Insuffisance rénale

Décrypter les mécanismes de destruction du rein

L’insuffisance rénale résulte de l’évolution lente de maladies qui conduisent à la destruction des reins. Elle concerne plus de 82 000 personnes en France et nécessite le recours à la dialyse ou à la transplantation. Dans 50% des cas, les maladies rénales chroniques qui conduisent à l’insuffisance rénale sont la conséquence d’un diabète ou d’une hypertension artérielle.

Des progrès fulgurants ont été réalisés ces 10 dernières années dans la compréhension des mécanismes impliqués la destruction des reins au cours de ces maladies. Les recherches conduites permettent d’identifier des marqueurs diagnostiques et pronostiques. Elles autorisent aussi une meilleure adéquation des traitements aux patients et la réduction des récidives.

Dossier réalisé en collaboration avec Pierre Ronco (service de Néphrologie et dialyses de l’hôpital Tenon, AP-HP – unité Inserm 1155, Paris), Christos Chatziantoniou (unité Inserm 1155) et Renato Monteiro (Centre de recherche sur l’inflammation, unité Inserm 1149, Université Paris Diderot) 

Comprendre l’insuffisance rénale

L’insuffisance rénale chronique (IRC) résulte de la destruction progressive et irréversible des reins. Elle se solde par la mort du patient si aucun traitement n’est appliqué. 

Ses causes sont diverses et parfois inconnues, mêlant des facteurs génétiques, environnementaux et dégénératifs. Les complications associées découlent de la variété des fonctions remplies par les reins. Leur rôle le plus connu est de filtrer le sang pour éliminer les déchets issus du métabolisme (urée, créatinine, acide urique...). Mais ils servent également à maintenir l’eau à un niveau constant dans le corps et à équilibrer les taux de sels minéraux nécessaires à l’organisme comme le potassium, le phosphore ou le sodium. Ils produisent aussi des hormones, des enzymes et des vitamines indispensables à la fabrication des globules rouges, à la régulation de la pression artérielle et à la fixation du calcium. 

Le filtre de vie – animation pédagogique – 3 min 02 – vidéo extraite de la série À bord du Nanotilus (2012)

Quand parle-t-on d’insuffisance rénale aiguë ?

L’insuffisance rénale chronique correspond à une destruction progressive et irréversible des reins. A l’inverse, l’insuffisance rénale aiguë se dit d’un dysfonctionnement transitoire et réversible de ces organes, provoqué par une hémorragie, une infection générale (septicémie), une intoxication médicamenteuse ou l’obstruction des voies urinaires (calculs, adénome prostatique) par exemple. Le recours à la dialyse est alors indispensable. Elle permet au patient de survivre pendant le processus d’autoréparation rénale qui se met en place une fois le patient stabilisé. On sait aujourd’hui que ce processus n’est pas complet et qu’il reste une mémoire de l’agression.


10% des Français seraient concernés

Le nombre total de malades souffrant d’insuffisance rénale est difficile à évaluer car la maladie ne se manifeste que lorsqu’elle a atteint un stade très avancé, parfois au bout de plusieurs dizaines d’années d’évolution silencieuse. Ainsi elle se manifeste rarement avant 45 ans, et sa prévalence augmente avec l’âge, notamment après 65 ans. 

Le Réseau épidémiologie et information en néphrologie (REIN) répertorie les patients pris en charge par dialyse ou transplantés. Fin 2015, il comptabilisait 82 295 personnes traitées pour insuffisance rénale chronique terminale. Le nombre de nouveaux cas augmente chaque année et concerne en premier lieu les personnes âgées de plus de 75 ans et les diabétiques. 

Partie immergée de l’iceberg, le nombre de personnes malades des reins qui ne présentent pas de symptômes avoisinerait quant à lui 10% de la population française selon les estimations actuelles. Il place l’insuffisance rénale chronique dans la « top liste » des enjeux de santé publique : son dépistage devrait être systématiquement réalisé chez les sujets à risque (hypertendus, diabétiques) et les personnes de plus de 60 ans, entre autres. 

Les causes de la maladie 

Détail structural d'un rein humain
Détail structural d’un rein humain. © Inserm/Celio, Marco

Les causes principales actuelles de l’insuffisance rénale sont le diabète et l’hypertension.

L’hyperglycémie diabétique induit une détérioration des petits vaisseaux au niveau des glomérules, qui entraîne à terme le dysfonctionnement des reins. On parle de néphropathie diabétique. C’est la première cause de mise en dialyse dans les pays développés, avec une proportion qui augmente et un âge de survenue qui baisse. Elle constituait 22% des nouveaux cas d’insuffisance rénale chronique terminale en 2015. 

L’hypertension artérielle est l’autre cause principale d’insuffisance rénale. Elle s’associe à des rétrécissements des petites artères du rein qui peuvent se boucher et à une diminution de la vascularisation qui peut conduire à une défaillance rénale. La néphropathie hypertensive comptait pour 25% des nouveaux cas d’insuffisance rénale chronique terminale en 2015 et elle est en augmentation. 

Causes insuffisance rénale : 15,6% inconnu, 12% glomérulonéphrite primitive, 4,3% pyélonéphrite, 5,4 polykystose, 22,3 néphropathie diabétique, 25,2% hypertension, 0,8% vasculaire, 14,5% autre
Exprimées en pourcentage des nouveaux cas (source : Rapport d’activité 2015 du REIN)

Les autres néphropathies peuvent impliquer différents mécanismes, inflammatoire, dégénératif ou génétique. Elles sont souvent détectées à l’occasion d’une analyse de sang ou d’urine (protéinurie, hématurie), ou encore de la mesure de la pression artérielle pour un autre motif. 

Les glomérulonéphrites primitives, qui constituaient la majeure partie des insuffisances rénales dans les années 1990, ne concernent plus que 12% des patients, mais elles doivent être diagnostiquées précisément car elles répondent souvent à un traitement spécifique. 

Les pyélonéphrites constituent 4,3% des nouveaux cas d’insuffisance rénale. Elles résultent d’infections bactériennes répétées des voies urinaires hautes, souvent par E. coli, affectant l’un ou les deux reins. 

L’insuffisance rénale peut également résulter d’une maladie génétique héréditaire affectant les reins. La polykystose est la plus fréquente d’entre elles avec 1 personne sur 1 000 touchée, ce qui représente 800 000 personnes en France et 5,4% des nouveaux cas répertoriés en 2015. Elle se manifeste par l’apparition progressive de kystes le long du tubule qui récupère les déchets filtrés par le glomérule. En proliférant et en grossissant, ces kystes envahissent les reins et empêchent leur fonctionnement normal. 

Freiner l’évolution de la maladie

Une fois la maladie rénale identifiée, l’objectif des traitements est de ralentir la destruction des reins en réduisant l’inflammation à l’origine du trouble dans les glomérulonéphrites et en prescrivant un traitement dit « néphroprotecteur ». L’objectif est de retarder de plusieurs mois ou années l’évolution de l’insuffisance rénale vers son stade terminal. 

Cause et conséquence de l’insuffisance rénale chronique, l’hypertension doit être contrôlée par un régime pauvre en sel et par un traitement hypotenseur. Il convient également de réduire les autres facteurs de risque cardiovasculaire, ainsi que d’éviter les médicaments néphrotoxiques ou d’adapter leur posologie. Sont également parfois prescrits certains médicaments qui favorisent l’érythropoïèse, réduisent l’absorption du phosphore, et l’élimination des excès d’eau et de sel, rétablissent l’équilibre acido-basique, et assurent des apports suffisants de vitamine D et de calcium. 

L’adoption d’une bonne hygiène de vie permet elle-aussi de ralentir la destruction des reins. L’arrêt du tabac et l’adoption d’un régime alimentaire adapté est indispensable (réduction des protéines animales et des apports en phosphore, sodium, potassium, lipides, boire suffisamment), tout comme l’exercice physique quotidien. 

Pallier les défaillances fonctionnelles du rein

Cinq stades ont été définis dans la progression de la destruction des reins observée dans l’insuffisance rénale chronique. Le dernier, appelé stade terminal, correspond au moment où les deux reins ont perdu plus de 85% de leur fonction (débit de filtration glomérulaire <15 ml/min).

Certains patients peuvent être stabilisés au stade 5 pendant plusieurs années. Mais la fonction rénale doit être le plus souvent suppléée par une transplantation de rein ou par une méthode d’épuration du sang via une dérivation extracorporelle (hémodialyse) ou péritonéale (dialyse péritonéale). Ces techniques ont révolutionné la prise en charge de la maladie rénale chronique qui était auparavant mortelle. 

L’hémodialyse filtre le sang à travers une membrane artificielle pendant 4 heures, trois fois par semaine. Elle doit s’accompagner d’une prescription d’érythropoïétine et d’une alimentation adaptée pour pallier les anomalies métaboliques non corrigées par ce traitement, comme l’anémie et les désordres minéraux phosphocalciques. 

La dialyse péritonéale, développée dès les années 1930, utilise le péritoine du patient comme membrane filtrante. La présence de cicatrices internes ou d’adhérences, d’hernie abdominale ou de diverticulose colique, ou encore une insuffisance respiratoire sévère proscrivent toutefois l’utilisation de cette voie thérapeutique. La capacité de filtration du péritoine diminue avec le temps, ce qui limite souvent son utilisation à environ 5 ans. Le développement des techniques de dialyse quotidienne à domicile connait cependant un grand essor, améliorant la qualité de vie du patient. 

Pour en savoir plus sur la dialyse


La greffe, un traitement de choix

La transplantation rénale est un traitement de choix car elle améliore la qualité et l’espérance de vie du patient : 70% des greffons sont encore fonctionnels après 10 ans, 50% après 14 ans. Elle nécessite toutefois la prise quotidienne de traitements immunosuppresseurs, souvent responsables de complications (infections, prédisposition à certains cancers). 

Malgré les efforts déployés en faveur du don, les besoins en greffons rénaux sont loin d’être satisfaits : en 2015, 3 488 greffes ont été effectuées pour un nombre total de candidats qui a atteint 16 529. C’est dire combien il est important de développer la greffe à partir de donneur vivant. En France, la famille (parents, enfants, frères, sœurs, oncles, tantes, cousins germains), mais aussi toute personne ayant un lien affectif étroit et stable depuis au moins 2 ans avec le futur receveur peut donner un rein. Malgré cela, la greffe à partir de donneur vivant reste encore minoritaire en France, représentant moins de 20% des greffes rénales réalisées. 

Plus d’informations sur la transplantation d’organe


Les enjeux de la recherche

La France est un des leaders mondiaux dans la recherche sur le rein. Les équipes Inserm ont très largement contribué à l’énorme évolution des stratégies thérapeutiques enregistrées ces dernières années. Ces progrès reposent sur une meilleure compréhension des mécanismes à l’œuvre : Cerner ces mécanismes donne en effet la possibilité d’identifier des biomarqueurs diagnostiques et pronostiques pour adapter les stratégies thérapeutiques. Certaines formes d’insuffisance rénale ont ainsi vu leur prise en charge révolutionnée, d’autres bénéficient de nouvelles molécules plus performantes. 

Les recherches portant sur la correction de gènes défaillants (thérapie génique) ou sur la régénération du rein (thérapie cellulaire) n’en sont qu’à leurs balbutiements. La reconstitution du rein (à l’étude chez l’animal) est un vrai défi : cet organe est en effet constitué de plus de 30 types de cellules différentes. 

Comprendre les mécanismes à l’œuvre

Les apports de l’étude de la physiologie rénale

Les travaux de Pascal Houillier (unité Inserm 1138, Centre de recherche des Cordeliers, Paris) et Dominique Eladari (unité Inserm 1188, La Réunion) sur l’étude de la physiologie du tubule rénal ont permis la compréhension des mécanismes de progression de la maladie rénale. Ils sont la mémoire de la grande école de physiologie française et les seuls détenteurs de techniques d’investigation indispensables à cette recherche. 

Les apports de l’étude des maladies d’origine génétique

La compréhension des maladies du rein d’origine génétique a fait des progrès fulgurants. A la pointe dans ce domaine, l’équipe de Sophie Saunier et Corinne Antignac (unité Inserm 1163, Institut Imagine, Paris) a trouvé plusieurs causes de maladies génétiques touchant le glomérule chez le jeune enfant, mais aussi chez les adolescents et les jeunes adultes. Elle a notamment identifié, en 2004, une mutation induisant une anomalie du trafic intracellulaire : la séquestration de la podocine, une protéine qui joue un rôle clé dans le contrôle de la perméabilité aux protéines par les podocytes. Cette découverte est à l’origine d’une recherche très active sur les protéines chaperons, des molécules qui assistent les autres dans leur fonction et qui pourraient, en l’occurrence, se fixer à la podocine pour la conduire vers la membrane. Cette voie prometteuse a déjà donné de bons résultats dans le cas de la maladie de Fabry dont une forme résulte de la séquestration d’une enzyme, l’alpha-galactosidase A, dans un organite cellulaire, le lysosome. L’identification d’un chaperon spécifique, le médicament Migalastat, permet aujourd’hui de rétablir ce trafic. 

Des mutations d’un gène du collagène (COL4A1) des membranes basales des vaisseaux ont été identifiées par Emmanuelle Plaisier (unité Inserm 1155, Hôpital Tenon, Paris). Ces mutations sont à l’origine d’une maladie kystique des reins associée à une pathologie vasculaire. Ce nouveau syndrome apporte des informations importantes sur le rôle de ce collagène dans la pathologie vasculaire, illustrant ainsi comment la découverte d’une maladie rare peut éclairer la compréhension de maladies fréquentes comme l’hypertension artérielle. 

La recherche sur les maladies rénales – Interview – 4 min 22 – CORDDIM (2013)

Des progrès ont également été réalisés dans la compréhension des maladies rénales d’origine multigénique, révolutionnant dans certains cas la prise en charge du patient. C’est le cas, par exemple, de la glomérulopathie extramembraneuse, maladie auto-immune qui conduit dans 30% des cas à une insuffisance rénale nécessitant le recours à la dialyse ou à la transplantation. L’étude du génome entier de 600 patients, réalisée par un consortium de chercheurs anglais, hollandais et français, dont l’unité de Pierre Ronco et Hanna Debiec (unité Inserm 1155), a permis d’identifier les gènes de prédisposition à cette maladie. L’un code pour l’antigène attaqué par le système immunitaire, PLA2R1, et le second pour les molécules HLA qui présentent cet antigène au système immunitaire. 

L’anticorps anti-PLA2R1 a démontré depuis sa valeur diagnostique et pronostique et ouvert la voie à des recherches thérapeutiques (voir plus loin). Cette découverte se révèle également essentielle pour définir la stratégie de transplantation. Une étude toute récente de la même unité montre en effet que le risque de récidive sur le greffon est associé à la présence de variants HLA particuliers chez le donneur. Il sera ainsi possible d’éliminer ce risque en choisissant, sur ce critère, les reins à greffer à ces patients. 

Identification des voies de destruction des podocytes

De nombreuses recherches permettent par ailleurs d’éclairer les mécanismes intervenant dans la détérioration des podocytes, les cellules du glomérule qui contrôlent la perméabilité aux protéines. Ces cellules sont en effet les premières touchées dans les glomérulopathies. Elles sont également affectées dans toutes les situations où le nombre de néphrons fonctionnel diminue et jouent ainsi un rôle déterminant dans la progression des maladies rénales. Leur altération puis leur mort conduit à celle des glomérules et, à terme, du rein. Mieux comprendre les cascades de processus qui mènent à la détérioration des podocytes peut permettre d’identifier des cibles pour ralentir cette dégradation. 

Podocytes
Le cytosquelette très développé est marqué en rouge. © Inserm/Antignac, Corinne

C’est ainsi que l’équipe de Fabiola Terzi (unité Inserm 1151) a identifié une enzyme déterminante dans l’adaptation des néphrons aux maladies rénales chroniques, l’AKT2. Lorsqu’elle est activée, cette enzyme protège les podocytes. Cette découverte a permis, par exemple, de limiter la prescription d’un immunosuppresseur largement utilisé dans la prévention du rejet de greffe de rein (inhibiteur de mTOR) car ce médicament prévient l’activation de l’AKT2.

L’équipe de Pierre-Louis Tharaux (unité Inserm 970, PARCC, Paris) a montré l’implication d’un facteur de croissance (HB-EGF) qui provoque la prolifération puis la mort des podocytes en réponse à l’inflammation des glomérules. L’administration d’un inhibiteur pharmacologique de ce facteur de croissance chez la souris préserve la fonction rénale et améliore la survie. Cet inhibiteur, développé pour le traitement de certains cancers, pourrait ainsi venir compléter les traitements immunosuppresseurs classiques si les essais thérapeutiques confirment leur intérêt chez l’homme.

Un autre mécanisme d’adaptation original du podocyte à une sollicitation excessive a été mis à jour par l’équipe de Nicolas Pallet (unité Inserm 1147, Centre universitaire des Saints Pères, Paris). Il s’agit du processus d’autophagie qui permet aux cellules de renouveler leurs constituants par une sorte de recyclage, mais conduit à leur destruction si le stress se prolonge, qu’il soit d’origine toxique, immunologique, infectieux, métabolique ou ischémique. Cette découverte ouvre également la voie à des études sur les moyens médicamenteux de lutter contre ce stress pour protéger la cellule et sur l’identification de biomarqueurs pour mesurer la souffrance tissulaire. 

Impact de l’alimentation dans les maladies associées à des anomalies immunitaires

Une autre voie de recherche prometteuse vise à comprendre le rôle que pourraient jouer la flore intestinale (microbiote) et l’alimentation dans certaines formes de néphropathies associées à une anomalie immunitaire, en particulier dans la maladie de Berger, ou néphropathie à IgA. Dans cette maladie, des anticorps IgA de structure anormale sont produits en quantité excessive par la muqueuse intestinale. Ils s’agglutinent et se déposent dans le glomérule, finissant par entraîner une insuffisance rénale dans 20 à 30% des cas. De plus en plus de travaux soulignent aujourd’hui la contribution de certaines bactéries intestinales dans cette hyperproduction d’IgA. L’implication de molécules qui jouent également un rôle dans la maladie cœliaque, liée à l’ingestion de gluten, plaide également pour l’influence de l’alimentation chez des sujets sensibles. L’équipe de Renato Monteiro (unité Inserm 1149, Centre de recherche sur l’inflammation, Paris), a pu montrer par exemple que cette voie commune permettait d’améliorer l’état des glomérules par l’éviction du gluten chez les souris atteintes de la maladie.

Trouver des marqueurs pour adapter le traitement au patient : vers une médecine personnalisée

Un pan actif de la recherche s’applique à identifier des marqueurs, c’est-à-dire des molécules dont la présence chez un patient permet d’établir un diagnostic ou un pronostic et d’orienter le traitement de façon adaptée. 

Pour reprendre l’exemple de la glomérulopathie extramembraneuse, l’anticorps anti-PLA2R est un marqueur spécifique de la maladie. Un diagnostic sûr est ainsi possible grâce à un simple dosage sanguin, et peut-être demain avec une simple bandelette trempée dans les urines. Ce type de marqueur peut permettre, au moins dans certains cas, de s’affranchir de la biopsie rénale jusqu’à présent nécessaire pour établir un diagnostic. L’anticorps anti-PLA2R a également une valeur pronostique puisqu’un taux élevé persistant peut conduire à une insuffisance rénale chronique si on ne met pas en place un traitement immunosuppresseur approprié. 

Chez l’enfant, les maladies du développement rénal sont la première cause de l’insuffisance rénale. Elles nécessitent une prise en charge précoce qui pourrait être facilitée par l’identification de biomarqueurs spécifiques. L’équipe de Joost Schanstra (unité Inserm 1048, Toulouse) a justement identifié des biomarqueurs prédictifs de la progression de la maladie rénale, mesurable à la fois avant (dans le liquide amniotique ou l’urine fœtale) et après la naissance (dans l’urine) des enfants, permettant d’améliorer leur prise en charge. 

D’autres biomarqueurs ont été identifiés par des équipes de l’Inserm, dont la périostine, le DDR1 (Christos Chatziantoniou, unité Inserm 1155), la phosphatase SHP‑1 (Renato Monteiro et Sanae Ben Mkaddem), la lipocaline (Fabiola Terzi) ou le gène c‑mip (Dil Sahali, unité Inserm 955, Créteil) pour n’en citer que quelques-uns. La valeur pronostique potentielle de ces biomarqueurs a été mise en évidence chez l’animal ou sur de petits échantillons de patients. La généralisation de leur usage nécessite leur validation préalable sur des populations importantes. C’est l’un des objectifs des cohortes de patients comme CKD-Rein qui regroupe plus de 3 000 patients atteints de maladies rénales chroniques (Bénédicte Stengel et Ziad Massy, unités Inserm 1018 et 1088). Dans le cadre de cette cohorte, l’équipe de Joost Schanstra a en outre démarré une étude visant à identifier les patients à risque de complication cardiovasculaire parmi ceux souffrant d’une maladie rénale chronique. 

Plus largement, les cohortes sont nécessaires à la compréhension des déterminismes sociaux, culturels, environnementaux, familiaux et génétiques qui permettront de mettre en place un traitement personnalisé, adapté à chaque profil de patients. 

Identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques 

l’Inserm s’est illustré dans la recherche thérapeutique par de nombreux travaux originaux qui ont parfois permis de trouver des traitements pour des maladies qui ne disposaient d’aucun. Le cas du syndrome hémolytique et urémique (SHU) est particulièrement exemplaire de ce point de vue. Une forme de cette affection très rare résulte d’une anomalie de l’immunité innée portant sur une voie du système de complément. Cette anomalie conduit à la destruction du rein mais également, après transplantation, à celle du greffon. Une équipe française conduite par Christophe Legendre (unité Inserm 1151, hôpital Necker, Paris) a montré l’efficacité d’un traitement ciblant le composant C5 du complément, y compris dans la prévention des récidives après transplantation. 

De même, l’identification par l’équipe de Guillaume Canaud (unité Inserm 1151) de la voie de signalisation AKT/mTORC, impliquée dans les mécanismes menant à l’épaississement de la paroi des vaisseaux et à la destruction des reins et des greffons dans le syndrome des phospholipides, a permis d’éviter la récidive des lésions vasculaires et l’amélioration de la survie du greffon grâce à l’utilisation d’un inhibiteur de cette voie, le sirolimus. Par ailleurs, Sophie Brouard et son équipe (unité Inserm 1064, Nantes) ont montré que les lymphocytes T du sang des patients greffés ont un profil particulier, ce qui pourrait permettre de diagnostiquer de façon précoce la tolérance ou le rejet du greffon et d’adapter le traitement immunosuppresseur en conséquence. 

Chez les patients atteints de glomérulopathie extramembraneuse, à la suite des travaux sur l’antigène PLA2R1, les équipes de Pierre Ronco et de Tabassome Simon (hôpital Saint-Antoine, Paris) ont testé chez 80 patients, de 2012 à 2014, un anticorps dirigé contre les cellules immunitaires responsables de cet effet toxique, le rituximab. Cette molécule s’est révélée plus efficace que les traitements anti-protéinuriques classiquement prescrits, avec une rémission immunologique (disparition des anticorps) chez 50% des patients dès le troisième mois (contre 12%) et une rémission clinique chez 64% d’entre eux (contre 34%) à la fin du suivi. 

Les travaux de l’équipe de Fabiola Terzi sur la lipocaline 2 (LCN2), impliquée dans plusieurs voies de signalisation conduisant à la détérioration des néphrons, ont également permis d’envisager de nouvelles voies de traitement pour ralentir la progression des maladies rénales chroniques. Cette équipe a pu montrer que l’acide phényl-butyque (PBA), un médicament utilisé pour traiter les troubles génétiques du métabolisme de l’urée, inhibe la sécrétion de LCN2 et pourrait ainsi ralentir le processus de destruction des reins. 

Ces quelques exemples donnent seulement un aperçu des différents fronts de recherche sur lesquels les équipes de l’Inserm joue un rôle de premier plan au niveau mondial. 

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