Edition génomique

Des ciseaux moléculaires pour modifier les génomes avec précision

L’édition génomique permet d’effectuer des modifications génétiques ciblées dans tout type de cellule, grâce à des ciseaux moléculaires spécifiques. Disponibles depuis les années 80, ces outils ont gagné en efficacité et en spécificité au cours du temps. En 2012, l’avènement du système CRISPR-Cas9, caractérisé par sa très grande simplicité et son coût modeste, a révolutionné cette approche : l’édition génomique a désormais gagné tous les domaines de la science et de la médecine.

Elle permet aux chercheurs d’effectuer les modifications génétiques de leur choix, afin de développer des modèles cellulaires et animaux sur mesure, pour progresser dans la connaissance du développement des organismes vivants, des maladies, ou encore pour tester des molécules thérapeutiques. Des premiers essais cliniques se fondant sur cette approche ont débuté, visant à à traiter des maladies monogéniques, certains cancers ou encore des maladies infectieuses.

Dossier réalisé en collaboration avec Carine Giovannangeli (unité 1154 Inserm/CNRS/MNHN, équipe Edition du génome, réparation des cassures double-brin de l’ADN et réponses cellulaires Paris), Anne Galy (unité 951 Inserm/Université d’Evry Val d’Essonne/Ecole pratique des hautes études, Integrare et unité de service 35, Accélérateur de recherche technologique en Thérapie génomique, Généthon, Evry) et Hervé Chneiweiss, président du Comité d’éthique de l’Inserm

Comprendre l’édition génomique

Modifier une séquence d’ADN de façon ciblée

L’édition du génome (de l’anglais genome editing) consiste à modifier le génome d’une cellule avec une grande précision. Il est possible d’inactiver un gène, d’introduire une mutation ciblée, de corriger une mutation particulière ou d’insérer un nouveau gène. Cette technique de génie génétique fait appel à des nucléases modifiées, appelées « ciseaux moléculaires ».

Ces nucléases coupent l’ADN à un endroit prédéfini du génome, dépendant de sa séquence. Un système de réparation naturel de l’ADN (NHEJ pour Non-Homologous End-Joining) se met alors en marche, pour « recoller » ensemble les deux extrémités libres générées par la coupure. Mais ce système de réparation introduit des erreurs, conduisant à la mutation du gène ciblé par la nucléase. Dans ce cas, la mutation introduite est donc aléatoire. 

Il est également possible de modifier la séquence visée selon ses souhaits. Il faut alors délivrer à la cellule, en plus des nucléases, un brin d’ADN présentant la séquence désirée, flanquée d’extrémités homologues à celles du site de coupure. Un autre système cellulaire de réparation va alors intervenir (la recombinaison homologue) et « incorporer » la séquence d’ADN fournie au moment de la réparation, conduisant à son insertion définitive dans le génome. 


L’édition de base : l’édition génomique sans coupure d’ADN

Récemment, des nucléases Cas ont été transformées pour qu’elles ne coupent plus le site du génome reconnu : la nucléase sert de point d’ancrage pour l’acheminement d’autres protéines capables de transformer une base de l’ADN en une autre, induisant ainsi une mutation ciblée sans coupure. Cette technique, l’édition de base, pourrait s’avérer particulièrement intéressante dans les cellules où les processus naturels de réparation des cassures de l’ADN sont peu performants, rendant l’édition génomique classique (avec coupure double brin) inefficace. 


L’ensemble de ces techniques fonctionnent dans tous les types de cellules : humaines, animales, végétales, bactériennes, adultes ou embryonnaires. 

Plusieurs types de ciseaux moléculaires disponibles

Toutes les nucléases utilisées pour l’édition génomique sont dérivées de systèmes bactériens naturels. Ce sont des enzymes dites de restriction, capables de couper l’ADN double brin à des endroits spécifiques. Ces enzymes sont modifiées en laboratoire pour reconnaitre et couper les séquences souhaitées dans l’ADN.

Les méganucléases

Ces protéines sont des enzymes de restriction extrêmement spécifiques, capables de reconnaître et de cliver une séquence d’ADN en s’assemblant par paire de sous-unités identiques (homodimères). Leur répertoire naturel étant limité, l’ingénierie de nouvelles méganucléases est nécessaire afin de pouvoir cibler un site particulier dans un génome. De ce fait, cette approche est difficile et réservée aux spécialistes de ce système. Leur utilisation est très limitée. 

Les nucléases à doigts de zinc

Ces protéines artificielles sont composées de peptides dits à doigts de zinc, qui reconnaissent une séquence d’ADN, et d’une nucléase (FokI) qui coupe l’ADN. Chaque peptide à doigt de zinc reconnaît une courte séquence de trois nucléotides : l’assemblage de plusieurs d’entre eux permet de cibler des séquences plus longues, de manière plus spécifique. En outre, pour couper, les nucléases à doigt de zinc agissent à deux, sur deux sites proches l’un de l’autre. Cela permet une action catalytique des enzymes FokI. Une modification génomique nécessite donc deux nucléases à doigts de zinc, dont la construction et l’assemblage sont très complexes. Cela limite leur utilisation. 

Nucléases à doigt de zinc, comportant un domaine capable de couper l’ADN (en bleu) et un domaine composé de plusieurs peptides (en jaune et orange) reconnaissant chacun une séquence spécifique de 3 nucléotides.
Les nucléases à doigts de zinc, d’après une figure de Addgene (www.addgene.org)

Les TALENs

Les TALENs (pour Transcription Activator Like-Effectors) sont également utilisés par paires, ciblant deux séquences d’ADN proches. Ils comprennent un domaine de fixation à l’ADN composé d’une combinaison de quatre peptides, chacun de ces peptides reconnaissant spécifiquement une des quatre bases de l’ADN. En jouant sur l’enchainement de ces peptides, il est possible de cibler une séquence d’ADN spécifique. Ce domaine de fixation est associé à une nucléase Fok1 qui assure la coupure double brin. 

Comme avec les nucléases à doigt de zinc, un travail d’ingénierie protéique est nécessaire pour construire et assembler les TALENs destinés à l’édition génomique. Des programmes informatiques permettent de faciliter ce travail comme E‑Talen et une bibliothèque de TALENs pouvant reconnaitre plus de 18 700 gènes est disponible. Les TALENs sont plus faciles à produire que les nucléases à doigt de zinc et présentent une très bonne efficacité. 

Nucléases TALEN, comportant un domaine capable de couper l’ADN (en bleu) et un domaine capable de reconnaître une séquence particulière de l’ADN, composé de plusieurs peptides reconnaissant chacun une base de l’ADN (en jaune et orange).
Les nucléases TALEN, d’après une figure de Addgene (www.addgene.org)

CRISPR-Cas

Cette fois c’est un ARN guide (CRISPR pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats), et non une protéine, qui reconnait la séquence cible à couper. Il est associé à une nucléase Cas, le plus souvent Cas9, qui coupe l’ADN à cet endroit précis. 

Disponible depuis 2012, le système CRISPR-Cas9 a révolutionné l’édition génomique par sa simplicité. Les scientifiques l’utilisent désormais quotidiennement dans tous les domaines de recherche : médecine, agronomie, environnement, etc. Fabriquer des ARN guides est infiniment plus facile que fabriquer des protéines. C’est aussi beaucoup plus rapide (quelques jours, contre plusieurs semaines ou mois pour la fabrication de nucléases à doigt de zinc ou de TALENs) et beaucoup moins coûteux. 

À peine trois mois après le développement de cet outil, plusieurs laboratoires publiaient déjà des résultats obtenus avec cette technique, confirmant son potentiel. Cinq ans après, plusieurs milliers d’articles de recherche – fondamentale ou appliquée, conduite chez d’innombrables espèces, visant toutes sortes d’applications – étaient publiés. 

CRISPR/Cas9 : une méthode révolutionnaire – animation pédagogique – 2 min 10 – Inserm, 2016 

Une utilisation dans tous les domaines du vivant et particulièrement en recherche biomédicale

L’édition génomique est utilisée dans différents domaines : l’agroalimentaire pour produire des espèces améliorées (par exemple des moutons et des veaux avec une masse musculaire accrue en Amérique du sud), l’agronomie (par exemple avec la modification génétique d’espèces végétales envahissantes, pour limiter leur croissance) et bien sûr la santé. Et ce, à tous les niveaux de la recherche : fondamentale, appliquée et clinique. Toutefois, l’ensemble de ces travaux en est encore largement au stade expérimental. 

Produire des modèles animaux

L’édition génomique permet de développer de nouveaux modèles animaux (moutons, vaches, furets, lapins, porcs, etc.), en modifiant le patrimoine génétique d’embryons grâce au système CRISPR-Cas9 avant de les transférer chez des femelles. Les chercheurs peuvent ainsi disposer à volonté de modèles animaux variés et adaptés à l’étude du développement, de pathologies ou pour des essais thérapeutiques. 

Deux singes macaques génétiquement modifiés sont par exemple nés en 2014, suite à l’introduction de mutations dans deux gènes différents, l’un étant impliqué dans le métabolisme et l’autre dans l’immunité. Ces naissances ont prouvé que l’obtention de primates non humains génétiquement modifiés est possible pour étudier des maladies. Jusque-là, ce type de travaux n’étaient presque exclusivement possibles que sur des souris, des drosophiles et des poissons zèbres. 

Produire des modèles cellulaires

Outre les modèles animaux, il est possible de produire des modèles de cellules en culture sur mesure. Jusque-là, l’étude de maladies rares était notamment limitée par la difficulté à disposer de cellules homozygotes pour une mutation récessive rare. Désormais, il est possible de créer ces mutations à partir de cellules saines ou d’inactiver l’un des allèles chez des individus hétérozygotes pour cette mutation rare. 

Soigner par la thérapie génique

En permettant d’introduire un gène sain ou de corriger une mutation dans les cellules d’un patient, l’édition génomique ouvre la voie à de potentielles thérapies géniques. Mais elle se confronte aux mêmes difficultés que les autres techniques de thérapie génique, en particulier en ce qui concerne la vectorisation de l’ADN thérapeutique et les nucléases (l’étape qui consiste à faire entrer ce matériel dans les cellules à traiter). 

Plusieurs possibilités s’offrent aux chercheurs pour une intervention ex vivo (les cellules à traiter sont prélevées chez les patients, modifiées au laboratoire, puis réadministrées au patient). La nucléase Cas peut être délivrée sous différentes formes (ADN, ARN ou protéine) avec l’ARN guide, et plusieurs méthodes de délivrance sont possibles, comme l’application d’un champ électrique (électroporation) ou l’utilisation de vecteurs chimiques qui augmentent la perméabilité des membranes cellulaires. Néanmoins les vecteurs viraux restent très performants, en particulier les lentivirus et les adénovirus pour des essais conduits in vivo.

Pour en savoir plus sur la thérapie génique 

Guérir d’un coup de ciseaux, vraiment ? – animation pédagogique et interview – 3 min 23 – vidéo extraite de la série Canal Détox (2018)

Les enjeux de la recherche

L’immense majorité des travaux d’édition génomique concerne la recherche fondamentale ou pré-clinique, pour étudier les maladies, le développement normal ou pathologique et tester des molécules thérapeutiques. Néanmoins quelques essais cliniques ont débuté chez l’humain contre des maladies monogéniques, mais également en infectiologie ou encore cancérologie. 

Un essai démarre chez des patients atteints d’hémophilie B. Des nucléases à doigts de zinc seront adressées vers leurs cellules du foie grâce à un vecteur viral (AAV). L’objectif est d’introduire une copie saine du gène codant pour le facteur IX de coagulation dans une région active du génome, permettant son expression en continu. Des essais de phase I débutent également pour le traitement de maladies lysosomales dues à un défaut de production de l’enzyme IDUA (alpha-L-iduronidase) : les mucopolysaccharidoses. Là encore, la stratégie testée consiste à utiliser des nucléases à doigts de zinc, adressées vers les hépatocytes de patients, pour forcer l’expression de l’enzyme déficiente. 

Un essai de phase II est en cours en infectiologie, contre le VIH. Il repose sur l’utilisation de nucléases à doigts de zinc, ex vivo dans des cellules souches hématopoïétiques non infectés de patients. L’objectif est d’inactiver le gène CCR5. La mutation de ce gène étant connue pour protéger de l’infection par le VIH, les chercheurs espèrent rendre les cellules modifiées résistantes au virus et rétablir l’immunité des patients. Des essais sont par ailleurs en cours avec différentes sortes de nucléases dans le traitement de la dysplasie utérine. L’idée est d’éliminer le virus HPV 16 ou 18 dans les cellules précancéreuses : la persistance de cette infection contribue en effet à l’apparition de cancers et à leur mauvais pronostic. Le traitement testé consiste à inactiver des protéines virales (E6 et E7) associées à cette persistance. 

Dans le domaine du cancer, l’édition génomique permet aussi d’armer les lymphocytes T de patients contre leur propre tumeur. La modification a lieu ex vivo, après prélèvement des cellules sanguines, et consiste à faire exprimer un récepteur synthétique (ou CAR pour Chimeric Antigen Receptor) qui reconnait des antigènes tumoraux. Une autre approche consiste à éliminer un frein à l’activation des cellules immunitaire : elle a été utilisée dans le lymphome B, avec des cellules T modifiées pour être capables de cibler l’antigène tumoral de surface CD19. Plusieurs essais cliniques démarrent également pour tester l’inactivation du gène PD‑1 afin de stimuler le système immunitaire contre des stades avancés de cancers de l’œsophage, du poumon, des voies nasopharyngées ou encore de lymphomes. Des cellules sanguines seront prélevées chez les patients, modifiées génétiquement avec CRISPR-Cas9, multipliées puis réinjectées. 


CRISPR-Cas9 chez l’embryon humain

Des équipes chinoises et américaines ont testé la technique CRISPR-Cas9 chez l’embryon humain pour corriger une mutation conférant la bêta-thalassémie ou une autre mutation associée à une pathologie cardiaque grave. Il s’agit de recherche fondamentale destinée à évaluer l’efficacité et la sécurité de CRISPR-Cas9 sur des embryons qui sont ensuite détruits. Les effets jusqu’ici obtenus restent largement perfectibles : le pourcentage d’embryons modifiés est faible et le risque de mosaïcisme (c’est-à-dire le risque que les cellules d’un même embryon ne possèdent pas toutes le même patrimoine génétique) est élevé. 

Concernant des modifications génétiques qui seraient transmissibles à la descendance, la France a ratifié la convention d’Oviedo qui interdit d’effectuer ce type de travaux. Pour de nombreux organismes scientifiques et comités éthiques, dont celui de l’Inserm, même si la convention d’Oviedo était modifiée, il est à ce stade inenvisageable de recourir à une intervention chez un embryon qui serait destiné à faire naitre un enfant, faute de garanties d’efficacité et de sécurité suffisantes.


Le risque de mutations hors cible et autres

Comme pour tous les médicaments, un risque majeur de l’édition génomique en thérapie est celui d’avoir des effets indésirables. 

Dans le cas de l’édition génomique, il existe en particulier un risque de créer des mutations hors cible, en dehors de la zone initialement visée. Les nucléases ciblent en effet des séquences spécifiques d’une longueur de 15–20 bases, mais elles peuvent couper « par erreur » des séquences très proches qui ne se distinguent que par une seule base. Ces mutations non désirées peuvent modifier l’expression de gènes qui n’étaient pas ciblés, les inactiver, voire conduire à l’apparition de cancers. Actuellement, des approches de séquençage complet du génome des cellules génétiquement modifiées ex vivo permettent, en principe, de vérifier l’absence de mutations hors cibles. La bonne représentativité de ces contrôles reste à vérifier. Ce problème devra être réglé avant de mener des essais in vivo. Des outils bio-informatiques sont développés dans ce but, pour mieux prédire le risque de mutations hors cibles et garantir une meilleure spécificité des nucléases. En outre, la performance et la spécificité de ces dernières continuent d’être améliorées. 

D’autres difficultés ont été identifiées telles que le mosaïsme : au cours d’une expérience, toutes les cellules faisant l’objet d’une tentative d’édition génomique ne sont pas génétiquement modifiées de façon strictement identiques à la fin de celle-ci. Cela s’explique par le fait que cette technique fait appel aux processus naturels de réparation de l’ADN et que ceux-ci peuvent inégalement intervenir d’une cellule à l’autre.

Enfin, l’absence de recul ne permet pas de statuer sur la sécurité à long terme d’une modification génétique provoquée dans une cellule. Les essais cliniques qui démarrent apporteront de précieuses informations sur la tolérance et la sécurité de cette approche. Ils permettront notamment de savoir, d’ici deux ou trois ans, si les effets hors cible sont maîtrisés. 


L’édition épigénomique

Une nouvelle variante de l’édition génomique appelée édition épigénomique a été proposée. Elle utilise le système CRISPR-Cas, mais la nucléase Cas ne coupe pas l’ADN : elle permet d’importer des molécules régulatrices de la transcription pour bloquer ou au contraire stimuler l’expression d’un gène ciblé. La séquence du gène n’est donc pas modifiée. 

La preuve de concept a été apportée fin 2017 in vivo chez la souris, avec l’activation forcée de gènes impliqués dans le contrôle du diabète, de la dystrophie musculaire de Duchenne et d’une maladie rénale aigue. 

Cette approche écarte le risque de mutation hors cible, même si des effets secondaires de fixation hors cible peuvent exister. De plus, elle évite la modification irréversible du patrimoine génétique d’une cellule. 


Les préoccupations éthiques

L’utilisation tous azimuts de l’édition génomique soulève des questions éthiques, d’autant que les premières applications se dessinent alors que la technique n’est pas parfaitement maitrisée. 

C’est notamment le cas pour le guidage de gène. Cette stratégie permet de modifier génétiquement (par CRISPR-Cas9) une population d’animaux en forçant un gène modifié à se transmettre. Le but est de la rendre résistante à une maladie ou encore de la stériliser si l’espèce est considérée comme nocive. Le guidage de gènes pourrait être utilisé pour contrôler des espèces végétales envahissantes ou pour éliminer la résistance aux herbicides ou pesticides. Il est également envisagé pour lutter contre des vecteurs de transmission de maladies, comme les moustiques impliqués dans la transmission du paludisme ou de la dengue. Une étude test, menée au Panama en 2015, semble soutenir l’efficacité de la technique : elle aurait permis de réduire les populations de moustique Aedes aegypti qui transmettent la dengue. 

Ces pratiques soulèvent beaucoup de questions, outre celles déjà discutées sur les effets hors cible : quel est le risque de contamination à des espèces autres que la population cible ? Quel est l’impact écologique et pour la biodiversité de l’éradication d’insectes pollinisateurs et nourriciers pour les larves de poissons ? Quels sont les risques à long terme pour l’espèce ? Comment arrêter efficacement la propagation du gène en cas de perte de contrôle de la technologie ? Des évaluations doivent être réalisées sur des périodes longues, avec l’élaboration de scénarios multiples par des équipes pluridisciplinaires combinant biologie moléculaire, écologie, sciences sociales, pour une évaluation prudente de la balance bénéfice/risque à long terme. 

D’autres questions se posent avec la modification génétique d’espèces à des fins commerciales. Ainsi, en Argentine et en Uruguay, des fermes expérimentales modifient le génome de moutons et de veaux pour augmenter la taille de leurs muscles dans le but de produire deux fois plus de viande. Quelles sont les conséquences pour la qualité de vie animale et pour les consommateurs ? 

Chez un embryon humain qui serait destiné à faire naître un enfant, ce type d’intervention est totalement inenvisageable à ce stade, faute de garanties d’efficacité et de sécurité suffisantes. Mais à terme, si la technique devient sûre et fiable, elle pourrait être utilisée dans des indications rares et très précises : par exemple pour éviter la transmission d’une maladie grave quand les deux parents en sont atteints et que le risque de donner naissance à un enfant malade est de 100%. Il s’agira alors de corriger la mutation chez l’embryon ou même en amont, au niveau des cellules germinales avant la fécondation. L’académie de médecine s’est prononcée en faveur de cette possibilité si la technologie atteint l’efficacité et la sureté nécessaires. Mais la plus grande vigilance devra s’imposer pour éviter toute dérive en faveur de modifications génétiques « de confort ». 

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