AccueilPodcastDanser contre les douleurs chroniquesDanser contre les douleurs chroniques Publié le : 22/07/2025 Temps de lecture : 11 min Podcast« Danser contre les douleurs chroniques » est l’épisode 12 de la saison 1 des Volontaires, le podcast de l’Inserm avec les citoyennes et les citoyens qui font avancer la recherche médicale.Prouver scientifiquement l’efficacité de la danse-thérapie sur les douleurs chroniques : tel est l’objet du projet lyonnais Algodanse. Le journaliste et docteur en neurosciences Chandrou Koumar nous amène à la rencontre d’adolescentes qui ont décidé de contribuer à la recherche et de prendre la douleur à bras-le-corps.InvitéesAngeline Olympief, art-thérapeuteMaud Frot, spécialiste de la douleur et scientifique au au Centre de recherche en neurosciences de Lyon dans l’équipe NeuropainChacune contribue au projet Algodanse.Écouter l’épisodeL’épisode est disponible sur Apple Podcast, Audible, Deezer, Spotify, YouTube et partout où vous avez l’habitude d’écouter vos podcasts. Si besoin, vous pouvez l’ajouter à votre application en utilisant le flux RSS suivant :https://anchor.fm/s/f6ab7858/podcast/rss Durée : 15 min. Transcription de l’épisodeDéplier pour voir le texte de l'épisodeMUSIQUE DE GÉNÉRIQUE Chandrou : Bonjour, je suis à Lyon pour assister à une séance de danse pas comme les autres, qui mêle recherche et thérapie. À croire qu’entre mes chorégraphies approximatives du samedi soir et le soin, il n’y a qu’un pas… de danse, évidemment. Vous écoutez le podcast Les Volontaires, dans lequel on va à la rencontre de celles et ceux qui participent à la recherche médicale de l’Inserm. L’Inserm, c’est le seul organisme de recherche publique entièrement dédié à la santé humaine. Je suis Chandrou Koumar, journaliste docteur en neurosciences et pour ce nouvel épisode nous allons nous pencher sur des jeunes patients qui souffrent de douleurs chroniques.Maud : La douleur chronique, c’est vraiment une douleur qui revient sans cesse et qui passe pas malgré des essais de traitement.Chandrou : Il y a peu de solutions spécifiques pour soulager leurs douleurs. Et si la danse-thérapie, avec une pratique adaptée, permettait de se sentir mieux dans son corps, de mieux comprendre ses sensations et de réapprendre à bouger pour mieux gérer ses douleurs ? Cette idée lumineuse est celle du projet Algodanse qui tente d’allier art et santé. Encore faut-il le prouver, c’est tout l’objet de l’étude.Sarah : Vous allez apprendre plein plein de choses et ça sera super cool.Chandrou : Et comme je l’affirme haut et fort : la science, c’est avant tout une aventure humaine. Je vais donc à la rencontre de Clara, Tessa…Tessa : J’ai 19 ansChandrou : et Sarah…Sarah : Quand je faisais les ateliers je me sentais bien.Chandrou : …trois jeunes volontaires impliquées dans cette expérience sur la douleur. Et aussi d’Angeline Olympieff…Angeline : Bonjour, je suis art-thérapeute.Chandrou : …ainsi que de Maud Frot…Maud : Je suis spécialiste de la douleur.Chandrou : scientifique au Centre de recherche en neurosciences de Lyon dans l’équipe européenne d’intégration centrale de la douleur Inserm U1028. FIN MUSIQUE DE GÉNÉRIQUE Je suis actuellement dans une grande salle du centre d’évaluation et de traitement de la douleur. Je vais assister à une séance de danse-thérapie destinée à deux volontaires dont Clara, 14 ans. Nos deux jeunes femmes souffrent de douleurs chroniques difficiles à soulager.Clara : Ça fait neuf mois que, voire un peu plus, que j’ai très mal à la tête du côté droit. Je vais avoir une hypersensibilité au bruit et à la lumière. C’est handicapant au quotidien.Angeline : Aujourd’hui, on va reprendre un petit peu l’exercice de respiration. Bonjour, je m’appelle Angeline Olympieff, je suis art thérapeute. Le but est vraiment d’allonger au maximum son inspiration et son expiration. Et quand il y a contact de la main, on va essayer de venir respirer dans ce contact-là.Chandrou : Quelle est la différence entre un cours de danse ou une séance de danse thérapie ?Angeline : Eh bien, ce n’est pas du tout la même chose, même si dans les deux on danse, les objectifs ne sont pas les mêmes. Dans le cours de danse, on a vraiment des objectifs artistiques, alors que dans une prise en charge art-thérapheutique, mon but est thérapeutique. Il n’y a pas de volonté de performance, moi je ne suis pas là pour juger un niveau, une évolution, une progression. J’utilise en fait la danse comme outil pour atteindre mes objectifs thérapeutiques.Clara : Àla base, je n’ai pas une très grande amatrice de danse mais on n’avait pas vraiment de solution à ma douleur et je suis déscolarisée, je ne fais plus vraiment d’activité.Angeline : On va passer à la suite. Du coup, on reprend la même idée d’exercice. Par exemple, j’ai posé ma main dans ton dos et en même temps, tu vas essayer de sentir la respiration de l’autre à travers le contact de ta main. Une fois qu’on sent qu’il est bien connecté, commencez un mouvement un petit peu oscillant comme ça.Chandrou : Angeline Olympieff, Comment ça se déroule une séance de danse thérapie ? Angeline : Donc j’aime bien commencer dans un premier temps par un moment calme on va dire, donc on va vraiment se concentrer sur la respiration, sur son corps et donc ça c’est vraiment un moyen pour moi de les recentrer sur le moment présent et l’espace ensemble. Et ensuite je vais faire des propositions qui vont les emmener à se mobiliser et à engager leur corps. Et ces propositions-là, souvent j’utilise des outils qui vont connecter avec leur imaginaire, leur âge. Et qui vont faciliter en fait la mise en mouvement qui peut être un petit peu intimidante pour les personnes qui ne dansent pas.Alors il reste quelques minutes, j’aimerais quand même qu’on explore un peu cette idée de monstre. On va réfléchir à un monstre, on va imaginer un monstre dans sa tête et après on va essayer de l’incorporer dans son corps, ok ? Chandrou : Là Clara, tu viens de faire une séance de danse-thérapie, est-ce que t’es dans le même état que avant que tu arrives et que tu commences la séance ? Clara : Quand je vais arriver, je vais plus être avec des pas lourds, pas très envie de faire des choses à cause de ma douleur et en fait le fait de bouger et de faire de choses adaptées à la douleur, ça permet de reprendre un peu d’exercice physique et ça me permet d’être plus joyeuse au quotidien.Angeline : Au fur et à mesure de la thérapie, je perçois effectivement beaucoup de changements chez les volontaires. J’ai envie de dire de manière évidente, mais c’est pas forcément évident, mais il y a une aisance corporelle qui va se développer. Donc vraiment, le corps dans sa globalité va être beaucoup moins timide, entre guillemets, il va prendre plus d’espace, il va y avoir plus de richesse de mouvements. Et il y’a quelque chose, moi, qui me touche particulièrement, c’est aussi, je trouve qu’il y a aussi une finesse des ressentis corporels qui se développe. Et ça, c’est très intéressant.TAPIS MUSICAL (FOND SONORE)Chandrou : Lorsque l’on ressent des douleurs chroniques, on peut avoir peur d’enclencher des mouvements. On anticipe une souffrance et on préfère l’esquiver. On appelle cela la « kinésiophobie ». L’équipe NeuroPain de la scientifique Maud Frot a une hypothèse. En accompagnant les jeunes en souffrance à se réapproprier leur corps grâce aux mouvements de danse-thérapie, ça peut les aider à redevenir acteurs et actrices de la gestion de leur douleur et leur permettre d’exprimer leurs émotions à travers l’art.FIN TAPIS MUSICAL Maud : Je m’appelle Maude Frot, je suis chercheuse à l’Inserm, je suis spécialiste de la douleur et je suis la responsable du projet Algodanse. Alors une douleur chronique, c’est très variable, ça peut venir de plein d’endroits du corps, mais on définit qu’elle est chronique quand elle est soit continue, soit qu’elle revient de façon répétée pendant plus de trois mois consécutifs. C’est pas forcément une douleur qui est présente tout le temps.Chandrou : Comment actuellement les douleurs chroniques sont prises en charge en France et notamment chez les jeunes et j’ai encore plus envie de dire, chez les jeunes femmes ?Maud : Ça peut être extrêmement variable selon les études, mais on va dire qu’à peu près 1 enfant sur 5 est touché par des douleurs chroniques, et que finalement, il n’y a pas tellement de choses qui leur sont proposées, parce qu’on est très vite limité dans les interventions médicamenteuses. Et il faut savoir qu’il y a beaucoup plus de femmes qui sont touchées par les douleur chroniques que les hommes. Et pourtant, la majorité des études qui sont publiées aujourd’hui sur la douleur chronique portent exclusivement sur des sujets masculins. Et on se rend compte qu’il y a une grosse différence de prise en charge en fait. Et en règle générale, on invisibilise beaucoup la douleur des femmes et des jeunes filles. On ne les croit pas, ça peut paraître un peu étrange, mais c’est vraiment la réalité de ce qui se passe. Donc, l’écoute, le fait qu’on entend leur douleur, qu’on leur propose quelque chose qui leur fait du bien, etc. Ça aussi, ça fait partie du soin.COURTE RESPIRATION MUSICALE Chandrou : Je suis avec Tessa, elle a 19 ans et a été volontaire dans l’étude Algodanse qu’elle a terminé.Tessa : Moi, j’ai des douleurs chroniques pelviennes depuis 4 ans, bientôt 5, non-diagnostiquées, puisqu’on vient un peu vers l’endométriose ou SOPK, etc. Donc c’est des maladies très compliquées à diagnostiquer.Chandrou : Elle a réalisé une séance de danse-thérapie avec Angeline chaque semaine pendant 4 mois, ce qui fait en tout 15 séances.Tessa : J’ai pris un peu ces séances-là comme un défi, puisqu’en même temps, je commençais un service civique, donc je reprenais une vie sociale, etc. Et avec mes douleurs chroniques, j’ai... Que mes douleurs me freinent ou même j’ai toujours eu une peur de faire un malaise à cause de mes douleurs. Donc voilà, c’était un peu ma crainte en fait, que je suis dépassée par mes douleurs pendant ces séances-là.Maud : Je pense que l’intérêt de la danse-thérapie, c’est qu’à la fois, ça ramène un mouvement que souvent les jeunes ont peur de faire, puisqu’ils ont peur du mouvement, la fameuse kinésiophobie. Donc le fait de ramener du mouvement fait aussi prendre conscience qu’on peut faire des choses qu’ils ne pensaient pas possible. Et puis dans toutes ces séances, il y a aussi l’effet de la distraction qui est extrêmement important, qui est très fort sur la douleur, ça s’est très connu depuis très longtemps. Quand on fait autre chose, qu’on est investi dans autre chose on pense moins à la douleur. Ça paraît un peu léger comme effet, mais ça marche très bien.Tessa : J’ai apprécié de retrouver le côté échappatoire de la danse où je ne pense plus à rien, où je me contente juste de ce qu’on me demande de faire, de me laisser aller. Il y avait beaucoup de ça dans la séance, de nous laisser aller, de laisser notre corps bouger en mouvement, etc. C’est ça que j’ai beaucoup apprécié.TAPIS MUSICAL Chandrou : Pendant 6 ans, l’étude Algodanse va inclure entre 150 à 200 jeunes volontaires séparés en 4 groupes. On a donc un premier groupe de volontaires qui réalise les séances de danse-thérapie. Un autre groupe ne réalise aucune activité mais remplit les questionnaires, c’est ce qu’on appelle le « groupe contrôle ». Puis deux autres groupes participent à d’autres pratiques, à savoir d’un côté le yoga, qui est une méthode qui fait consensus scientifique dans la réduction des douleurs, et de l’autre côté l’art-thérapie, qui mérite d’être étudiée pour évaluer son efficacité.FIN TAPIS MUSICALMaud : Alors, l’idée d’ajouter l’art-thérapie, en fait, c’était justement pour pouvoir comparer différents types de médiation. Notre hypothèse de base, c’est de dire qu’il y a un intérêt à rajouter du mouvement dans une médiation chez des ados douloureux chroniques qui ont peur de bouger. Maintenant, est-ce que c’est vrai ou pas ? Et c’est pour ça que ça nous intéresse de comparer la danse-thérapie et l’art-thérapie où il y a moins de mouvement. Et on enregistre plein de choses, on mesure... leur niveau de douleur, leur niveau fatigue, leur humeur. On leur pose plein de questions. Ils remplissent tout un tas de questionnaires pour voir bien les effets bénéfiques ou pas de ces différents types de séances.Sarah : Bonjour, j’ai 19 ans, moi je suis allée dans l’art-thérapie.Chandrou : Pour terminer cet épisode, je suis avec Sarah. Comme Tessa, elle a terminé ses 15 séances.Sarah : Quand je faisais les ateliers, je me sentais bien. On discutait beaucoup entre nous. Donc, ça nous a permis de mieux se connaître. Il y a différentes personnes qui sont comme moi. Ceux qui sont ici, je sais qu’eux, ils savent ce que je vis. Je me suis fait opérer du dos. Ils m’ont ouvert d’en haut jusqu’en bas. Du coup, j’ai eu une grosse cicatrice. Ça me fait mal. Entre le coccyx et le dos, en gros la cicatrice.Angeline : Alors la séance d’art-thérapie, ça va être un peu différent parce que l’art plastique ça a vraiment la caractéristique d’être beaucoup plus intérieur.Angeline : Ces séances d’art plastique thérapeutique sont réalisées par Angeline Olympieff, véritable couteau suisse de l’étude Algodanse.Sarah : Angeline, elle nous faisait faire des fonds de couleurs. On pouvait choisir la couleur qu’on voulait. Après, pour que la peinture devienne liquide, on mélangeait. Et on avait juste à renverser sur le tableau. On faisait ça avec plein de couleurs.Angeline : En général, soit ça va être une découverte en fait d’une nouvelle technique, soit ça va être un projet un peu plus personnel et ils vont avoir le choix en fait de la pratique utilisée.Angeline : Sarah, est-ce que tu dirais que les 15 séances d’art plastique que tu as faites ont eu un effet sur ta façon de gérer tes douleurs ou de sentir tes douleurs ?Sarah : En fait maintenant j’arrive mieux à dire quand j’ai mal, parce qu’avant j’arrivais pas. J’arrivais pas à dire ma douleur et où vraiment elle se situait.Maud : On ne va pas chercher à soigner les douleurs avec notre protocole. Malheureusement Mais ce qu’on peut leur apporter c’est à mieux comprendre leur corps, mieux gérer, mieux exprimer leurs émotions. Et ça, ça peut apporter des choses dans leur vécu avec la douleur, leur bien-être global, leur qualité de vie, leur rapport aux autres.Sarah : Moi, si ça peut aider d’autres personnes, je leur dirais, n’hésitez pas à venir, vous allez apprendre plein, plein de choses et ça sera super cool.Chandrou : Maud Frot, est-ce que si votre étude montre des résultats positifs, est-ce qu’on pourrait imaginer que l’art-thérapie soit proposée, voire peut-être même que l’art-thérapie soit remboursée ?Maud : Alors que l’art-thérapie puisse être prise dans le parcours de soins des jeunes douloureux chroniques ou la danse-thérapie de façon assez évidente et simple, ça serait absolument formidable. Si ça pouvait être remboursé, ce serait alors là, je pense, un rêve. Vraiment un rêve, ce serais vraiment très bien. Mais si déjà on arrivait à convaincre l’ensemble des centres anti-douleurs de France qu’il y a vraiment un intérêt à proposer des séries de séances comme ça, et pas juste une ou deux séances en fait par-ci par-là, mais vraiment un suivi un petit peu sur un moyen long terme de ces jeunes et qui a un réel effet bénéfique, déjà ce serait complètement gagné.GÉNÉRIQUE FIN Chandrou : J’ai passé une journée remplie en émotions, ça me réchauffe le cœur de voir qu’il peut exister des solutions pour des jeunes qui n’en ont pas forcément et qui ont pris beaucoup de plaisir à participer à une étude scientifique avec un encadrement doux et bienveillant. À très vite pour de nouvelles rencontres scientifiques avec les volontaires.Merci d’avoir écouté cet épisode consacré aux volontaires qui participent à la recherche sur les douleurs chroniques. Les volontaires, c’est un podcast de l’Inserm produit par Maison K Prod. À bientôt pour de nouvelles aventures et de nouvelles études en recherche médicale. Et si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à vous abonner et à le partager autour de vous. Et si vous le pouvez, pensez à mettre 5 étoiles sur votre application, ça nous aide vraiment. Une série créée par l’Inserm, orchestrée par Chandrou Koumar, journaliste et docteur en neurosciences et produite par MaisonK Prod. Musique et mixage : Ben Molinaro. Graphisme : Anna Toussaint.À lire aussi Quand l’art soulage les douleursReportages en labo Musée sur ordonnanceReportages en labo Douleur