Maladies musculaires : Jean–Baptiste Dupont innove avec des modèles d’étude alternatifs

À Nantes, Jean–Baptiste Dupont développe des modèles in vitro de muscles humains, à partir de cellules de patients atteints de myopathie de Duchenne. Le chercheur a deux objectifs : améliorer l’étude de cette maladie musculaire héréditaire, et tester des thérapies géniques en développement, le tout grâce à des organoïdes qui permettront de réaliser des observations plus fiables que celles issues de l’utilisation des modèles animaux actuellement disponibles.

Jean–Baptiste Dupont

Jean-Baptiste Dupont est en train d’ouvrir une voie essentielle pour la mise au point de traitements efficaces contre des maladies musculaires. Responsable de l’équipe Next generation disease models au sein l’unité de recherche nantaise Thérapie génique translationnelle des maladies génétiques*, ce jeune chercheur Inserm pourrait avoir trouvé une solution au manque de fiabilité des modèles actuellement utilisés pour étudier les maladies génétiques du muscle et développer des traitements pour les soigner. Certes, la thérapie génique commence à apporter les preuves de son efficacité dans un certain nombre d’indications et reste un espoir majeur pour les personnes atteintes de maladies comme la myopathie de Duchenne. Mais la recherche se heurte à un obstacle important : « Les modèles animaux auxquels nous avons recourt ne reproduisent pas suffisamment bien la pathologie humaine. En particulier, ils ne permettent pas de statuer avec certitude sur l’efficacité des thérapies chez les patients », explique Jean-Baptiste Dupont.

Le chercheur a donc décidé de miser sur une approche différente. Il veut développer de nouveaux modèles in vitro, fondés sur l’utilisation de cellules humaines. Pour cela, il a monté sa propre équipe : un financement Atip-Avenir obtenu fin 2020 lui a notamment permis de recruter un ingénieur, deux étudiants en master 2 et un bioinformaticien à mi-temps. Concrètement, l’équipe cherche maintenant à reconstituer du tissu musculaire à partir de « cellules souches pluripotentes induites » (cellules iPS) issues de patients. Ce travail consiste à prélever des cellules à des malades volontaires, à partir de leur peau ou même dans un échantillon d’urine, à les reprogrammer génétiquement en cellules susceptibles de donner tous types de cellules de l’organisme, dites « pluripotentes », puis à induire leur différenciation en cellules musculaires.

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« En culture 2D standard, nous obtenons des fibres musculaires capables de contractions. Mais nous devons aller plus loin car ces fibres sont mal organisées et les cellules qui les constituent sont insuffisamment matures. Pour reproduire un tissu fonctionnel identique à celui de patients, nous développons un protocole de culture dans un gel, en 3D », poursuit Jean-Baptiste Dupont. À terme, en poussant le plus loin possible le développement cellulaire au sein de ces cultures, il espère obtenir de véritables organoïdes, des mini-muscles conçus in vitro qui reproduiraient fidèlement la structure et le fonctionnement d’un muscle humain.

Un potentiel formidable

Ces modèles permettront plusieurs avancées, et en premier lieu de mieux comprendre la physiopathologie des maladies musculaires. « Actuellement, nous séquençons les ARN produits au cœur des cellules musculaires malades. Nous collaborons avec une start-up qui utilise des outils bioinformatiques très sophistiqués pour analyser ces données et nous indiquer les réseaux de gènes dérégulés. Nous devrions en apprendre beaucoup sur les mécanismes moléculaires de la myopathie de Duchenne », illustre le chercheur. Ces modèles serviront également à tester l’efficacité de thérapies géniques et d’autres traitements. Ils permettront d’observer précisément les corrections moléculaires que ces approches produisent.

Les cellules iPS utilisées par l’équipe proviennent de lignées issues de patients atteints de myopathie de Duchenne, générées à Seattle où le chercheur a réalisé son premier post-doctorat. Les mutations qu’elles portent et le profil clinique des malades sont bien caractérisés, ce qui facilite l’interprétation des résultats. Jean-Baptiste Dupont souhaite par la suite développer des modèles équivalents pour étudier d’autres types de maladies musculaires : la sarcopénie, qui correspond à une fonte musculaire liée à l’âge, ou la cachexie, une dégénérescence musculaire liée à certaines maladies chroniques, notamment le cancer.

Un parcours sans faute

L’intérêt du chercheur pour ce domaine n’est pas neuf et s’est construit au fil de son parcours : il a préparé une thèse qui portait sur la thérapie génique à Nantes, puis il a réalisé deux stages post-doctoraux sur les cellules iPS, le premier à l’Institute for Stem Cell and Regenerative Medicine de l’université de Washington à Seattle, et le second à l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I‑Stem, unité Inserm 861) à Evry. De quoi apporter de nouvelles compétences à Nantes où il est finalement revenu ! Son équipe bénéficie d’une visibilité financière de trois ans, mais soucieux d’aller loin, il est déjà reparti à la recherche de budgets supplémentaires en répondant à différents appels d’offres.

Note :
*unité 1089 Inserm/Nantes Université, Thérapie génique translationnelle des maladies génétiques

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