Nanotechnologies

Un nouveau pan de la médecine

Les nanotechnologies et les nano-objets regroupent les techniques et les outils du monde de l’infiniment petit : le millionième de millimètre. Travailler à une telle échelle offre des perspectives immenses dans de nombreux domaines : informatique, cosmétique, énergie… L’intérêt et la pertinence de l’utilisation des « nanos » en santé ont récemment été renforcés avec la mise au point des vaccins à ARN messager contre la Covid-19. Au-delà de cette application, le potentiel des nanotechnologies dans le domaine biomédical est très large, mais il n’est pas dénué de risques.

Dossier réalisé en collaboration avec Emmanuel Garcion, Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCI2NA, unité Inserm 1307)

Comprendre le potentiel des nanotechnologies

Les nanotechnologies correspondent à l’ensemble des techniques et des outils qui permettent d’étudier ou d’interagir avec les phénomènes particuliers qui existent au niveau nanométrique ou nanoscopique. En effet, pour un même composé, les lois de la physique ne sont pas les mêmes qu’aux dimensions macroscopiques : à cette échelle, il apparaît des propriétés nouvelles ou démultipliées, qui sont spécifiques. 


C’est petit comment un nanomètre ?

Un nanomètre (10-9 m, ou nm), du préfixe nano qui signifie nain en grec, correspond environ à la distance entre deux atomes. À titre de comparaison, une molécule d’eau mesure 0,1 nm, le diamètre de l’ADN est de 2 nm et celui d’un virus varie entre 30 et 200 nm. 


Même si l’apparition des nanotechnologies est encore récente, ce monde infinitésimal trouve déjà des applications dans tous les domaines de notre quotidien : le matériel sportif, l’électronique, les textiles, les cosmétiques ou la santé. Il faut dire que si leur définition repose sur une notion commune de dimensions, il s’agit d’une famille extrêmement large en termes de nature des matériaux mis en œuvre. On parle de nanomatériaux dès lors qu’ils contiennent au moins 50 % de nanoparticules.

En pratique, les nanotubes de carbone confèrent par exemple des propriétés de légèreté et de résistance à des articles de sport, les nanoparticules d’oxyde de silicium renforcent la brillance des vernis, les particules de dioxyde de titane améliorent la filtration des UV dans les crèmes solaires, et les liposomes permettent de formuler certaines crèmes hydratantes…

La santé et la médecine n’échappent pas à cette dynamique : régie par des phénomènes moléculaires, la biologie humaine forme en effet un domaine d’application idéale pour les nanotechnologies. Ces dernières permettent de structurer des assemblages moléculaires destinés à interagir, traiter ou reconstituer un tissu ou un organe particulier dans le corps humain. Grâce aux nanotechnologies, il est aussi possible de miniaturiser des dispositifs pour développer une nouvelle génération d’outils de diagnostic in ou ex vivo.

La crise de la Covid-19 a mis en lumière le formidable potentiel de cette approche dans le domaine de la santé à travers le développement des deux principaux vaccins à ARN messager contre le SARS-CoV‑2 : la partie « nano » de ces vaccins correspond au vecteur dans lequel est inséré l’ARN messager qui code pour la protéine Spike et doit être acheminé jusque dans le cytoplasme des cellules pour y être traduit en protéine. Dans ces deux médicaments, l’ARNm est transporté au sein d’une bulle de gras pleine (nanoparticules de lipides) ou creuse (liposome). L’enjeu d’un tel développement technologique était de disposer de vecteurs stables avant et après administration, qui protègent l’ARNm jusque dans les cellules et permettent de le libérer une fois la membrane cellulaire franchie. Ils ont nécessité la mise au point d’assemblages de lipides aux propriétés physicochimiques adaptées.

Les enjeux en médecine

Améliorer les outils diagnostiques actuels

Prévention, diagnostic précoce, suivi thérapeutique… les perspectives des nanotechnologies sont nombreuses dans le domaine du diagnostic :

Dans le domaine de l’imagerie médicale

De nombreuses techniques d’imagerie (radiographie, IRM, scintigraphie…) reposent sur le suivi de l’évolution de produits de contraste injectés dans l’organisme. Les nanoparticules représentent une alternative intéressante aux agents actuellement utilisés (fluorures organiques ou isotopes radioactifs) : elles pourraient en effet améliorer la résolution et la spécificité des images obtenues, tout en étant mieux tolérées par l’organisme. Aujourd’hui, leurs propriétés sont déjà exploitées dans le cadre de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) où des nanoparticules d’oxyde de fer sont utilisées pour certains examens en neurologie ou pour visualiser le système vasculaire. Les recherches se poursuivent afin d’étoffer le panel des nano-agents disponibles et des techniques dans lesquelles on pourrait les utiliser.

D’autres applications sont en développement mais ne sont pas encore réellement implantées dans la pratique clinique. C’est notamment le cas dans le domaine de l’imagerie fonctionnelle. Des nanoparticules peuvent y être utilisées comme des marqueurs biologiques, pour mettre en lumière des mécanismes à l’échelle moléculaire. Ils apportent alors une précision complémentaire de celle obtenue sur un plan plus macroscopique par l’imagerie fonctionnelle conventionnelle. À titre d’exemple, des nanoparticules photolumineuses sont développées pour réagir en présence de composés issus de mécanismes physiopathologiques, comme par exemple des espèces réactives à l’oxygène liées à la présence de processus inflammatoires ou tumoraux. Leur photoluminescence peut ensuite être observée par le biais de l’imagerie médicale.

Dans un avenir plus lointain, les approches théranostiques pourraient aussi se développer. L’idée est de développer un vecteur nanométrique qui combinera à la fois un agent diagnostique et un agent thérapeutique, afin de proposer simultanément une imagerie de haute précision d’une anomalie et un traitement ciblé. Cette approche pourrait être particulièrement adaptée à l’oncologie (détection et traitement d’une tumeur cancéreuse).

Dans le domaine des analyses biologiques

Dans toute maladie, de nombreux phénomènes biologiques se produisent à l’échelle moléculaire, et les symptômes n’en sont que la résultante tardive, identifiable à l’échelle macroscopique. Ainsi, développer un appareil d’analyse qui aurait la capacité de qualifier directement les phénomènes à l’échelle nanométrique pourrait aider à prévenir ou diagnostiquer précocement certaines maladies. Cette idée fait son chemin depuis quelques décennies et l’analyse médicale est en train de connaître une révolution de taille avec la mise au point de biopuces dont certaines constituent de véritables laboratoires de poche miniaturisés. Le principe d’une biopuce est toujours le même : elle correspond schématiquement à une sonde biologique fixée sur un support et capable de repérer sa cible dans un mélange mis à son contact. L’interaction entre la sonde et sa cible produit un signal qui est technologiquement transformé en signal électronique. Il existe aujourd’hui différents types de puces, qui permettent la détection de cibles de natures variées : des puces à ADN, mais aussi à sucres, à protéines ou mêmes à cellules.

Les puces à ADN

Les puces à ADN et les Microarrays combinent la microélectronique, la chimie des acides nucléiques, la microfluidique, la biologie, la bio-informatique et l’analyse d’images. Il s’agit de petites plaques (de verre, plastique ou silicium) sur lesquelles sont fixées des dizaines de milliers de brins d’acide nucléique de séquences déterminées, afin de détecter leur complément dans le milieu biologique étudié (sang, urine...). Cette approche est par exemple utile pour mettre en évidence et doser la présence d’un pathogène viral ou bactérien, ou encore pour repérer une mutation spécifique d’une maladie génétique.

S’appuyant sur cette technologie, le séquençage nouvelle génération (NGS) est une approche qui permet de détecter plus rapidement et simultanément des millions d’acides nucléiques. Aussi appelé « séquençage à haut débit », ce progrès technologique a été particulièrement important car il a permis de développer les études d’association pangénomique (qui visent à identifier des gènes qui favoriseraient une maladie en analysant l’ensemble du génome), les études transcriptomiques (analyse de l’expression d’un ensemble de gènes), ou celle de l’épigénome. Plus récemment, le séquençage de troisième génération (Third Generation Sequencing) s’est appuyé sur l’émergence du « nanopore » grâce auquel une analyse directe en temps réel de longs fragments d’ADN ou d’ARN est possible. Il fonctionne en surveillant les changements d’un courant électrique lorsque les acides nucléiques traversent un pore protéique de taille nanométrique. Le signal qui en résulte est décodé pour fournir la séquence spécifique des molécules d’ADN ou d’ARN analysées.

Des outils de quatrième génération (Fourth Generation Sequencing) sont actuellement en développement pour encore améliorer la précision, la vitesse et la capacité d’analyse des systèmes de séquençage. Citons notamment le séquençage in situ (In Situ Sequencing ou ISS) qui vise à étudier les hétérogénéités tissulaires et topographiques, ou encore le séquençage Single Cell (séquençage de cellule unique). Dans cette dernière application, les nanotechnologies participent au tri de cellules individuelles. Une telle approche permet d’envisager l’analyse simultanée de toute l’information génétique à l’échelle d’une seule cellule (ADN, ARN, épigénome) et, ainsi, de qualifier l’hétérogénéité d’une population cellulaire. Cette technique peut par exemple aider à définir les capacités de réponses d’un tissu à un traitement donné ou à déterminer des spécificités micro-environnementales propres à ce tissu.

Les laboratoires sur puces

Les Lab-on-a-chip forment l’autre pan de l’ère du diagnostic biologique à l’échelle nanométrique. Il s’agit de véritables laboratoires sur puce qui permettraient de conduire simultanément plusieurs analyses – comme des séquençages d’ADN, des détections biochimiques de composés et/ou des dosages de protéines – grâce à des nanocanaux ou des nanopores biologiques ou synthétiques, disposés les uns à côté des autres sur une plaque de quelques centimètres carrés. Ces approches visent à couvrir tout le processus d’analyse, depuis la préparation et le dépôt de l’échantillon biologique jusqu’au rendu des résultats. Elles combinent pour cela la microfluidique, la microélectronique, la biologie moléculaire, l’optique et l’informatique. Elles sont automatisées, rapides et peu coûteuses. À terme, l’utilisation de ces puces pourrait remplacer les examens réalisés en laboratoire d’analyse conventionnel, à partir de quelques gouttes de sang ou de salive. Des approches qui utilisent des cellules en lieu et place de ces nanocanaux sont aussi en développement pour étudier, par exemple, des réactions enzymatiques (Cell-on-a-chip).

D’autres évolutions plus expérimentales sont à l’étude comme les Organs-on-a-chip : ici, l’objectif de la puce est de rassembler des microcanaux dans lesquels différentes cellules humaines représentatives d’un tissu ou d’un organe sont présentes, chacune avec un micro-environnement synthétique qui mime son environnement physiologique. Les échanges sont possibles grâce à des barrières poreuses qui séparent les différents canaux. Ces organoïdes sont donc construits comme des unités fonctionnelles aptes à mimer in vitro le plus fidèlement possible le comportement du tissu considéré. L’objectif est de les utiliser, par exemple pour déterminer l’impact d’un traitement ou d’un pathogène spécifique au plan tissulaire.

Dans un avenir plus lointain, les chercheurs espèrent mettre au point des nanovecteurs qui permettront de capter in situ et en temps réel certaines variations biologiques, avec l’idée de pouvoir suivre de façon continue notre santé, ou le fonctionnement de certains organes.

Un nanorobot pour explorer les processus cellulaires

Mieux comprendre divers processus invisibles à l’œil nu, qui ont lieu à l’échelle de nos cellules, grâce à un minuscule robot construit à base d’ADN... Cela s’apparenterait presque à un projet de science-fiction, mais il s’agit en fait de travaux très sérieux menés par des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Montpellier au Centre de biologie structurale de Montpellier. Ce nano-robot, très innovant, devrait permettre d’étudier de plus près des forces mécaniques qui s’appliquent à des niveaux microscopiques et qui sont cruciales pour de nombreux processus biologiques et pathologiques.

Pour en savoir plus : Un nanorobot entièrement construit à base d’ADN pour explorer les processus cellulaires (communiqué de presse du 28 juillet 2022)

De la magic-bullet aux nanomédicaments

Au début du 20e siècle, le scientifique allemand Paul Ehrlich théorisait l’idée de la « magic bullet » : une « balle magique » qui serait spécifiquement dirigée et active contre les agents infectieux au sein de l’organisme. Ce concept qui permet de contourner les difficultés rencontrées par la thérapeutique conventionnelle est aujourd’hui une réalité grâce à la vectorisation des médicaments permise par les nanotechnologies. On parle alors de nanomédicaments.

Ce procédé peut avoir différents objectifs :

  • Permettre de protéger le médicament vis-à-vis de l’organisme, pour augmenter sa stabilité et sa durée de vie une fois administré, ou pour améliorer sa biodisponibilité afin d’augmenter son efficacité pour une dose donnée.
  • Limiter la toxicité du médicament sur les tissus qu’il ne cible pas : cette propriété est précieuse dans le cas d’un médicament anticancéreux qui doit être toxique pour les cellules tumorales tout en épargnant les cellules saines.
  • La vectorisation peut aussi donner à la molécule active des propriétés physicochimiques qui facilite son administration : un vecteur hydrophile peut par exemple être utilisé pour rendre injectable une molécule hydrophobe.
  • Certaines approches innovantes permettent aussi d’associer un médicament à un nanocomposé activable à distance, par rayonnement, qui va alors perturber l’intégrité de la membrane des cellules cibles pour favoriser l’entrée du principe actif. La composition du nanovecteur peut aussi aider le principe actif à atteindre sa cible à l’intérieur même des cellules, une fois la membrane cytoplasmique franchie.

Les nanomédicaments permettent donc d’améliorer la balance bénéfice-risque de molécules thérapeutiques. Actuellement, la plupart de ceux qui sont commercialisés aujourd’hui sont utilisés en oncologie, mais il en existe aussi en infectiologie, en neurologie ou en rhumatologie.

La plupart des nanomédicaments utilisent un nanovecteur particulaire qui transporte le principe actif. Son intérêt premier est d’optimiser la délivrance de la molécule active sur son site d’action. Il existe différents types de vecteurs dont la structure physicochimique varie : des micelles, des liposomes ou des enveloppes de polymère biodégradable… Dans ce cas, le principe actif est transporté à l’intérieur de la particule.

Dans d’autres cas, la vectorisation repose sur l’utilisation d’un nanomatériau minéral (nanoparticules d’or, silicium poreux, ruthénium…) qui possède une affinité pour le tissu ciblé ou qui peut être déplacé vers le site d’action du médicament par une source d’énergie externe (ultrasonore, électromagnétique, énergétique ou lumineuse). Des nanomoteurs implantables ont ainsi été développés, propulsés sous l’effet d’ultrasons et guidés avec des aimants. Implantés dans cellules humaines cancéreuses, ils provoquent leur mort grâce à des ondes de haute intensité. Le transport et le guidage rapide de nanomédicaments peut aussi être obtenu grâce à des « nano-navettes catalytiques » fondées sur l’utilisation de nanomoteurs en nanotubes de carbone ou en alliage magnétique.

Parallèlement, des « nanozymes » synthétiques capables de réaliser des réactions catalytiques d’enzymes naturelles ont été développées. Elles pourraient être utiles dans la lutte contre le cancer, la médecine diagnostique, la biodétection, ou même la toxicologie environnementale.

La nanovectorisation des acides nucléiques

Depuis le succès des vaccins à ARN messager développés contre la Covid-19, le potentiel thérapeutique des acides nucléiques (ARN messager, micro ARN…) et la faisabilité de cette approche n’est plus à démontrer. Elle constitue l’un des volets les plus dynamiques dans la recherche en nanomédecine. La nanovectorisation des acides nucléiques pourrait en particulier apporter des solutions à certaines des difficultés qui limitent aujourd’hui le développement de la thérapie génique.

La vectorisation des acides nucléiques doit faire face à certains défis :

  • Le premier concerne la fenêtre thérapeutique souhaitée. Selon le type de médicament, la durée de vie de l’acide nucléique idéale peut être plus ou moins longue : dans le cas des vaccins, il n’est pas utile de prolonger la présence de l’ARNm une fois qu’il a été traduit en protéine. En revanche, si un acide nucléique est utilisé pour corriger le déficit d’origine génétique d’une protéine, une durée de vie longue pourrait éviter de recourir à des administrations trop fréquentes.

Un pionnier américain et un Nobel français

Robert S. Langer, ingénieur biotechnologiste largement reconnu dans les domaines des systèmes d’administration de médicaments et en ingénierie tissulaire, a publié le premier article démontrant qu’il était possible de délivrer des acides nucléiques (ARN et ADN) au travers de nanoparticules synthétiques. Il a largement contribué à l’avènement des vaccins à ARN messager contre la Covid-19.

En 2016, une équipe de chercheurs a reçu le prix Nobel de chimie pour leurs travaux sur les machines moléculaires. Parmi eux, le français Jean-Pierre Sauvage. Ces nanomachines sont constituées de deux molécules entrelacées, toutes deux en forme d’anneau (rotaxane) ou l’une formant un anneau autour de l’autre linéaire (caténane). Cet assemblage peut être mis en mouvement lorsqu’elles reçoivent de l’énergie chimique, lumineuse ou thermique. La médecine fait partie des perspectives attachées à cette découverte : en effet, il a été possible de créer un nanomoteur qui mime la contraction de certains composants des fibres musculaires. Ces nanomoteurs pourraient aussi véhiculer des médicaments à travers le corps.

À lire aussi : Nanomédicaments : Les acides nucléiques thérapeutiques, du cancer à la Covid-19

Au coeur de la cellule – reportage – 4 min 38 – vidéo extraite de la série Nature = Futur ! (2016)

Réparer ou remplacer des tissus

Qu’ils soient osseux, cutanés, nerveux, cardiaques… les tissus de l’organisme peuvent être lésés suite à une maladie ou un traumatisme. Ils peuvent aussi être anormaux ou dysfonctionner du fait d’une anomalie génétique ou constitutionnelle. Dans tous les cas, l’idée de pouvoir les réparer ou les remplacer par un tissu sain, normal ou fonctionnel est une perspective prometteuse pour la médecine régénérative. Dans ce contexte, les nanobiomatériaux sont particulièrement intéressants. Ces matériaux biocompatibles peuvent en effet être structurés afin d’avoir une surface qui va mimer celle du tissu physiologique. Ils peuvent aussi constituer une trame bi- ou tridimensionnelle qui sera ensuite colonisée par les cellules : cellules souches ex vivo ou cellules du tissu cible in vivo. Dans certains cas, ces nanobiomatériaux peuvent aussi comporter un agent thérapeutique qui pourra être délivré localement.

La nanomédecine régénérative offre aussi le moyen de restaurer des fonctions : par exemple, des implants sous-rétiniens ont été développés à partir de nanofils de dioxyde de titane revêtus de nanoparticules d’or afin de mimer les fonctions des photorécepteurs naturels de l’œil. Ils sont implantés chirurgicalement à la place de ces derniers, situés à l’arrière de la rétine. La lumière engendre une légère modification de la tension électrique locale, qui favorise l’activation des neurones du nerf optique. Les données chez l’animal montrent que cette approche permet de restaurer la vision de souris aveugles.

Les nanotechnologies peuvent en outre apporter des réponses face aux impasses thérapeutiques auxquelles sont confrontés les patients atteints par certains troubles ou déficits neurodéveloppementaux, moteurs ou sensoriels. Des prothèses et des interfaces neuronales sont développées à mesure qu’apparaissent des nanomatériaux innovants, qui permettent la mise au point d’interfaces bioélectroniques implantables. Des dispositifs en graphène (une forme cristalline spécifique du carbone particulièrement adaptée à une utilisation en milieu biologique) sont par exemple utilisés dans des systèmes qui permettent l’enregistrement ou la stimulation neuronale. Des bioprothèses qui combineraient un dispositif électronique et des cellules nerveuses pourraient aussi être utilisés pour restaurer une connexion nerveuse déficitaire, par exemple chez les personnes qui présentent une paralysie secondaire à une lésion neuronale.

Éthique et risques

Manipuler et utiliser les nanomatériaux peut avoir un impact sur le vivant et l’environnement. À mesure que ce domaine s’étoffe et que les applications se multiplient, la société civile et les chercheurs posent la question des risques inhérents à ce nouveau domaine : les maîtrise-t-on, les contrôle-t-on suffisamment ? Il s’agit d’abord de risques de sécurité et de toxicité pour les êtres vivants et l’environnement. Mais il s’agit aussi de bouleversements sociétaux : l’usage de nanomédicaments et de nanotechnologies risque-t-il de nous orienter vers l’ère de l’Homme augmenté (par exemple avec des interfaces cerveau-machine qui iraient au-delà de la réparation d’une fonction altérée), et par conséquent de bouleverser la notion même d’humanité ? C’est la raison pour laquelle certaines institutions publiques nationales ou internationales préconisent, outre l’évaluation de la sureté des produits nanomédicaux (soumis, il va de soi, aux mêmes procédures réglementaires que les autres médicaments), de définir une éthique et une réglementation stricte autour de ces produits, si possible à l’échelle internationale.

Pour aller plus loin