Traitement du signal et de l’image : la modélisation au service de la santé

Le laboratoire Traitement du signal et de l’image (LTSI) a fêté ses 50 ans en novembre dernier. Dédiée aux applications militaires à son lancement en 1969, cette unité mixte de recherche Inserm/Université de Rennes 1 se consacre aujourd’hui entièrement aux sciences du numérique appliquées à la santé.

Un article à retrouver dans le n°46 du magazine de l’Inserm

« Nous apportons aux médecins des outils d’interprétation et d’aide à la décision pour améliorer la prise en charge de certaines maladies », explique Lot Senhadji, directeur du laboratoire Traitement du signal et de l’image (LTSI)*, à Rennes. Parmi celles-ci, les épilepsies, les insuffisances cardiaques et les apnées du sommeil, les pathologies cardiovasculaires et tumorales... 

Au départ des recherches menées au LTSI, il y a les « signaux », c’est-à-dire les paramètres observables chez des patients qui caractérisent le fonctionnement de leur système cardiovasculaire, celui de leur cerveau en cas de crises d’épilepsie... Pour essayer de mieux comprendre le fonctionnement de ces systèmes, les chercheurs émettent alors des hypothèses sur les mécanismes qui sous-tendent ces signaux et les modélisent : ils reproduisent en quelque sorte des processus biologiques in silico, comme par exemple le réseau des vaisseaux, leur déformation et leur élasticité dans le cas du système cardiovasculaire, grâce à de puissants logiciels. Une modélisation qui permet de déterminer si leur hypothèse de départ est bonne ou non : si, en faisant tourner le modèle, ils obtiennent des résultats semblables à ce qu’il se passe en réalité, alors les mécanismes pressentis sont bien ceux à l’œuvre dans la réalité ! 

Grâce à cette approche, les chercheurs du LTSI peuvent par exemple préparer une opération cardiovasculaire en modélisant les différentes stratégies chirurgicales et en choisissant virtuellement la plus intéressante. Ils peuvent aussi aider au traitement des crises d’épilepsie en permettant l’identification des zones cérébrales où celles-ci surgissent. Enfin, ils peuvent mettre au point des dispositifs médicaux, comme des stimulateurs électromécaniques capables de traiter des arythmies ou d’arrêter les apnées du sommeil. 

Le laboratoire est une machine à innover : sur les 5 dernières années, il a déposé 145 déclarations d’invention et 47 logiciels, gère 30 familles de brevets et est associé, très récemment, à la création d’une start-up. 

Visite d’un laboratoire où se côtoient au quotidien ingénieurs et médecins. 

Lotfi Senhadji directeur du LTSI. © Inserm/François Guénet

Lotfi Senhadji dirige le LTSI, qui regroupe 160 personnes impliquées dans la recherche, dont 60 % d’ingénieurs et 40 % d’hospitaliers. Ici, les équipes sont par essence transdisciplinaires : 

  • Sesame, dédiée aux épilepsies sévères
  • Sepia, spécialisée dans les pathologies cardiorespiratoires de l’adulte et du nouveau-né prématuré
  • Impact, centrée sur l’assistance aux opérations cardiovasculaires et à la radiothérapie
  • Metriq, consacrée à la mesure des paramètres accessibles par imagerie
  • Medicis, centrée sur l’aide à la décision chirurgicale
Pascal Haigron, coresponsable de l’équipe Impact. © Inserm/François Guénet

Ci-dessus, sur l’écran de l’ordinateur, une artère présentant un anévrisme, soit une dilatation anormale de son diamètre. En prévision d’une opération chirurgicale dite mini-invasive et à partir des images préopératoires réalisées sur le patient, Pascal Haigron, coresponsable de l’équipe Impact, modélise le trajet idéal pour amener une prothèse au sein du vaisseau altéré. Cet outil permet également de s’assurer que le patient est bien apte à recevoir ce type d’opération : si ses artères sont trop sinueuses ou calcifiées, il sera trop dangereux d’y faire circuler la prothèse jusqu’à sa destination finale et les médecins opteront pour une chirurgie. 

Alfredo Hernandez, responsable de l’équipe Sepia. © Inserm/François Guénet

Alfredo Hernandez, responsable de l’équipe Sepia, tient dans sa main droite un prototype de dispositif médical baptisé Pasithea qui permet de détecter et de stopper les apnées du sommeil, et dans sa main gauche, sa version miniaturisée. Grâce à ce système, 75 % des patients suivis dans le cadre de l’étude Hypnos ont réduit significativement la durée des apnées. 

Alfredo Hernandez présente les trois éléments qui composent le système Pasithea. © Inserm/François Guénet

Le scientifique présente les trois éléments qui composent le système Pasithea, capable de communiquer par des liaisons sans fil : un système d’enregistrement des signaux cardiaques et respiratoires qui détecte la survenue de l’apnée (canule au niveau du nez et électrocardiogramme à l’écran), un système de stimulation mécanique placé derrière l’oreille, ainsi qu’un logiciel qui permet de traiter en temps réel tous les signaux et de délivrer une stimulation adaptée au patient. 

À gauche, un des premiers pacemakers, datant de 1971 ; à droite, une version plus récente, mise au point dans les années 1990. Les modèles actuels développés au LTSI sont gardés secrets. © Inserm/François Guénet

Les pacemakers sont des dispositifs implantables qui fournissent des impulsions électriques capables de stimuler les muscles cardiaques lorsque le cœur bat trop lentement ou s’arrête de battre. Pour mettre au point des implants de nouvelle génération, les scientifiques étudient l’ensemble de données enregistrées par les capteurs, afin de déceler des anomalies annonciatrices d’un dysfonctionnement — des informations qui, une fois intégrées dans le logiciel d’un implant, permettront à celui-ci d’anticiper l’occurrence d’événements graves et de préparer une thérapie personnalisée. 

Quentin Gillardin, doctorant, au sein de l’équipe Sepia.© Inserm/François Guénet

Quentin Gillardin, doctorant, travaille au sein de l’équipe Sepia à la mise au point du prototype d’un dispositif qui stimule le nerf vague et ralentit ainsi le cœur. Certains patients présentent en effet une surexcitation de ce mécanisme et bloquer le trop-plein d’informations qui circule entre le cerveau et le cœur pourrait permettre le développement de fonctionnalités nouvelles intégrées dans de futurs stimulateurs cardiaques. 

Fabrice Wendling, responsable de l’équipe Sesame. © Inserm/François Guénet

Fabrice Wendling, responsable de l’équipe Sesame, s’intéresse aux biomarqueurs qui permettent d’identifier les réseaux liés à la survenue de crises épileptiques chez un patient, différents chez chaque malade. Les localiser est crucial pour les personnes dont les crises ne faiblissent pas avec la prise de médicaments (30% des malades) : chez elles, une chirurgie pourrait être envisagée afin de retirer les réseaux épileptogènes. 

Les réseaux épileptogènes sont repérés par stéréoélectroencéphalographie (SEEG) : de très fines électrodes sont insérées dans le cerveau afin d’enregistrer son activité électrique et de repérer les régions où elle est anormale. Prochaine mission pour l’équipe Sesame : le projet Execom, qui permettra de développer un logiciel capable d’identifier plus facilement ces zones épileptogènes à partir de trois nouveaux biomarqueurs obtenus par SEEG. 

Note :
* unité 1099 Inserm/ Université de Rennes 1