Maladie du greffon contre l’hôte : un effet protecteur des cellules MAIT

La maladie du greffon contre l’hôte peut survenir après une greffe de moelle osseuse réalisée dans le cadre du traitement d’une leucémie. Les lymphocytes T contenus dans le greffon vont attaquer les cellules du patient greffé, conduisant à des lésions des tissus sains. Pour lutter contre ce phénomène, une équipe Inserm s’intéresse à des cellules appelées MAIT qui possèdent des propriétés immunorégulatrices et réparatrices, et pourraient représenter une option thérapeutique sérieuse.

La maladie du greffon contre l’hôte est une complication grave, parfois mortelle, d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques (ou greffe de moelle osseuse) effectuée le plus souvent pour traiter une leucémie. Elle survient lorsque les cellules du donneur présentent une incompatibilité immunologique avec celles du receveur, et voient dans ces dernières des cellules étrangères. Les lymphocytes T du donneur, dits « alloréactifs », vont alors détruire les cellules et tissus sains de l’hôte. Ce phénomène survient chez environ 20 à 50 % des patients greffés, rapidement après l’intervention ou plus tardivement. Il peut être très difficile à traiter.

De nombreuses équipes travaillent sur des stratégies immunosuppressives pour réduire l’activité de ces cellules T alloréactives. Parmi elles, celle de Sophie Caillat-Zucman à l’hôpital Saint-Louis à Paris. La chercheuse et ses collaborateurs s’intéressent en particulier aux cellules MAIT, des lymphocytes T associés aux muqueuses qui résident dans certains organes et tissus tels que les intestins, les poumons, la peau ou encore le foie. De récents travaux ont montré que ces cellules présentent des propriétés immunorégulatrices et réparatrices pour les tissus. Mais surtout, elles sont sans danger pour les cellules humaines car elles reconnaissent uniquement des composants bactériens, pas les cellules humaines étrangères. Leur rôle principal est en effet d’éliminer des pathogènes au niveau des muqueuses. Elles sont donc potentiellement de bonnes candidates pour lutter contre la maladie du greffon contre l’hôte.

Une utilisation aisée

Afin d’évaluer leur intérêt thérapeutique, l’équipe de Sophie Caillat-Zucman a réalisé plusieurs expériences. Sur des cultures cellulaires, les chercheurs ont montré que les cellules MAIT réduisent l’activité et la prolifération de cellules T humaines alloréactives, de manière dose dépendante et par contact direct. Et dans un modèle murin de maladie du greffon contre l’hôte, l’injection de cellules MAIT– qu’elles soient administrées au moment de la greffe ou ultérieurement – a réduit la sévérité de cette complication et prolongé l’espérance de vie des animaux. Ces preuves de principe ouvrent la voie à l’expérimentation de ces cellules chez l’humain : « Les cellules MAIT peuvent être facilement prélevées, purifiées et amplifiées à partir d’une simple prise de sang puisqu’une partie d’entre elles sont présentes dans la circulation. Et puisqu’elles sont dépourvues de capacités alloréactives, elles peuvent être prélevées chez n’importe quel donneur sain et réinjectées sans danger à un patient non apparenté. Si leur efficacité se confirme chez l’humain dans cette indication, elles pourraient être administrées dès les premiers signes d’une maladie du greffon contre l’hôte », entrevoit Sophie Caillat-Zucman.

En attendant d’en arriver là, son équipe tente de mieux caractériser le mode d’action immunorégulatrice de ces cellules et va vérifier si leur administration est sans incidence sur le risque de rechute de leucémie après la greffe. Elle souhaite également les tester dans d’autres modèles physiopathologiques. En effet, « toute maladie inflammatoire localisée au niveau de muqueuses où des MAIT injectées peuvent migrer est potentiellement contrôlable par ces cellules. Par exemple, cela pourrait être le cas des maladies inflammatoires chroniques des intestins », projette-t-elle.


Sophie Caillat-Zucman est responsable de l’équipe Réponses immunes chez l’hôte immunocompromis : tolérance versus GVHD au sein de l’unité Immunologie humaine, physiopathologie et immunothérapie (Hipi Lab, unité 976 Inserm/Université Paris Cité), à l’hôpital Saint-Louis à Paris.


Source : N. Talvard-Balland et coll. Human MAIT cells inhibit alloreactive T‑cell responses and protect from acute graft-versus-host disease. JCI Insight, 1er février 2024 ; DOI : 10.1172/jci.insight.166310

Autrice : A. R.

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Image en super résolution d'un groupe de lymphocytes T tueurs (en vert et rouge) entourant une cellule cancéreuse (bleu, au centre). © Alex Ritter, Jennifer Lippincott Schwartz et Gillian Griffiths, National Institutes of Health.