Athérosclérose : des cellules immunitaires aident à évacuer le cholestérol

Une population de cellules immunitaires appelées MAIT pourrait protéger nos artères. Une équipe Inserm vient en effet de montrer que, chez la souris, ces cellules augmentent l’élimination du cholestérol par voie intestinale et contribuent ainsi à réduire son accumulation dans les plaques d’athérome qui se forment au fil du temps sur les parois internes des artères. Alors qu’un mécanisme identique semble exister chez l’humain, cette découverte ouvre la voie à de potentiels nouveaux traitements contre l’athérosclérose.

Une population de cellules immunitaires semble protéger de l’athérosclérose. Cette maladie se caractérise par le dépôt de plaques d’athérome, essentiellement composées de lipides, le long de la paroi des artères. À terme, ces dépôts altèrent les artères et peuvent conduire à leur obstruction. La rupture des plaques est quant à elle à l’origine d’infarctus du myocarde ou d’accidents vasculaires cérébraux. À l’Institut hospitalo-universitaire ICAN sur les maladies cardiométaboliques à Paris, l’équipe de Philippe Lesnik, chercheur Inserm, étudie cette maladie et cherche à en décrire les mécanismes.

À partir de données collectées chez des patients qui en sont atteints, l’équipe a constaté qu’une population de cellules immunitaires était déficitaire dans leur circulation sanguine. Il s’agit des cellules MAIT pour Mucosal-Associated Invariant T cells. Surtout présentes dans les muqueuses, en particulier au niveau des intestins et des poumons, ces cellules peuvent néanmoins se retrouver dans la circulation sanguine ou dans le foie. Elles reconnaissent spécifiquement des composants bactériens et protègent des infections. Mais elles ont vraisemblablement d’autres fonctions puisque leur niveau d’activité a déjà été associé à plusieurs pathologies : la maladie du greffon contre l’hôte, la fibrose hépatique ou encore le diabète de type 1. Pour étudier leur rôle dans l’athérosclérose, l’équipe de Philippe Lesnik a utilisé plusieurs lignées de souris. Dans l’une, la production de cellules MAIT était stimulée de manière à ce qu’elles se retrouvent en excès. Dans une autre lignée, l’activité de ces cellules était au contraire inhibée. Les chercheurs ont administré à toutes ces souris un régime riche en cholestérol, un lipide dont on sait qu’il participe largement à la formation des plaques d’athérome.

Une voie d’excrétion activée

Chez les animaux déficients en cellules MAIT, l’athérosclérose s’est rapidement développée. À l’inverse, chez ceux qui présentaient une surabondance de ces cellules, la maladie était atténuée grâce à un meilleur contrôle des taux de cholestérol dans l’organisme. Mais ce phénomène était accompagné d’une diminution progressive de la quantité de cellules MAIT en circulation dans le sang des animaux, parallèlement à la progression lente de l’athérosclérose. Différentes expériences ont permis aux chercheurs de comprendre ce qu’il se passait : « En suivant le trajet du cholestérol dans l’organisme, nous avons découvert qu’il était davantage éliminé au niveau intestinal (voir encadré), évitant son accumulation dans les organes et dans les plaques d’athérome, explique Philippe Lesnik. Et cela, grâce aux cellules MAIT. »

« Ces cellules immunitaires sont recrutées dans l’intestin, probablement en réponse à des perturbations du microbiote intestinal, elles-mêmes liées à des habitudes alimentaires délétères qui favorisent le développement de l’athérosclérose. Là, elles contribuent à l’activation d’un mécanisme moléculaire, la voie IL-22, fortement corrélée à l’expression de gènes impliqués dans l’excrétion du cholestérol », décrit Philippe Lesnik. Cette « séquestration » des cellules MAIT dans l’intestin expliquerait la baisse de leur concentration observée dans le sang des patients atteints d’athérosclérose.

L’équipe souhaite poursuivre ses recherches chez l’humain pour tenter d’intervenir sur l’action des cellules MAIT dans un but thérapeutique. « Nos travaux suggèrent qu’elles pourraient constituer de bonnes cibles pour développer de nouveaux traitements contre l’athérosclérose », conclut-il.

Comment l’excès de cholestérol est éliminé de l’organisme ?

Il existe deux voies d’élimination (ou « excrétion ») du cholestérol : la voie biliaire et la voie intestinale. Dans la première voie, le cholestérol est converti par le foie en sels biliaires, mélangés à la bile puis stockés dans la vésicule biliaire. Lors de la digestion, ces sels biliaires sont libérés dans l’intestin où ils facilitent l’absorption des lipides. Une partie de ces sels sera ensuite directement éliminée dans les fèces, et une autre réabsorbée dans l’intestin grêle et recyclée par le foie. La seconde voie d’excrétion du cholestérol, la voie intestinale, repose sur le passage direct du cholestérol du sang vers la lumière de l’intestin, sans transformation préalable en sels biliaires. Environ 20 à 30 % du cholestérol excédentaire serait éliminé de notre organisme de cette façon.


Philippe Lesnik est directeur de recherche Inserm dans l’unité de recherche Maladies cardiovasculaires du métabolisme et de la nutrition (ICAN, unité 1166, Inserm/Sorbonne Université), à Paris.


Source : H. Wang et coll. MAIT Cells Promote Cholesterol Excretion Pathways Mitigating Atherosclerosis. Circulation Research, 26 mars 2025 ; DOI :10.1161/circresaha.124.325841

Autrice : A. R.

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