Pierre-Louis Tharaux , Prix Recherche 2021

Il y a vingt-cinq ans, Pierre-Louis Tharaux, alors néphrologue, s’est lancé un défi : contribuer à sortir l’insuffisance rénale de l’impasse thérapeutique. Désormais chercheur, il est en passe de réussir avec une approche innovante et un premier traitement à l’essai chez des malades : des avancées récompensées par le Prix Recherche.

Portrait de Pierre-Louis Tharaux
Pierre-Louis Tharaux © Inserm / François Guénet

En quête de traitements contre l’insuffisance rénale

Portrait vidéo de Pierre-Louis Tharaux, Prix Recherche 2021 – 1 min 06

« La transplantation et la dialyse permettent de traiter les maladies rénales, mais elles interviennent tard, quand le rein est totalement défaillant, indique Pierre-Louis Tharaux, qui codirige avec Éric Camerer l’équipe Signalisation rénale et vasculaire : du développement à la maladie au Paris Centre de recherche cardiovasculaire (Parcc, unité 970 Inserm/Université de Paris, Paris). Il faut donc mener des recherches pour comprendre ces pathologies et trouver des traitements qui agissent avant. » Une conviction acquise dès son internat en médecine.

Il choisit donc la recherche, mais reste influencé par son activité de médecin. « Parmi les malades qui ont par exemple un diabète, une hypertension ou une maladie auto-immune, certains développent une insuffisance rénale plus ou moins sévère et d’autres non, explique-t-il. Cela suggère qu’il y a des systèmes qui gouvernent la tolérance de nos organes aux agressions et qui sont des cibles thérapeutiques potentielles, complémentaires des traitements qui visent la cause même de la pathologie. »

Agir tôt pour préserver les reins

Au milieu des années 2000, jeune chercheur, Pierre-Louis Tharaux confronte avec succès son approche à la drépanocytose, une maladie génétique des globules rouges, qui peut toucher les reins. Il montre qu’il est possible de moduler le tonus et l’inflammation des vaisseaux sanguins et d’éviter ainsi qu’ils soient obstrués par les globules rouges anormaux1.

Devenu directeur de recherche Inserm en 2009, il recentre ses travaux sur les maladies rénales non génétiques les plus sévères. L’objectif : préserver les glomérules. La destruction de ces structures clés des reins, chargées de filtrer les déchets du sang excrétés sous forme d’urine, conduit à une insuffisance rénale sévère.

Son équipe allie recherches fondamentales et cliniques. Elle est soutenue par le Conseil européen pour la science, la Fondation pour la recherche médicale et la Fondation maladies rares, et collabore en particulier avec l’École polytechnique ainsi que les universités de Fribourg et de Hambourg en Allemagne. Elle a ainsi identifié des mécanismes montrant que les cellules des glomérules malades deviennent actrices de la maladie. Parmi celles-ci, les podocytes sécrètent un facteur qui favorise leur propre mort2. Dans le diabète, leur système de contrôle qualité des protéines est défaillant3. Dans les maladies auto-immunes, elles deviennent plus sensibles à l’inflammation4–5. Enfin, lorsqu’un glomérule est lésé, il envoie des signaux à des cellules situées à proximité qui viennent le détruire6.

Mosaïque de portraits des membres de l'équipe de Pierre-Louis Tharaux
De gauche à droite et de haut en bas : Anis Chaba, Johanna Comes, Julien Dang, Jean-Daniel Delbet, Léa Dionet, Christine Ibrahim, Alexandre Karras, Olivia Lenoir, Marie Quentin, Léa Resmini, Yann Salemkour, Benjamin Terrier © Inserm / François Guénet

De nombreux mécanismes éclairés

« Or, tous ces mécanismes locaux peuvent être modulés. De fait, nous allons débuter un essai clinique dans des maladies inflammatoires auto-immunes des reins, en repositionnant un antidiabétique, la pioglitazone », complète Pierre-Louis Tharaux qui, en matière de traitements potentiels, a plus d’une corde à son arc. Le chercheur a en effet déposé dix brevets avec le support d’Inserm Transfert.

Enfin, fidèle à son approche, « au début de la pandémie de Covid-19, faute d’antiviraux disponibles, avec d’autres médecins et chercheurs, nous avons proposé au consortium REACTing de tester des médicaments pour limiter la destruction des organes infectés par le virus, relate-t-il. C’est ainsi qu’ont débuté les essais Corimuno-19, qui ont montré l’intérêt thérapeutique du tocilizumab, aujourd’hui recommandé par l’OMS. »

🔎 Pour en savoir plus sur l’insuffisance rénale, consultez notre dossier

Notes :
1 : N. Sabaa et al. J Clin Invest., 1er avril 2008 ; doi : 10.1172/JCI33308
2 : G. Bollée et al. Nat Med. 25 septembre 2011 ; doi : 10.1038/nm.2491
3 : O. Lenoir et al. Autophagy, 2015 ; doi : 10.1080/15548627.2015.1049799
4 : C. Henique et al. Nat Commun., 28 novembre 2017 ; doi : 10.1038/s41467-017–01885‑7
5 : C. Henique et al. J Am Soc Nephrol., 21 mai 2015 ; doi : 10.1681/ASN.2014111080
6 : H. Lazareth et al. Nat Commun., 24 juillet 2019 ; doi : 10.1038/s41467-019–11013‑2

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