AccueilActualitéSciencePollution sonore : Mais quel brouhaha !Pollution sonore : Mais quel brouhaha ! Publié le : 23/06/2025 Temps de lecture : 5 min Actualité, ScienceLe bruit peut non seulement altérer notre audition mais aussi affecter notre santé sur le long terme. Il est grand temps de baisser d’un ton.Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°65Le tapage nocturne vous met les nerfs à vif ? Les crissements du métro vous stressent ? Le marteau-piqueur dans la rue vous casse les oreilles ? Vous n’êtes pas seul. Près de sept Français sur dix indiquent être gênés par le bruit selon une enquête de l’Ifop de 2022 pour l’Association nationale de l’audition. Au-delà de la gêne, le bruit peut provoquer des acouphènes, voire entraîner une perte d’audition. Mais l’impact des nuisances sonores ne se cantonne pas à ces effets auditifs : fatigue, irritabilité, problèmes de concentration, troubles de l’apprentissage, perturbation du sommeil… « L’exposition au bruit a des répercussions sur tout l’organisme à travers l’augmentation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle ou encore via la sécrétion d’hormones », ajoute Basile Chaix, épidémiologiste environnemental à Paris. Les sollicitations sonores subies au cours de la journée, et parfois de la nuit, peuvent aussi affecter notre santé cardiovasculaire sur le long terme. « Bien que les mécanismes ne soient pas encore pleinement élucidés, de nombreuses études ont mis en évidence des associations entre l’exposition répétée au bruit et l’hypertension artérielle mais aussi avec la survenue d’infarctus du myocarde et d’angines de poitrine. » L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère d’ailleurs la pollution sonore comme le deuxième facteur environnemental qui a le plus d’impact sur la santé des Européens après la pollution de l’air. Un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement publié en 2020 estime ainsi que les nuisances sonores contribuent chaque année à 48 000 nouveaux cas de maladies cardiaques et à 12 000 décès prématurés en Europe. « Il y a clairement une mauvaise appréciation de la dangerosité du bruit », regrette Basile Chaix.De nouveaux risques à évaluerOutre les maladies cardiovasculaires, des signaux de plus en plus forts associent l’exposition environnementale au bruit à d’autres pathologies comme la dépression, les démences, certains cancers ou encore les troubles du métabolisme tels que l’obésité et le diabète de type 2. Pourtant, il manque encore des études au long cours sur de grands échantillons de population pour confirmer ces liens. Le projet Brouhaha a ainsi pour ambition de fournir de telles données sur l’impact de l’exposition au bruit des transports sur le risque de maladies cardiométaboliques, notamment du diabète de type 2. « Nous avons déterminé les niveaux d’exposition au trafic routier, ferroviaire et aérien de près de 19 000 femmes de la première génération de la cohorte familiale E3N-Générations qui ont vécu en Île-de-France ou en Auvergne Rhône-Alpes entre 2000 et 2014, précise la géomaticienne Élodie Faure qui coordonne ce projet avec les épidémiologistes Gianluca Severi et Alexis Elbaz à Villejuif. Ces données sont en cours d’analyse en tenant compte de nombreux facteurs individuels de risque de ces femmes – leur régime alimentaire, leurs antécédents familiaux, leur indice de masse corporelle ou encore leur consommation de tabac et d’alcool – pour déterminer la relation entre l’exposition au bruit des transports et le risque de diabète de type 2 et d’hypertension artérielle. » Les premiers résultats sont attendus très prochainement.En parallèle, le projet Brouhaha comporte aussi une étude sur les variations à court terme d’indicateurs de santé en fonction de l’exposition au bruit. « L’objectif est de recruter 120 personnes de la seconde génération de la cohorte E3N et de déterminer en continu leur exposition au bruit pendant sept jours consécutifs tout en mesurant plusieurs marqueurs physiologiques dont la fréquence cardiaque et la glycémie, grâce à des dispositifs connectés et à des capteurs », ajoute la chercheuse. De quoi en savoir plus sur la façon dont notre organisme réagit selon son exposition au bruit tout le long de la journée.Du bruit dans les transportsAu vu des risques, avérés et supposés, pour la santé, il paraît essentiel de caractériser l’exposition de la population aux nuisances sonores. À l’heure actuelle, « cette exposition est déterminée en fonction du lieu d’habitation à l’aide de cartes de bruit construites par modélisation et représentant une exposition moyenne au bruit en façade des bâtiments », explique Basile Chaix. Les déplacements des individus ne sont donc pas pris en compte. Le projet MobiliSense indique pourtant que les mobilités individuelles contribuent de façon non négligeable à l’exposition des citadins au bruit. « Entre 2018 et 2020, nous avons recruté 259 habitants de la métropole du Grand Paris. Ces volontaires ont été équipés pendant quatre jours de sonomètres pour mesurer l’intensité du bruit à laquelle ils étaient exposés et de GPS pour localiser les sources des nuisances », précise l’épidémiologiste qui a coordonné cette étude financée par le Conseil européen de la recherche. « Leurs déplacements représentent 37,2 % de leur exposition quotidienne au bruit alors que ces volontaires n’y ont passé que 2 heures et 14 minutes en moyenne par jour, soit moins de 10 % de leur temps », précise le chercheur. Et sans surprise, ce sont les transports ferrés souterrains qui exposent le plus les participants de l’étude à la pollution sonore. « Je reste effaré par les niveaux de bruit dans le métro », confie Basile Chaix. À noter que les cyclistes sont aussi très exposés aux nuisances sonores, plus que les piétons et les passagers de voitures ou de bus. Ces résultats suggèrent que les cartes de bruit sous-estiment l’exposition des citadins aux nuisances sonores en ne prenant pas en compte leurs déplacements. Ils montrent par ailleurs que les participants ont été exposés à un niveau sonore supérieur aux recommandations de l’OMS près des deux tiers des jours de suivi.Alors que faire pour limiter l’exposition au bruit, tout particulièrement dans les espaces urbains où vit plus de 80 % de la population française ? « Il faut notamment créer des zones calmes où notre ouïe et notre organisme peuvent se reposer, faire évoluer les transports collectifs, en particulier le métro, et apaiser les villes vis-à-vis des véhicules motorisés, sans pour autant pénaliser les populations qui vivent en périphérie », estime Basile Chaix. Réduire la vitesse du trafic routier par exemple, favoriser les mobilités douces ou encore végétaliser les espaces urbains sont autant d’actions qui ont non seulement un impact sur le bruit mais aussi sur la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre. À bon entendeur.À écouterLe dernier épisode du podcast Les Volontaires est consacré aux participants de l’étude Brouhaha. Les effets de la pollution sonore sur la santé : stop au brouhaha !Podcast Basile Chaix est responsable de l’équipe Environnement, mobilité et santé à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (iPLesp,unité 1136 Inserm/Sorbonne Université) à Paris. Élodie Faure, Gianluca Severi et Alexis Elbaz sont chercheurs dans l’équipe Exposome et hérédité au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP, unité 1018 Inserm/Université Paris-Saclay/Université de Versailles-Saint-Quentin- en-Yvelines), à Villejuif.Source : G. Fancello et coll. Assessing the relationship between space-time behaviours and personal noise exposure using isotemporal substitution models in the Grand Paris area. J Expo Sci Environ Epidemiol., 21 mars 2025 ; doi : 10.1038/s41370-025–00765‑3Auteur : S. P.À lire aussi Cancers du sein : La lumière artificielle nocturne incriminée ?Actualité, Science Pollution atmosphérique : Respirer est-il mauvais pour la santé ?Actualité, Science