Syndrome des ovaires polykystiques : un problème de sensibilité à l’œstradiol

Le syndrome des ovaires polykystiques est une maladie fréquente qui provoque des troubles de l’ovulation souvent associés à une infertilité. Elle se manifeste notamment par une accumulation de follicules immatures au niveau des ovaires. Des scientifiques viennent de découvrir que ces follicules sont insensibles à l’œstradiol, une hormone produite localement, impliquée dans leur maturation et dans l’ovulation. Reste à comprendre la cause de cette insensibilité, avec peut-être à la clé de nouvelles solutions thérapeutiques pour les patientes. 

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est la maladie hormonale la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer : 5 à 10 % d’entre elles sont concernées. La maladie est associée à une production excessive d’hormones androgènes, en particulier de testostérone, qui entraîne des symptômes dont l’intensité varie d’une patiente à l’autre : des troubles de l’ovulation à l’origine de cycles irréguliers et d’infertilité, une hyperpilosité, la chute des cheveux, de l’acné ou encore des troubles métaboliques comme un surpoids ou un diabète. Mais à ce jour, les anomalies du système hormonal qui causent ce syndrome restent mal caractérisées.

Des travaux récemment conduits par Stéphanie Chauvin et son équipe Inserm à l’Université Paris Cité apportent néanmoins de nouveaux éléments sur les mécanismes mis en jeu. Spécialiste des récepteurs à l’œstradiol, la chercheuse s’est demandée quel était le rôle de cette hormone dans la survenue du SOPK. Pour mémoire, les follicules ovariens sont des structures composées de plusieurs couches de cellules nourricières qui renferment un liquide riche en facteurs de croissance, en nutriments, en métabolites ou encore en hormones, dans lequel baigne un ovocyte immature. Ces follicules se développent progressivement pour permettre la maturation de cet ovocyte et sa libération (l’ovulation). Ce processus dépend notamment de l’œstradiol : sans cette hormone, le développement folliculaire est interrompu et l’ovulation ne peut pas avoir lieu. Or c’est précisément ce que l’on observe en cas de SOPK : la maladie est caractérisée par une accumulation de follicules immatures dans les ovaires des patientes.

Une hormone produite mais inefficace

Au sein des follicules, la production locale d’œstradiol est assurée par les cellules nourricières dites « de la granulosa ». L’hormone est libérée dans le liquide folliculaire d’où elle rétroagit sur les cellules qui l’ont produite pour favoriser le développement folliculaire. Aussi, l’équipe de Stéphanie Chauvin a quantifié cette hormone au niveau folliculaire et étudié son effet sur les cellules de la granulosa, à partir de prélèvements effectués chez des femmes atteintes de SOPK ou non, dans le cadre d’un parcours de procréation médicalement assistée.

Plusieurs observations importantes ont ainsi pu être réalisées. Chez les femmes atteintes de SOPK, il est apparu que l’œstradiol est produit en quantité normale mais que sa concentration dans le liquide folliculaire est plus faible qu’attendue. « Les protéines chargées de protéger l’hormone sont elles aussi présentes en quantité moindre. Nous supposons donc que l’hormone est davantage dégradée chez ces femmes », explique Stéphanie Chauvin. Autre fait majeur, l’œstradiol n’a pas d’effet rétroactif sur les cellules de la granulosa des patientes aux ovaires polykystiques. Alors que cette hormone est censée modifier l’expression de nombreux gènes impliqués dans le développement folliculaire, cette action disparaît en cas de SOPK. « Les cellules de la granulosa des patientes possèdent bien des récepteurs à l’œstradiol, mais la voie de signalisation intracellulaire théoriquement activée par cette hormone semble bloquée : les cellules ne répondent pas à l’hormone, clarifie Stéphanie Chauvin. Nous devons maintenant découvrir si ce blocage a lieu au niveau des récepteurs ou plus en aval. »

Quoi qu’il en soit, « ces résultats marquent une avancée dans la compréhension des mécanismes fins de la maladie et montrent qu’un apport exogène en œstradiol ne permettra pas de relancer le développement folliculaire. Il faut que nous découvrions pourquoi cette hormone n’agit pas comme attendu dans les follicules des femmes atteintes de SOPK, pour tenter de développer de nouvelles approches thérapeutiques », conclut la chercheuse. 

Pour en savoir plus sur le syndrome des ovaires polykystiques et sa prise en charge, consulter notre dossier


Stéphanie Chauvin est chargée de recherche Inserm dans l’équipe Physiologie de l’axe gonadotrope dirigée par Joëlle Cohen-Tannoudji (unité Inserm 1133) à Paris.


Source : C. Marie et coll. Dysfunction of Human Estrogen Signaling as a Novel Molecular Signature of Polycystic Ovary Syndrome. Int J Mol Sci, 24 novembre 2023 ; doi : 10.3390/ijms242316689

Autrice : A. R.

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