Des nanoparticules, alliées de poids dans la lutte contre la tuberculose

Les nanoparticules de bêta-cyclodextrine ont prouvé leur capacité à transporter efficacement des médicament contre la tuberculose directement dans les poumons des souris infectées. Les chercheurs à l’origine de ce résultat viennent d’aller plus loin en démontrant que ces transporteurs ciblent spécifiquement les macrophages alvéolaires, principales cellules infectées. Plus étonnant encore, ces nanoparticules possèdent une activité antituberculeuse intrinsèque, même lorsqu’elles sont vides.

Pour lutter contre la tuberculose et l’émergence et la propagation de souches résistantes et multirésistantes de la bactérie qui en est responsable – Mycobacterium tuberculosis – l’efficacité des médicaments antituberculeux doit être améliorée. Une approche innovante consiste à agir au plus près des cellules infectées par le bacille. D’où l’idée d’administrer les médicaments directement dans les voies respiratoires, par spray, pour atteindre les cellules du système immunitaire pulmonaire. ces cellules sont en effet les principales cibles de M. tuberculosis dans la forme pulmonaire de la maladie, la plus fréquente et la plus contagieuse. 

C’est dans ce contexte et dans le cadre du projet européen CycloN Hit, que des chercheurs de l’Inserm* et du CNRS** ont mis au point un procédé permettant d’encapsuler un antituberculeux (l’éthionamide) et son activateur dans des nanoparticules de bêta-cyclodextrine (pßCD). Ces particules « cages » acheminent les molécules thérapeutique vers leurs cibles biologiques. Administrées en spray à des souris infectées, elles se sont révélées beaucoup plus efficaces qu’un traitement oral pour diminuer la charge infectieuse. 

Un transporteur aux vertus antituberculeuses

Dans une nouvelle étude, l’équipe a voulu en savoir plus sur les propriétés intrinsèques de ces transporteurs. Les expériences conduites ont permis de montrer que les pßCD sont spécifiquement phagocytées par les macrophages alvéolaires, les principales cellules infectées par Mycobacterium tuberculosis : une propriété qui renforce leur intérêt dans une stratégie visant à maximiser la rencontre entre les antituberculeux et l’agent infectieux. 

Mais même lorsqu’il est vide, le transporteur se révèle être un excellent antituberculeux chez la souris, capable de diminuer la charge infectieuse des animaux infectés de manière substantielle (diminution d’un 10 en seulement six administrations). En déstructurant la membrane lipidique du macrophage, les pßCD empêchent en effet les bacilles d’entrer dans la cellule. Ils conduisent également les macrophages à s’autodétruire, réduisant par la même occasion les conditions d’installation durable de l’agent infectieux. Le transporteur serait donc en mesure de décupler les effets des médicaments qu’il contient ! « Il pourrait même être utilisé seul en première intention chez des personnes saines, afin de limiter leur contamination par le bacille », estiment Arnaud Machelart et Priscille Bodin, principaux auteurs de la publication. 

Un spray de nanoparticules de bêta-cyclodextrine a été utilisé pour traiter des souris infectées par le bacille de la tuberculose. Ces nanoparticules (en rouge) sont capables de pénétrer dans le cytoplasme des macrophages (bleu clair avec le noyau en bleu plus foncé), la principale cible du bacille. ©Inserm/Priscille Brodin

Vers un spray efficace et peu coûteux

Les nanoparticules de bêta-cyclodextrine ont également d’autres atouts : ce sont les premiers transporteurs étudiés qui ne contiennent pas de composants métalliques pour stimuler leur action. Les chercheurs ont montré qu’ils ne sont pas toxiques pour le génome et n’induisent que peu (ou pas) de réaction inflammatoire. De surcroît, leur procédé de fabrication est facile, peu coûteux et n’utilise pas de solvant organique. 

« Nous exposerons les résultats de nos travaux en juillet, lors d’un congrès dédié au développement d’antituberculeux (Tuberculosis Drug Discovery and Development, Gordon Research Conference) à Barcelone, indique Priscille Bodin. De nombreux industriels seront présents, notamment en provenance de pays concernés au premier chef par les problèmes de résistance aux antibiotiques (Chine, Inde, Europe de l’Est, Etats-Unis). Nous avons bon espoir qu’ils envisagent de développer rapidement un produit commercialisable issu de ces travaux. »

Notes :
* unité 1019 Inserm/CNRS/Université de Lille 1/Institut Pasteur de Lille, Centre d’infection et immunité de Lille (CIIL), équipe Chémogénomique des mycobactéries intracellulaire et unité 1177 Inserm/Université de Lille 1/Institut Pasteur de Lille, Médicaments et molécules pour agir sur les systèmes vivants, Lille

** UMR 8214 CNRS/ Université Paris Sud/Université Paris-Saclay, Institut de Sciences Moléculaires d’Orsay

Source : A Machelart et coll. Intrinsic Antibacterial Activity of Nanoparticles Made of β‑Cyclodextrins Potentiates Their Effect as Drug Nanocarriers against Tuberculosis. ACS Nano, édition en ligne du 8 mars 2019