Se préparer au changement climatique

La planète Terre connaît des changements environnementaux rapides depuis une cinquantaine d’années. Ils associent hausse des températures, pollution, érosion de la biodiversité, raréfaction des ressources, et ont un impact sur la santé qui ne cesse de s’amplifier. L’Inserm s’engage à documenter ces effets et à proposer des solutions d’adaptation.

Cet article est issu du rapport d’activité 2024 de l’Inserm

Mortalité accrue liée aux pics de chaleur ou aux phénomènes météorologiques extrêmes, transmission de maladies vectorielles (par des insectes en particulier) et de zoonoses (virus émergents), maladies respiratoires dues aux polluants ou aux allergènes, insécurité alimentaire, détérioration des conditions de vie… les conséquences probables du changement climatique ont de quoi inquiéter. « L’Inserm, en tant qu’organisme de recherche en santé humaine, ne peut pas passer à côté de cet enjeu majeur. Nous devons documenter les impacts sur la santé et fournir des données pour en limiter les conséquences », insiste Robert Barouki, directeur de l’institut thématique Santé publique. Ce travail s’inscrit dans la démarche « Une seule santé » promue par l’Organisation mondiale de la santé et qui vise à optimiser simultanément la santé des humains, des animaux et des écosystèmes, compte tenu de leurs liens indissociables.

Une stratégie RSE co-construite

Les données scientifiques sont indispensables aux pouvoirs publics pour décider des grandes orientations et mesures à prendre afin de réduire les impacts environnementaux. En France, seize organismes nationaux ont signé une déclaration d’engagement en janvier 2024 pour « mettre la recherche au service de la transition écologique et du développement soutenable » et atteindre la neutralité carbone en 2050. L’Inserm en fait partie et est déjà passé à l’étape suivante. C’est l’un des premiers établissements à s’être doté d’un plan RSE (responsabilité sociétale et environnementale) en 2024. Ce plan a été développé par la cellule Transition écologique et sociétale de l’Inserm en collaboration avec treize unités pilotes, deux délégations régionales, et la direction générale, soit plus de 150 personnes mobilisées. Il concerne les 15 000 femmes et hommes qui travaillent dans les structures Inserm, répartis sur des dizaines de sites en France et à l’étranger, et s’articule autour de quatre grands axes : la recherche sur les liens entre santé et enjeux environnementaux, l’impulsion d’engagements socio-écologiques pour celle-ci, l’environnement de travail des personnels et enfin l’exemplarité en matière d’impacts environnementaux.

La recherche au service de la transition écologique

« Sur le plan scientifique, l’Inserm doit absolument se saisir des problématiques liées aux impacts sur la santé des changements environnementaux, et structurer la recherche dans ce domaine, clarifie Robert Barouki. Il nous faut valoriser les travaux en cours et en impulser de nouveaux, en attirant étudiants et étudiantes, chercheurs et chercheuses sur cette thématique et en développant des compétences internes. » C’est le but des deux programmes d’impulsion mis en place en 2024 par l’institut thématique Santé publique de l’Inserm, dotés chacun de 1,5 million d’euros sur trois ans.

Le premier, intitulé Changement climatique et santé, réunit une dizaine d’unités Inserm autour de six projets sur les effets sanitaires du changement climatique et des stratégies d’adaptation pour les atténuer. « Certains projets sont menés avec une approche de santé globale en partenariat avec des pays à faibles niveaux de ressources puisque la question du changement climatique n’est évidemment pas française mais concerne la communauté mondiale », explique Basile Chaix, coordonnateur scientifique de ce programme et spécialiste Inserm en épidémiologie environnementale.

Le second, Exposome, vise à identifier les associations entre certaines expositions et des événements de santé, et à mieux définir les liens de causalité. Ces expositions peuvent être de nature très variée : facteurs physiques (chaleur, rayonnement ultraviolet), chimiques (particules), biologiques (agents infectieux, pollens), psychosociaux (traumatismes, politiques publiques…). « La finalité de ces programmes est de développer l’expertise et l’attractivité des équipes Inserm dans ce domaine, et de les placer en position d’obtenir des financements plus conséquents, notamment européens ou internationaux, dans les prochaines années », espère Robert Barouki. L’Institut, en tant que membre du consortium Sphera, qui associe des acteurs publics européens de la recherche sur l’environnement, le climat et la santé, est d’ailleurs signataire d’une tribune publiée le 28 novembre 2024, réclamant à la Commission européenne davantage de moyens pour étudier les effets du réchauffement climatique sur la santé.

« Le financement de ces programmes Inserm inclut également des opérations de communication, d’information et de mobilisation de la communauté scientifique », clarifie Basile Chaix. Des séminaires sont prévus régulièrement pour des chercheurs de notre Institut ou d’autres établissements. « J’en ai moi-même organisé huit sur le dérèglement climatique et la santé, avec à chaque fois trois spécialistes de différents sujets : les vagues de chaleur, la pollution de l’air, l’alimentation, les systèmes de soins, la santé mentale ou encore la qualité de l’air intérieur… Cela permet aussi de constituer des ressources documentaires », indique-t-il. « Pour augmenter la visibilité des programmes d’impulsion, nous communiquons aussi auprès d’universités et de grandes écoles », complètent Maïana Houssaye et Léa Breton, chargées de mission Grands projets de santé publique.

Informer les décideurs

L’Inserm connaît en outre l’importance de développer des passerelles entre scientifiques et politiques pour préparer la société aux changements globaux. Ainsi, un premier symposium international s’est tenu à Bruxelles en novembre 2024. Intitulé Climate, Pollution and Health : The Voice of Science, il incluait des chercheurs et des membres de la Commission européenne « pour augmenter la visibilité de ces sujets et encourager les décideurs à lancer des appels à projets dans cette direction », espère Robert Barouki.

Les sciences humaines et sociales sont également mises à contribution pour comprendre la diversité des comportements ou encore évaluer l’efficacité des politiques publiques. Marie-Laure Parmentier, directrice de recherche Inserm spécialisée sur la maladie d’Alzheimer, documente par exemple les effets du changement climatique sur la santé mentale. Elle a réorienté une partie de ses recherches sur l’éco-anxiété et a organisé un webinaire à l’Inserm sur ces questions en 2024. Elle est en outre référente sur cette thématique, au sein d’un groupe de travail du projet inter-institutionnel Respires porté par le Cirad, organisme de recherche pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes. L’objectif est d’évaluer l’impact du changement climatique et de la transition écologique sur la qualité de vie, les conditions de travail et la santé des salariés de l’enseignement supérieur et de la recherche. « Une première enquête nous permettra de mettre en évidence les freins et leviers pour favoriser l’engagement des personnels, et les opportunités d’actions pour les institutions », explique Marie-Laure Parmentier. Ces initiatives contribuent en outre à augmenter la visibilité de l’Inserm à l’international car la scientifique dirige également un groupe de travail du réseau européen CliMent sur la thématique « changement climatique et santé mentale ».

L’Institut, acteur de la transition

L’Inserm, en tant qu’employeur, doit lui-même être exemplaire en matière d’impacts environnementaux et sociaux. Cet engagement est inscrit dans sa stratégie RSE et l’établissement a entamé sa démarche de réduction de ces impacts. La cellule Transition écologique et sociétale coordonne ce travail en impliquant un maximum de services et d’unités de recherche, et fait le lien avec les partenaires extérieurs, notamment les autres tutelles des laboratoires. 

« Dans le cadre de la construction de notre stratégie RSE, nous avons identifié 21 enjeux prioritaires, explique Matthieu Thépin, responsable de cette cellule au sein du département des Affaires financières. Ensuite, nous avons collectivement sélectionné une trentaine d’actions prioritaires. Certaines peuvent être rapidement mises en place ; d’autres nécessitent un travail plus long et plus approfondi pour réorganiser des filières ou repenser des façons de travailler. Cela implique bien sûr l’ensemble des parties prenantes, internes comme externes – autres tutelles, fournisseurs, ministères… » Parmi ces actions, citons la valorisation des personnels engagés dans l’application de la RSE lors de leur évaluation annuelle, la mise en place d’une politique d’achats responsables, la meilleure gestion des déchets notamment plastiques, l’adoption d’une politique de déplacements professionnels qui tienne compte de l’impact carbone, ou encore l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments. En parallèle, la cellule poursuit un travail de fond pour mobiliser, conseiller et informer toutes les structures sur la transition écologique et sociétale par des fresques du climat, des ateliers 2tonnes et des formations. « Environ un tiers des unités de l’Inserm sont déjà impliquées dans des démarches grâce à notre réseau national de référents en transition écologique et sociétale, qui compte aujourd’hui plus de 200 membres. Mais l’objectif est d’en avoir un par laboratoire pour progresser davantage, toujours dans la co-construction des projets et des solutions », clarifie Matthieu Thépin. « Et à terme, nous voulons sensibiliser l’ensemble des personnels qui entrent à l’Inserm pour une activité professionnelle écoresponsable en matière de mobilités, d’achats, d’utilisation durable… », confie Émilie Tourneur, responsable du pôle Formations nationales.

Pour mesurer l’impact et l’efficacité des actions mises en place, l’Inserm a toutefois besoin d’indicateurs, notamment concernant les émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, chaque structure est encouragée à effectuer un bilan carbone. En 2024, une quarantaine d’entre elles s’est lancée dans cet exercice grâce à l’outil GES1point5 mis à disposition par un collectif scientifique, et d’autres sont en train de le faire. Plus globalement, un bilan carbone est prévu pour l’ensemble de l’Institut en 2025. « Toutes les émissions directes et indirectes de l’Inserm au cours de l’année seront prises en compte. Ce travail permettra d’obtenir des ordres de grandeur corrects pour dégager une stratégie de transition bas-carbone et ancrer l’Inserm dans les accords de Paris avec une trajectoire de réduction juste et ambitieuse à l’horizon de 2050 », conclut Matthieu Thépin. 

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