Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)

Un trouble fréquent, première cause d'infertilité féminine

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est la maladie hormonale la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer. Il peut entraîner des troubles de la fertilité et de la pilosité (hirsutisme), ainsi que des complications métaboliques (diabète). A ce jour, il n’existe pas de traitement spécifique. Mais les recherches en cours pourraient changer la donne en améliorant la compréhension encore imparfaite des mécanismes à l’origine de cette maladie.

Dossier réalisé en collaboration avec Paolo Giacobini, unité 1172 Inserm/université de Lille 2, Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine, Centre de Recherche Jean Pierre Aubert, Lille. 

Comprendre le syndrome des ovaires polykystiques

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est dû à un dérèglement hormonal d’origine ovarienne et/ou centrale (au niveau du cerveau). Il entraine une production excessive d’androgènes, en particulier de testostérone, habituellement produites en petite quantité dans l’organisme féminin. Il en résulte une élévation du taux de testostérone dans le sang des femmes concernées.

Le nom de cette maladie vient de sa description, effectuée dans les années 30, reposant sur l’observation de ce que l’on pensait être des kystes dans les ovaires des patientes. En réalité, il s’agissait de multitudes de follicules au développement inachevé. 

Cycles irréguliers, hyperpilosité et troubles du métabolisme

Le SOPK touche environ 10% des femmes, mais ses symptômes sont très variables d’une patiente à l’autre : la maladie peut se manifester de manière très légère, comme être très handicapante. 

Les symptômes sont les suivants : 

  • Trouble de l’ovulation : la rareté ou l’absence d’ovulations (dysovulation ou anovulation) se traduit par des cycles irréguliers, longs de plus de 35 à 40 jours, voire par l’absence totale de règles (aménorrhée). Ces troubles provoquent une infertilité chez environ la moitié des femmes présentant un SOPK.
  • Hyperandrogénie : la production excessive de testostérone se traduit par une hyperpilosité chez 70% des femmes atteintes de SOPK, de l’acné et une chute des cheveux (alopécie).
  • Syndrome métabolique : l’adiposité excessive provoquée par l’hyperandrogénie prédispose à l’insulinorésistance et au diabète. Les patientes présentent aussi une élévation du risque d’hypertension artérielle et de maladies cardiovasculaires.

A noter que le tableau clinique s’aggrave en cas de prise de poids et qu’il existe une corrélation entre l’indice de masse corporelle et l’infertilité associée à cette maladie. 

La présentation d’au moins deux de ces trois symptômes, en l’absence d’une autre maladie entraînant la sécrétion d’androgènes (comme une maladie génétique surrénalienne ou des tumeurs ovariennes ou surrénaliennes), conduit à poser un diagnostic de SOPK. 

L’imagerie et la biologie, pour confirmer le diagnostic

Au début du cycle menstruel, chaque ovaire contient normalement 5 à 10 petits follicules d’environ 5 mm. Seul l’un d’entre eux deviendra un ovocyte fécondable (en savoir plus sur le déroulement du cycle ovarien – vidéo, 4 min). Dans le SOPK, la maturation folliculaire est bloquée par l’excès d’androgènes et les follicules immatures s’accumulent, sans follicule dominant. Une échographie pelvienne montre en conséquence de nombreux petits follicules (au moins 20 follicules de diamètre inferieurs à 9 mm) et/ou un volume ovarien important (supérieur à 10 ml), sans présence de kyste ni de follicule dominant. Néanmoins, cette observation ne suffit pas au diagnostic de SOPK car des femmes en âge de procréer sont concernées sans pour autant présenter les autres symptômes de la pathologie. 

Un bilan biologique est donc également pratiqué, entre le 2e et le 5e jour du cycle. Chez les patientes qui n’ont pas de règles, celles-ci sont provoquées par un traitement à base de progestérone administré pendant 10 jours. Ce bilan comporte le dosage de la FSH et de la LH, deux hormones produites par l’hypophyse, une glande située à la base du cerveau, qui contrôlent la production hormonale ovarienne et le cycle ovarien. Plusieurs autres molécules sont également dosées : prolactine, testostérone, delta 4 androsténedione, SDHA, 17 bêta-œstradiol, 17 hydroxy progestérone, TSH, et parfois la glycémie et l’insulinémie. En cas de SOPK, les résultats montrent : 

  • une inversion du rapport FSH/LH
  • une élévation des androgènes
  • une tendance au diabète et à l’hyperinsulinémie

Une maladie d’origine multifactorielle

L’origine du déséquilibre hormonal conduisant au SOPK n’est pas clairement identifiée, mais elle pourrait être à la fois ovarienne et centrale. Le système hypothalamo-hypophysaire situé dans le cerveau contrôle la sécrétion des deux hormones FSH et LH qui orchestrent le cycle ovarien : leurs taux varient au cours du cycle, régulant la production d’hormones par les ovaires et provoquant l’ovulation. En cas de SOPK, leur sécrétion est perturbée : le taux de base de LH est anormalement élevé chez la majorité des femmes atteintes, et il n’augmente pas en milieu du cycle alors que c’est ce phénomène qui déclenche l’ovulation. Par ailleurs, les ovaires secrètent trop d’androgènes ce qui entraine une élévation du taux sanguin de testostérone responsable de l’excès de pilosité. Enfin, le taux sanguin d’insuline a aussi tendance à augmenter. 

Au cœur des organes : La régulation du cycle ovarien – animation pédagogique – 3 min – 2014 

Les causes de ces dérèglements sont très probablement multifactorielles : génétiques, épigénétiques et environnementales. Environ une vingtaine de gènes de prédisposition au syndrome ont été identifiés, mais ils expliqueraient moins de 10% des cas de SOPK. Les antécédents familiaux exposent néanmoins à un surrisque d’environ 30% de développer la maladie. Des facteurs environnementaux tels que les perturbateurs endocriniens sont également soupçonnés de jouer un rôle dans l’apparition de la maladie, sans preuve établie à ce jour. 

Des complications à long terme

Quand l’hyperandrogénie est marquée, elle se manifeste souvent dès la puberté par une acné sévère, une hyperpilosité, et une irrégularité des règles trop souvent mise sur le compte de l’adolescence. Si l’hyperandrogénie est modérée, le diagnostic est souvent plus tardif, vers 25–30 ans, la patiente consultant alors pour une infertilité. 

Le SOPK entraine des complications à long terme. L’hypersécrétion des androgènes par l’ovaire favorise le développement d’une adiposité qui prédispose à l’insulinorésistance. Le SOPK augmente le risque de syndrome métabolique (surpoids, dyslipidémie, hypertension artérielle, trouble de la glycémie), conduisant lui aussi à l’insulinorésistance puis au diabète et constituant un facteur de risque de maladies cardiovasculaire (infarctus du myocarde, AVC…). Il augmente également le risque de cancer de l’endomètre.

Évolution des symptômes du SOPK au cours de la vie

Les symptômes liés à l’hyperandrogénie et à la dysovulation sont les plus importants chez les patientes les plus jeunes. Avec l’âge, ils cèdent le terrain aux symptômes associés au syndrome métabolique. Les symptômes majeurs aux différents âges de la vie sont les suivants :

  • à 15 ans : hyperandrogénie et cycles irréguliers
  • à 25–30 ans : hyperandrogénie et infertilité
  • à 45 ans : hyperandrogénie et intolérance aux hydrates de carbone
  • à 55 ans : risques cadiovasculaires et diabète de type 2

Un traitement uniquement symptomatique

Le traitement du SOPK est uniquement symptomatique et ceci jusqu’à la ménopause. Il repose sur une amélioration de l’hygiène de vie, un traitement médicamenteux en cas d’hirsutisme et/ou d’infertilité, et un accompagnement psychologique lorsque cela s’avère nécessaire. 

En cas de surpoids, une perte d’environ 10% du poids initial réduit l’hyperandrogénie et montre un effet bénéfique sur l’aménorrhée, avec un potentiel bénéfice sur la fertilité. A plus long terme, cette perte de poids aura un retentissement positif sur le risque de complications métaboliques associées au SOPK. En revanche, pour les femmes dont le poids est normal, maigrir n’apporte pas de bénéfice. 

En cas d’hirsutisme, une pilule œstroprogestative est recommandée en première intention. Sa composante progestative inhibe la sécrétion de LH et réduit la production d’androgènes ovariens. La composante œstrogénique diminue le taux d’androgènes circulants. En cas d’échec de la pilule œstroprogestative, le traitement repose sur un anti-androgène (acétate de cyprotérone) combiné à un œstrogène naturel. L’acétate de cyprotérone est efficace en trois mois sur l’acné et en six mois sur l’hirsutisme. 

Les anomalies métaboliques sont quant à elles traitées par des mesures hygiénodiététiques en première intention, puis par des médicaments antidiabétiques oraux si cela devient nécessaire. 


Prise en charge de l’infertilité

Lorsque le SOPK est le seul facteur responsable d’une infertilité, le traitement repose sur une stimulation de l’ovulation par citrate de clomifène, ou par gonadotrophines exogènes injectables en deuxième intention. Les inhibiteurs de l’aromatase, utilisés pour le traitement de certains cancers du sein sont actuellement évalués comme inducteurs de l’ovulation et pourraient présenter une efficacité supérieure au clomifène. Si ces traitements entraînent une hyperstimulation ovarienne difficilement contrôlable ou en cas d’absence de grossesse, une procréation médicalement assistée peut être envisagée. 


Les enjeux de la recherche

Les chercheurs tentent d’identifier l’origine du dysfonctionnement endocrinien mis en jeu dans le SOPK. Des travaux s’orientent vers des troubles développementaux in utero qui expliqueraient la transmission de la maladie à la descendance en l’absence de marqueurs génétiques évidents. Une surexposition intra-utérine à l’hormone antimüllérienne (AMH) d’origine maternelle, produite en quantité relativement importante au cours de la grossesse chez les femmes atteintes de SOPK, pourrait induire des anomalies de développement du cerveau. Dans des modèles animaux, les chercheurs observent en effet une hypersécrétion de GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone) chez les souris adultes qui ont été exposées in utero à des concentration anormalement élevée d’AMH. Or la GnRH est une hormone qui contrôle la sécrétion de LH au niveau du cerveau, elle-même impliquée dans la production d’andogènes. Ces problèmes développementaux pourraient être médiés par un excès de testostérone chez la mère, résultant de la surproduction d’AMH qui inhibe la conversion de testostérone en œstradiol. L’hypothèse est que cet excès de testostérone favoriserait la masculinisation du cerveau des petites souris femelles. 

Les chercheurs tentent aussi de comprendre le lien entre SOPK et troubles métaboliques, pour enrayer le continuum observé chez les patientes. Ce travail est en cours grâce à un modèle de souris qui mime tous les aspects phénotypiques de la maladie. Les problèmes métaboliques pourraient eux aussi être la conséquence d’anomalies du développement cérébral in utero. Le SOPK étant en outre associé à un risque de dépression, le lien avec cette autre comorbidité est également exploré. 

Les chercheurs espèrent enfin parvenir à développer de nouveaux traitements qui permettraient de résoudre toutes les complications à la fois, en s’attaquant à la cause du problème et non à chacun des symptômes séparément. Pour cela, ils s’intéressent aux dérèglements endocriniens qui s’opèrent au niveau du cerveau : de plus en plus de données indiquent en effet que c’est à ce niveau que se situerait la clé du problème. Les chercheurs y étudient en particulier les anomalies de production de la GnRH et son impact sur la sécrétion de LH et FSH, puis sur le contrôle du cycle ovarien. Des essais précliniques ont d’ores et déjà permis de tester des antagonistes des récepteurs au GnRH, avec des résultats prometteurs...