe d’une reconnaissance mutuelle.


Marie-Émilie Terret codirige avec Marie-Hélène Verlhac l’équipe Mécanique et morphogenèse de l’ovocyte au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (unité 1050 Inserm/CNRS/Collège de France) à Paris.


Autrice : A. R.

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