Alexis Elbaz : Vent debout contre la maladie de Parkinson

Alexis Elbaz est neurologue et directeur de recherche Inserm. Son objectif ? Que la maladie de Parkinson ne soit plus une fatalité. En découvrant des facteurs de risque ou d’autres, protecteurs, ses travaux fournissent des données pour envisager une prévention de la maladie dont la prévalence ne fait que croître en raison du vieillissement de la population.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°62

photo d'Alexis Elbaz
Alexis Elbaz est directeur de recherche Inserm, cordirecteur de l’équipe Exposome, hérédité , cancer et santé au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (unité 1018 Inserm/Université Paris-Saclay/ Université de Versailles – Saint-Quentin- en-Yvelines), à Villejuif. ©Inserm/François Guénet

Alexis Elbaz est une figure clé de la recherche sur la maladie de Parkinson en France. Ses nombreux travaux concourent à éclairer la communauté internationale sur les facteurs de risque de cette maladie, ses liens avec l’environnement et la génétique, ou encore sa progression inexorable compte tenu du vieillissement de la population. Pour mémoire, la maladie de Parkinson est la seconde maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer et touche près de 170 000 personnes dans l’Hexagone.

Neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et directeur de recherche Inserm à Villejuif, Alexis Elbaz a passé son enfance en Espagne avant de rejoindre la France en 1984 pour débuter ses études de médecine. À cette occasion, il fait un stage en neurologie qui sert de déclic. « J’ai été totalement passionné par la discipline. Le cerveau demeure très mystérieux, et beaucoup reste à apprendre sur son fonctionnement. En outre le domaine est très vaste avec de nombreuses sous-spécialités : mouvements anormaux, sclérose en plaques, démences… », décrit-il. Ainsi, il choisit de faire son internat dans ce domaine. Mais c’est encore trop peu pour cet homme adepte des multifonctions qui décide d’y associer un diplôme en statistiques. « La recherche m’a très vite intéressé, je voulais notamment travailler sur l’épidémiologie en neurologie », précise-t-il. Et de fait, il y consacre sa thèse.

Il se spécialise ensuite sur la maladie de Parkinson et débute des consultations sur les mouvements anormaux à l’hôpital Saint-Antoine à Paris en 1998, puis rejoindra l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière en 2007. « Cette pathologie m’intéresse en particulier pour la dimension clinique accordée au diagnostic et au suivi des patients. L’examen clinique est d’une grande finesse pour décrire les manifestations de la maladie, très hétérogènes d’une personne à une autre. Et les échanges avec les patients ont fait le reste pour guider mes recherches, en raison de cette question récurrente : pourquoi suis-je atteint de cette maladie ? Comment l’expliquer ? À partir de là, mon objectif a été de leur apporter des réponses. »

Comme un devoir de réponse

Après un postdoctorat aux États-Unis, Alexis Elbaz passe le concours de chargé de recherche à l’Inserm en 2001, puis deviendra directeur de recherche en 2009. Il débute ses travaux dans l’unité Recherches épidémiologiques en neurologie et psychopathologie, rebaptisée plus tard Neuroépidémiologie. Il intègre finalement en 2012 le Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Villejuif, où il travaille toujours en tant que codirecteur de l’équipe Exposome, hérédité, cancer et santé. Avec maintenant plus de vingt ans de recherche à son actif, le neurologue a déjà publié des résultats majeurs. II a par exemple établi un lien entre l’exposition aux pesticides et le risque de développer la maladie de Parkinson chez les agriculteurs. « Ce travail a contribué à la reconnaissance de cette pathologie comme maladie professionnelle chez les individus concernés, donnant droit à une indemnisation. La France a été pionnière dans cette démarche en 2012 », rappelle-t-il. Il établit un autre lien entre le lieu de résidence des Français et le risque de développer la maladie. « À partir de la base du Système national des données de santé (SNDS), et en partenariat avec Santé publique France, nous avons montré que les personnes vivant en zone fortement agricole, notamment viticole, sont plus à risque que les autres », précise-t-il.

Autre puits de données pour ses recherches : la cohorte E3N, une étude épidémiologique auprès de femmes de l’Éducation nationale dont il est le codirecteur scientifique. « Environ 100 000 femmes ont été incluses en 1990 et sont toujours suivies depuis avec, plus récemment, le recrutement de leurs conjoints et enfants, et bientôt petits-enfants. Ce très long suivi est fondamental pour nous. C’est le seul moyen de rechercher efficacement des facteurs de risque précédant la survenue de la maladie, qui est d’évolution très progressive, avec plusieurs années écoulées entre le début de la neurodégénérescence et le diagnostic », clarifie-t-il. Grâce à cette cohorte, Alexis Elbaz a établi un lien entre le niveau d’activité physique en milieu de vie chez les femmes et un risque réduit de maladie de Parkinson par la suite. En parallèle, il a élargi son domaine de recherche depuis plusieurs années en étudiant les performances motrices au cours du vieillissement en population générale et les facteurs susceptibles d’expliquer leur hétérogénéité en fonction des personnes.

Un prix et de nouvelles perspectives

Récemment, ce riche parcours a été couronné par le prix de la fondation Éliane et Gérard-Pauthier, sous l’égide de la Fondation de France. Une invitation à poursuivre les nouveaux travaux en cours. « Il n’y a actuellement aucun traitement préventif. Pour essayer d’identifier des pistes possibles, nous recherchons dans la base du SNDS et dans la cohorte E3N des traitements pris dans différentes indications qui seraient associés à un risque diminué de développer la maladie de Parkinson par la suite. Cela semblerait être le cas pour certaines statines, utilisées contre l’excès de cholestérol », précise-t-il. Son équipe recherche également des signatures épigénétiques prédictives du risque de développer la maladie. Ces marques chimiques sur l’ADN ne modifient pas sa séquence mais altèrent l’expression des gènes et peuvent se transmettre de génération en génération.

« L’ensemble de mes travaux s’inscrit dans un objectif de prévention, résume Alexis Elbaz. En identifiant des facteurs associés à la maladie, j’espère contribuer à la mise en place de mesures préventives pour tenter de freiner l’augmentation du nombre de cas qui s’annonce. Entre 2010 et 2030, en raison du vieillissement de la population, la prévalence progressera de 60 % et nous aurons aussi à prendre en charge des formes plus évoluées et difficiles à traiter en raison d’une espérance de vie plus longue des malades. J’ai bon espoir que nous y arrivions, car la communauté scientifique est en train de changer de paradigme, passant d’une certaine fatalité à une volonté de prévenir la maladie. Aux États-Unis par exemple, le Sénat a fait passer une loi (National Plan to End Parkinson’s Act) pour développer des projets de prévention et améliorer le traitement. Nos travaux s’inscrivent dans cette tendance, avec j’espère un bénéfice concret pour les patients dans les années à venir », conclut-il.

Alexis Elbaz est directeur de recherche Inserm, cordirecteur de l’équipe Exposome, hérédité , cancer et santé au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (unité 1018 Inserm/Université Paris-Saclay/ Université de Versailles – Saint-Quentin- en-Yvelines), à Villejuif.

Autrice : A. R.

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