Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)

Une perte progressive de la vision centrale

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) correspond à une dégradation d’une partie de la rétine (la macula), pouvant mener à la perte de la vision centrale. Cette maladie d’origine multifactorielle concerne les plus de 50 ans. Bien que très invalidante, la DMLA ne rend jamais totalement aveugle puisque la partie périphérique de la rétine reste intacte. Les chercheurs travaillent à l’amélioration de la prise en charge des différentes formes de DMLA.

Dossier réalisé en collaboration avec Florian Sennlaub, directeur de recherche à l’Inserm, Institut de la Vision, Paris.

Comprendre la dégénérescence maculaire liée à l’âge

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans. Toutes formes confondues, cette maladie concerne environ 8 % de la population française, mais sa fréquence augmente largement avec l’âge : elle touche 1 % des personnes de 50 à 55 ans, environ 10 % des 65–75 ans et de 25 à 30 % des plus de 75 ans. Si l’on tient compte uniquement des formes tardives de la maladie, associées à une perte de la vision centrale, ces chiffres sont à diviser environ par deux. Mais dans les années à venir, compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie, l’incidence de la DMLA ne va cesser de croître. 

Fond d’œil
Fond d’œil montrant une dégénérescence maculaire liée à l’âge atrophique. © Inserm/Korobelnik, Jean-François

Deux formes de DMLA

La maladie débute par une phase précoce, sans dégénérescence, appelée maculopathie liée à l’âge (MLA ou « sèche précoce »). Cette phase se caractérise par l’accumulation de petits dépôts blanchâtres (ou « drusen mous ») à l’intérieur et autour de la macula. Ces dépôts sont visibles lors d’un simple examen de fond d’œil. Cette phase est le plus souvent asymptomatique, mais le patient peut éventuellement percevoir des déformations des lignes droites (« métamorphopsies ») et des taches floues. 

Une MLA peut rester stable tout au long de la vie. Néanmoins, dans environ la moitié des cas et sous l’influence de plusieurs facteurs, la MLA évolue en formes dégénératives tardives, atrophique ou humide. Ces deux formes tardives ont une incidence à peu près équivalente. Elles conduisent à une dégradation irréversible de la macula et à une perte de la vision centrale affectant un seul œil ou les deux. Des formes mixtes peuvent être observées. 


La macula en clair 

La macula est la zone centrale de la rétine, à l’arrière de l’œil, où convergent les rayons lumineux en vision diurne. Elle contient en son centre une petite dépression appelée fovéa, entièrement composée de photorécepteurs. Ces derniers confèrent une excellente acuité visuelle et permettent notamment la lecture de petits caractères ou encore la reconnaissance des traits d’un visage. Les photorécepteurs sont apposés à une monocouche de cellules, l’épithélium pigmentaire (EPR), lui-même posé sur une couche très vascularisée (la choriocapillaire). Dans la DMLA, les lésions se forment au niveau des photorécepteurs, de l’épithélium pigmentaire, de la choriocapillaire et de la membrane qui sépare cette dernière des EPR. La macula est riche en pigments de couleur jaune, composés notamment de lutéine et zéaxanthine. C’est pourquoi elle est parfois surnommée « tâche jaune ». 


La forme atrophique (ou « sèche avancée ») correspond à la disparition progressive des cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR), puis à celle des photorécepteurs situés au niveau de la macula. Ce processus génère des trous de taille croissante dans la macula, visibles par une simple observation de la rétine (fond d’œil). Ce processus est lent et il s’écoule en général entre cinq et dix ans avant que le patient ne perde sa vision centrale. Pendant cette période, il conserve une vision relativement satisfaisante malgré une gêne pour la reconnaissance de détails. Il peut s’adapter au handicap si l’autre œil n’est pas touché au même endroit du champ visuel. Actuellement, il n’existe pas de traitement contre cette forme de DMLA. 

La forme humide, dite néovasculaire ou exsudative, se traduit par une prolifération de nouveaux vaisseaux anormaux sous la rétine. Ces vaisseaux fragiles laissent diffuser du sérum, responsable d’un soulèvement de la rétine, et/ou du sang entrainant l’apparition d’hémorragies rétiniennes. Cette forme évolue rapidement si elle n’est pas prise en charge, avec une perte de vision centrale en quelques semaines ou même quelques jours (la vision périphérique est maintenue). Ce processus peut être ralenti par des médicaments (anti-VEGF, voir plus loin). Néanmoins, après plusieurs années de traitement, la maladie peut évoluer vers une forme atrophique qu’on ne sait pas traiter pour l’instant.

Initialement, la DMLA ne touche le plus souvent qu’un œil. Mais le risque de bilatéralisation (atteintes des deux yeux) est de 10 % à un an et 42 % à cinq ans. 

Une perte de la vision centrale progressive

grille d’Amsler
Le test de la grille d’Amsler permet de détecter une DMLA. En tenant la grille d’Amsler au niveau de son œil, à une distance de lecture confortable, et en fixant le point central, les patients atteints voient des lignes déformées, interrompues ou brisées, parfois des zones floues ou aveugles. Il est dans ce cas urgent de contacter son médecin.

Selon la forme clinique et le stade de la maladie, les manifestations de la DMLA peuvent être discrètes, se traduisant par une baisse d’acuité visuelle, des difficultés à la lecture (besoin de plus de lumière) et une légère déformation de certains objets (lignes droites vues comme gondolées). A un stade plus avancé des tâches noires apparaissent dans le champ de vision central (« scotomes ») et la vision est déformée.

La grille d’Amsler est un bon test de référence. En tenant la grille au niveau de l’œil à une distance de lecture confortable et en fixant le point central, les patients atteints de DMLA voient des lignes déformées, interrompues ou brisées, parfois des zones floues ou invisibles. 

Une pathologie multifactorielle

La maladie résulte de la conjonction de plusieurs facteurs de risque.

Le principal d’entre eux est l’âge (la maladie apparaît le plus souvent après 50 ans et sa prévalence bondit après 75 ans). Mais ce n’est pas tout : 

Il existe une susceptibilité génétique à la maladie : le risque de développer une DMLA est quatre fois plus important si un parent ou un membre de la fratrie en est atteint. Plusieurs polymorphismes génétiques associés à la maladie ont été mis en évidence. Parmi eux, des variants du gène codant pour le facteur H du complément (une protéine impliquée dans l’immunité), ou encore de celui codant pour l’HTRA1 (une protéase), sont présents chez 30 % des personnes atteintes de DMLA contre seulement 10 % dans la population générale. En outre, la présence simultanée de trois variants (facteur H du complément, HTRA1 et facteurs C2-FB du complément) chez un même individu peut multiplier le risque de développer une DMLA par un facteur allant jusqu’à 250. Néanmoins, aucun de ces polymorphismes ne peut déclencher la maladie à lui seul. Ces variants ne sont donc pas des marqueurs diagnostics. 

Le tabagisme est fortement associé à la DMLA : il augmente le risque de survenue de la maladie d’un facteur 3 à 6. L’obésité double également le risque de DMLA. L’alimentation pourrait jouer un rôle : des apports riches en acides gras polyinsaturés, notamment en oméga 3 (poissons gras type saumon, thon, maquereau), ainsi qu’en fruits et légumes (riches en zéaxanthine et lutéine) semblent bénéfiques. Par ailleurs, des apports en antioxydants (vitamines C, E) et en certains minéraux (zinc, sélénium) pourraient permettre de réduire le risque d’évolution d’une forme précoce de MLA vers une forme tardive de DMLA. Ainsi, une bonne hygiène de vie (abstinence tabagique, alimentation saine et variée, activité physique, poids corporel normal) est recommandée pour prévenir la survenue et l’aggravation d’une DMLA.

D’autres facteurs de risque comme une exposition excessive à la lumière sont discutés. Certaines longueurs d’onde de la lumière bleue sont toxiques pour les cellules de la rétine et pourraient favoriser la DMLA. Des lunettes filtrantes existent, sans qu’il soit pour le moment prouvé qu’elles protègent contre la progression de la maladie. 

Seule la forme humide se traite

Depuis 2006, la forme humide de la DMLA est traitée à l’aide d’inhibiteurs du VEGF. Le VEGF est un facteur de croissance qui permet la formation des néo-vaisseaux. Son blocage par des injections répétées d’anti-VEGF, directement dans l’œil par voie intra vitréenne (en moyenne sept injections par an), permet de stopper la progression de la maladie. Il existe actuellement trois inhibiteurs de VEGF : pegaptanib depuis 2006, ranibizumab depuis 2007 et aflibercept depuis 2012. 

Ces anti-VEGF ont largement supplanté les anciennes techniques destinées à détruire les néo-vaisseaux, notamment la photocoagulation (destruction thermique des vaisseaux anormaux) et la photodynamique. Cette dernière technique, datant des années 2000, consiste à injecter par voie intraveineuse un produit photosensible (vertéporfine) qui devient toxique sous l’effet de lumière rouge appliquée localement à l’aide d’un laser. 

Néanmoins après plusieurs années de traitement par anti-VEGF, il n’est pas rare de voir une DMLA de forme humide évoluer vers une forme atrophique. Or, actuellement, il n’existe pas de traitement spécifique de la forme atrophique. Une supplémentation en antioxydants (vitamines C, E), en certains minéraux (zinc, sélénium), ainsi qu’en lutéine et zéaxanthine peut néanmoins ralentir faiblement la progression de cette forme de DMLA. 

Des systèmes optiques grossissants et de la rééducation permettant de mobiliser des zones de la rétine non touchées peuvent améliorer la vision. 

Les enjeux de la recherche

Les chercheurs travaillent à l’amélioration de la prise en charge des différentes formes de DMLA. Pour la forme humide, la thérapie génique est une piste étudiée : l’idée est de parvenir à faire produire durablement un anti-VEGF, directement par la rétine. Dans ce but des équipes tentent de transférer un gène codant pour un anti-VEGF dans des cellules de la rétine, via un vecteur viral. Cela éviterait d’avoir à « piquer » régulièrement les patients. Mais les risques liés à l’introduction d’un gène étranger et à la production d’un anti-VEGF en continu restent à évaluer. 

Fond d'œil
Fond d’oeil de rat montrant l’expression de la « Green Fluorescent Protein » dans le corps cellulaire et dans les axones des cellules ganglionnaires qui forment le nerf optique, après injection sous-rétinienne d’un vecteur AAV8-gfp. © Inserm/F. Rolling

Les chercheurs tentent en parallèle de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques. Un pigment epithelium-derived factor (PEDF) est en cours de développement. Il s’agit d’un facteur anti-angiogénique et neuroprotecteur naturellement produit par les cellules épithéliales pigmentaires rétiniennes, mais déficient en cas de DMLA. 

Pour la forme atrophique, des équipes explorent la voie de la thérapie cellulaire : l’idée est d’implanter dans la rétine des cellules souches, ou des cellules EPR et/ou des photorécepteurs. Cela permettrait de renouveler le stock de cellules fonctionnelles et, éventuellement, de stopper le mécanisme de dégénérescence grâce à l’activité de ces nouvelles cellules. Un essai a débuté en 2013 au Japon, dans la DMLA de forme humide (implantation de cellules IPS). A l’Inserm, une équipe vient de développer un procédé de production de précurseurs des photorécepteurs et de cellules EPR matures selon les normes réglementaires des agences de santé pour des essais précliniques. 

Une autre approche faisant l’objet de recherche consiste à modifier l’activité des cellules ganglionnaires de la rétine pour les rendre photosensibles. Cela permettrait de compenser la perte des photorécepteurs. 

Pour les deux formes de DMLA, les chercheurs poursuivent l’identification des gènes de susceptibilité et des recherches fondamentales, visant à découvrir des molécules et mécanismes qui jouent un rôle dans la survenue et l’évolution de la maladie. Certains facteurs du complément (impliqué dans l’immunité) et des facteurs de l’inflammation sont pointés du doigt. La maladie (dans ces deux formes) semble en effet liée à un dysfonctionnement des mécanismes de régulation de l’immunité qui devient alors toxique pour les cellules de la macula. Une accumulation de macrophages est par exemple retrouvée au sein des photorécepteurs. Les chercheurs testent donc l’effet d’inhibiteurs de certains de ces facteurs (inhibiteurs des facteurs C5, C3, H ou encore D du complément). Des molécules anti-inflammatoires sont également à l’essai, par exemple l’anti-TNF. Une autre stratégie actuellement testée chez l’animal consiste à limiter le recrutement de macrophages au niveau de la macula. 

La mise au point d’une rétine artificielle fait également son chemin. Il s’agit un implant placé au niveau de la rétine, qui reçoit une image via une caméra fixée sur des lunettes ou directement grâce à des cellules photosensibles. Les signaux lumineux reçus sont convertis en signaux électriques, transmis aux nerfs optiques. Le cerveau se charge ensuite de décoder l’image. Des prototypes sont déjà à l’essai, notamment à l’Institut de la vision à Paris. Ils doivent néanmoins encore être améliorés pour permettre de retrouver véritablement la vue. 

Pour aller plus loin

  • DMLA – dossier de l’Assurance maladie
  • DMLA – dossier du Syndicat national des ophtalmologistes de France
  • DMLA – dossier du Centre hospitalier national d’ophtalmologie Quinze-Vingts