La protamine : une nouvelle propriété et de nouvelles indications potentielles

La protamine est un médicament couramment utilisé pour neutraliser l’effet anticoagulant de l’héparine, notamment en chirurgie cardiaque. Des chercheurs toulousains ont découvert une nouvelle propriété de cette molécule : elle est un antagoniste du récepteur de l’apeline, récepteur connu pour être impliqué dans la formation des vaisseaux sanguins et le développement tumoral. 

La protamine, un nouveau médicament pour lutter contre le développement tumoral, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou la rétinopathie diabétique ? Cette piste étonnante se profile aujourd’hui, suite aux travaux menés par Bernard Masri* et ses collègues. Les chercheurs viennent en effet de monter que la protamine a la capacité de se lier au récepteur de l’apeline, récepteur présent notamment à la surface des cellules endothéliales qui tapissent les vaisseaux sanguins. Une propriété qui favoriserait le développement de ces pathologies. Pour l’équipe toulousaine, elle pourrait en outre expliquer un effet secondaire potentiellement mortel de la protamine : l’hypertension artérielle pulmonaire. 

A la recherche d’antagoniste

© B. Masri Angiogénèse induite par l’apeline

L’apeline est une molécule présente dans de nombreux tissus de l’organisme. Selon la localisation de son récepteur, elle peut avoir différents effets physiologiques. Ainsi, au sein du système vasculaire son activation intervient dans la régulation de la pression artérielle. Comme l’a montré l’équipe de Bernard Masri dans des précédents travaux, elle déclenche aussi la formation de vaisseaux sanguins (angiogenèse), qu’elle soit physiologique ou tumorale. « Nous avons mis en évidence une surexpression de l’apeline et de son récepteur dans les cellules tumorales. Cela leur permet de se multiplier tout en attirant les vaisseaux sanguins, et donc des nutriments qui favorisent la croissance tumorale », rapporte Bernard Masri. 

D’où l’idée des chercheurs de bloquer l’activation du récepteur grâce à des molécules antagonistes, pour freiner le développement tumoral. « Comme nous ne disposions pas de molécules antagonistes efficaces, nous avons criblé une banque de 50 000 molécules pour identifier un ou plusieurs candidats. C’est ainsi que nous avons découvert cette nouvelle propriété de la protamine ». Une découverte importante, qui permet d’envisager de nouvelles indications pour ce médicament : « Nous allons étudier chez la souris si, en bloquant la prolifération des vaisseaux sanguins, la protamine peut freiner le développement de tumeurs, améliorer la DMLA ou encore les rétinopathies diabétiques », annonce le chercheur. 

Une molécule déjà disponible en clinique

La protamine est une protéine, issue de sperme de saumon, actuellement utilisée pour neutraliser l’effet anticoagulant de l’héparine. En chirurgie cardiaque, c’est un outil précieux pour limiter les risques d’hémorragie. Reste que la protamine peut induire « certains effets secondaires immédiats, dont l’hypertension artérielle (HTA) pulmonaire », souligne Bernard Masri. « Un effet secondaire qui pourrait être lié à la capacité de la protamine à se lier au récepteur de l’apeline. D’où l’hypothèse que cet effet secondaire pourrait être contrebalancé en administrant de l’apeline ». Une piste que les chercheurs entendent bien vérifier prochainement, toujours dans le modèle de la souris.

Note

* unité 1048 Inserm/Université Paul Sabatier, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, Toulouse 

Source

S. Le Gonidec et coll. Protamine is an antagonist of apelin recepetor, and its activity is reversed by heparin. FASEB J, édition en ligne du 27 février 2017