Infections respiratoires : Mauro Gaya débusque un nouvel acteur de nos défenses

Comment améliorer les approches vaccinales contre les infections respiratoires ? Mauro Gaya parie sur le rôle des lymphocytes B mémoires. Grâce au programme Atip-Avenir, il a mis en évidence des propriétés jusqu’à présent négligées de certains de ces effecteurs de l’immunité.

Portrait Mauro Gaya

D’origine argentine, Mauro Gaya a mené son parcours universitaire dans plusieurs centres de recherche aux États-Unis et au Royaume-Uni, avant de finalement poser ses valises à Marseille. En 2018, il a en effet rejoint un des centres de recherche européens les plus prestigieux dans le domaine de l’immunologie : le Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML*).

Titulaire d’un diplôme en biologie cellulaire et moléculaire, il s’est orienté vers la physiologie animale lors de son doctorat : « J’étais attiré par l’immunologie, un domaine de recherche très dynamique », explique-t-il. Il choisit donc de se pencher sur une population de cellules immunitaires spécifique : les lymphocytes B. Après un premier contact avec un agent infectieux, ces cellules se spécialisent en plasmocytes pour produire des anticorps, très efficaces pour combattre « l’ennemi », mais dont la durée de vie est limitée. Parallèlement, d’autres lymphocytes B se différencient en cellules dites « mémoires », pour conserver l’information à plus long terme et faciliter la mise en place d’une réaction rapide et spécifique en cas de nouvelle exposition au même agent infectieux. « Mais la compréhension des mécanismes de mobilisation de ces cellules mémoires est encore imparfaite », souligne le chercheur.

Aussi, après plusieurs années consacrées à l’étude de l’activation des lymphocytes B au sein des ganglions lymphatiques, Mauro Gaya a décidé de s’intéresser aux cellules B mémoires présentes dans la muqueuse pulmonaire : « La façon dont l’immunité mémoire se met en place à ce niveau, lors d’un premier contact avec un virus, fait partie des processus qui ne sont pas totalement décrits. » Il s’agit pourtant d’une question cruciale. Lauréat du programme Atip-Avenir en 2019, le chercheur a pu bâtir sa propre équipe de recherche pour tenter de la résoudre.

Grippe et Covid-19

« Grâce au dispositif Atip-Avenir, nous avons pu financer nos travaux et le recrutement d’un post-doctorant. Ce programme nous offre aussi une plus large visibilité au plan national et international. De quoi stimuler et engendrer de nouvelles collaborations. » En déployant des techniques performantes – telles que la microscopie confocale, la cytométrie de flux ou le séquençage sur cellule unique… – les chercheurs ont mis en évidence l’existence de deux sous-types de lymphocytes B mémoires au sein de la muqueuse respiratoire. « Tous deux sont rapidement mobilisés en cas de nouvelle infection. La première population est spécialisée dans la production d’anticorps hautement spécifiques (les lymphocytes B mémoires bona fide ou authentiques), tandis que la seconde (les bystanders ou spectateurs) aide et renforce la réponse immunitaire initiée par la première population. » Si ces travaux portaient initialement sur les infections respiratoires à influenza (le virus de la grippe), le chercheur a rapidement intégré le SARS-CoV‑2 à sa recherche. « Cela nous a permis de vérifier que les mécanismes observés avec le nouveau coronavirus sont les mêmes que ceux mis en jeu lors d’une infection par le virus influenza. »

La piste de la vaccination intranasale

Ces résultats devraient permettre d’améliorer les approches vaccinales contre les infections respiratoires. Les vaccins contre les virus de la grippe et de la Covid-19 qui sont actuellement disponibles simulent les mêmes mécanismes de défense immunitaire que ceux provoqués par une infection naturelle, en produisant des anticorps dans le sang. Mais ces vaccins ne reproduisent pas la réponse immunitaire naturelle observée au niveau de la muqueuse pulmonaire. Or cette réponse permettrait de bloquer les virus bien avant leur arrivée dans le sang. « Administrer un vaccin par voie intranasale pourrait permettre de stimuler une “mémoire de la muqueuse” et de bloquer l’entrée des virus dès ce niveau, de manière moins spécifique, mais probablement plus précoce en cas d’infection ultérieure », détaille Mauro Gaya. Cette approche pourrait ainsi offrir une protection plus transversale, complémentaire de celle apportée par les vaccins injectables.

On le comprend bien, le travail en cours dans le laboratoire de cette jeune équipe est de haute importance dans le contexte actuel. Il contribuera au développement en cours de la vaccination par voie nasale.

Note :
*Unité 1104 Inserm/CNRS/Aix-Marseille Université, Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML)

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