Coqueluche

La "toux des 100 jours" est revenue

Maladie extrêmement contagieuse en pleine recrudescence, la coqueluche est aujourd’hui sous haute surveillance. Parallèlement, la recherche s’active pour développer de nouvelles stratégies vaccinales.

Dossier réalisé en collaboration avec Camille Locht, directeur de recherches émérite à l’Inserm et Nathalie Mielcarek, directrice de recherche à l’Inserm et directrice adjointe du Centre d’infection et d’immunité de Lille (unité 1019 Inserm/CNRS/Institut Pasteur de Lille/Université de Lille Nord de France/CHRU de Lille)

Comprendre la coqueluche

La coqueluche est une infection respiratoire causée par la bactérie Bordetella pertussis. Cette maladie particulièrement dangereuse pour les nourrissons de moins de 6 mois a longtemps été oubliée, car le nombre de cas a fortement baissé grâce à la vaccination généralisée des jeunes enfants. Elle reste pourtant endémique partout dans le monde. Après une forte diminution du nombre de cas diagnostiqués pendant la pandémie de Covid-19, notamment grâce à l’adoption massive des gestes barrières durant cette période, une importante recrudescence de coqueluche est observée depuis 2023. Ainsi, près de 135 000 cas ont été recensés en France entre janvier et août 2024. Pour comparaison, environ 40 000 cas par an étaient diagnostiqués dans toute l’Europe avant la pandémie de Covid-19.

« La toux des 100 jours »

La coqueluche démarre par une phase d’incubation qui peut s’étendre sur une à trois semaines. La première semaine, le malade ne présente absolument aucun symptôme. Puis survient un écoulement nasal qui peut durer une à deux semaines, généralement sans fièvre. Au cours de cette phase, les sécrétions respiratoires sont riches en bactéries et le malade est donc déjà très contagieux.

Ces premiers symptômes laissent ensuite place à une toux qui évolue rapidement en quintes fréquentes, prolongées, plus intenses la nuit et souvent suivies de vomissements, sans aucune fièvre : c’est la phase paroxystique. En fin de quinte, le malade reprend son souffle par une longue inspiration au son aigu : le fameux « chant du coq ».

Puis la toux régresse lentement vers la guérison : c’est la phase de convalescence qui peut durer une à plusieurs semaines. Au total, la coqueluche est donc une maladie relativement longue, raison pour laquelle les Chinois l’ont baptisée « la toux des 100 jours ».

Une maladie très contagieuse sous surveillance

On estime qu’une personne atteinte de coqueluche en contamine en moyenne 15 à 17, par le biais des gouttelettes qui proviennent de son nez et sa bouche. Pour comparaison, une personne infectée par le SARS-CoV2, agent causal de la Covid-19, en contamine 3 en moyenne. Cette contagiosité élevée est maximale durant la première semaine de toux, puis elle diminue avec le temps : on la considère nulle au bout de trois semaines si le malade n’est pas traité, alors que trois à cinq jours suffisent s’il reçoit des antibiotiques adaptés. Le port du masque est fortement recommandé en cas de symptômes.

Un traitement antibiotique à suivre aussi précocement que possible

Les antibiotiques de la famille des macrolides permettent d’éliminer rapidement les bactéries dans les sécrétions respiratoires des patients atteints de coqueluche. Ils réduisent efficacement les risques de transmission de la maladie lorsqu’ils sont donnés au tout début de l’infection. En règle générale, ce traitement autorise un retour en collectivité sous trois à cinq jours.

La coqueluche se propage principalement au sein des familles (de parents à enfants et entre frères et sœurs) ainsi que dans les collectivités (au bureau, dans les établissements scolaires, les centres médico-sociaux...) Dans tous les cas, une enquête est diligentée autour du malade pour identifier les contaminateurs et les cas secondaires. 

En France, la coqueluche est surveillée par Renacoq, un réseau d’une quarantaine de services hospitaliers pédiatriques, en lien avec le Centre national de référence (CNR) de la coqueluche de l’Institut Pasteur et Santé publique France. Ce réseau enregistre les cas de coqueluche qui surviennent chez des moins de 17 ans, après un diagnostic validé par les méthodes officielles. Le CNR identifie les souches bactériennes en cause pour suivre leurs éventuelles mutations. Par ailleurs, tous les cas groupés de coqueluche doivent être notifiés aux Agences régionales de santé.

Nourrissons : une population à risque !

Plus de 90 % des décès par coqueluche surviennent chez les bébés de moins de six mois. Plus largement, la coqueluche reste en France la première cause de décès par infection bactérienne entre l’âge de dix jours et celui de deux mois. La maladie peut en effet générer des complications mortelles chez les nourrissons : pneumonie, crises convulsives, encéphalite, détresse respiratoire, défaillance cardiaque... Chez les moins de trois mois, un diagnostic de coqueluche entraîne une hospitalisation systématique. L’enjeu numéro un est donc d’éviter la contamination de ces bébés.

En France, le réseau Renacoq a identifié 2 524 cas de coqueluche chez des nourrissons de moins de six mois entre 1996 à 2013. Avec la recrudescence récente de la maladie, 277 nourrissons de moins de 12 mois ont été hospitalisés en raison de la coqueluche en France entre janvier à août 2024. Sur la même période, un nombre provisoire de 22 enfants sont décédés suite à cette infection (données Santé Publique France). Le plus souvent, les nouveau-nés sont contaminés par leurs propres parents (63 % de cas) ou leurs frères et sœurs (27 % des cas). 

Les personnes âgées constituent une autre population à risque : la coqueluche peut fortement les affaiblir et favoriser des surinfections : grippe, infections à pneumocoque, à Haemophilus... Ainsi depuis début 2024, 13 adultes âgés de 51 à 95 ans atteints de coqueluche sont décédés en France, même si cette infection n’était pas indiquée comme première cause de décès (données Santé Publique France).

Un diagnostic en deux temps

Pour diagnostiquer une coqueluche, le médecin se fonde bien sûr d’abord sur les symptômes du malade. Il se renseigne aussi sur l’éventuelle existence de cas de coqueluche dans l’entourage du patient. Mais l’intensité des symptômes peut fortement varier d’un patient à l’autre, en fonction du degré d’immunité déjà acquise. D’où l’importance de confirmer l’examen clinique par des analyses biologiques capables de détecter la présence de Bordetella pertussis dans les sécrétions nasales. Le plus souvent, le matériel génétique de la bactérie y est recherché via une technique d’amplification de l’ADN (PCR pour Polymerase Chain Reaction). La technique plus classique de mise en culture au laboratoire peut aussi être utilisée pour visualiser directement la bactérie.

La vaccination : clef de voute de la prévention

En France, les vaccins anti-coqueluche actuellement utilisés sont composés de deux à cinq éléments de la bactérie (des « antigènes »), contre lesquels notre système immunitaire va s’entraîner à produire des anticorps spécifiques. On administre ce type de vaccin aux bébés en trois doses intramusculaires – à l’âge de deux, quatre et onze mois – en combinaison avec d’autres vaccins. Mais l’immunité conférée par ces vaccins dits acellulaires diminue au fil du temps. Voilà pourquoi trois rappels sont recommandés, avec une dose réduite d’antigènes, à 6 ans, entre 11 et 13 ans et à 25 ans. 

D’autres pays proposent un vaccin cellulaire, composé du germe bactérien entier tué. Ce type de vaccin protège plus longtemps, mais il a été abandonné en France en raison de ses effets secondaires (fièvre, douleurs, érythème...). Bien que son efficacité soit de 90 % au bout de trois injections, ses désagréments sont tels que nombre de personnes ne voulaient plus se faire vacciner... Moins cher que les vaccins acellulaires, il reste toutefois très utilisé dans les pays en développement. 

Vacciner la femme enceinte pour protéger le nourrisson

Pour protéger au maximum les nourrissons de moins de six mois, la France préconise depuis 2004 la stratégie du « cocooning ». Cette dernière consiste à s’assurer que les vaccinations de l’entourage proche de ces bébés sont à jour et, si ce n’est pas le cas, à procéder à un rappel. 

Très concrètement, la stratégie s’adresse tout d’abord aux adultes qui ont un projet parental, avant même le début de la grossesse. Ensuite, durant celle-ci, le cocooning vise les parents, la fratrie et tous les adultes qui seront en contact étroit avec le futur nourrisson durant ses six premiers mois : nounou, baby-sitter, grands-parents...

La Haute Autorité de Santé recommande en outre, depuis avril 2022, de vacciner les femmes pendant leur grossesse. Cette vaccination des femmes enceintes est pratiquée dans une trentaine de pays depuis plus de 10 ans : elle a conduit à une réduction des taux d’incidence, des hospitalisations et de la mortalité dues à la coqueluche chez les enfants de moins de 3 mois. Les nouveau-nés sont en effet protégés grâce aux anticorps maternels. Afin d’optimiser cette protection, il est recommandé de vacciner les femmes à partir du deuxième trimestre de grossesse, en privilégiant la période entre 20 et 36 semaines d’aménorrhée (entre le 5e et le 8e mois de grossesse).

En complément de la vaccination, deux mesures permettent de réduire le risque de transmission de la maladie. Tout d’abord, l’isolement du malade et le port du masque pendant trois à cinq jours après le début du traitement antibiotique, ou durant toute la phase de contagion s’il n’est pas traité. Parallèlement, des antibiotiques peuvent aussi être prescrits aux personnes de l’entourage direct du malade qui n’ont été pas vaccinées, ou chez lesquelles la dernière injection du vaccin est perçue comme trop lointaine pour les protéger : c’est l’antibiothérapie prophylactique. Concrètement, ce traitement préventif est recommandé aux enfants et aux adultes dont la dernière vaccination contre la coqueluche date de plus de 5 ans (sauf en cas de coqueluche avérée depuis moins de 10 ans) ET qui sont en contact avec des nourrissons ou des personnes fragiles.

Les enjeux de la recherche

Approfondir la compréhension de la maladie et de son histoire naturelle

Le suivi épidémiologique de la coqueluche met en évidence une fluctuation du nombre de cas selon des cycles d’environ 5 ans : autrement dit, un pic épidémique de la maladie (plus ou moins élevé) est observé tous les 5 ans. Ces cycles reflètent la nature protectrice de la maladie elle-même. L’introduction de la vaccination de masse a fortement contribué à une diminution spectaculaire du nombre de cas, mais n’a pas sensiblement allongé l’intervalle entre les pics épidémiques, indiquant que la bactérie responsable de l’infection continue à circuler malgré une bonne couverture vaccinale.

La maladie a quasiment disparu pendant la pandémie de Covid-19, probablement largement grâce à l’application des gestes barrières, mais elle a fait un retour spectaculaire depuis le début 2024. On pense que ce phénomène est notamment lié à la combinaison d’une perte d’efficacité du vaccin anticoquelucheux (en raison du caractère transitoire de son efficacité et de l’interruption des programmes de vaccination), et de l’existence d’un portage sain de la bactérie Bordetella pertussis qui a permis à la transmission bactérienne de se poursuivre. Mais ces deux éléments ne permettent pas d’expliquer totalement les évolutions les plus récentes. Ainsi, l’augmentation de la diversité génétique des souches, particulièrement prononcée depuis la pandémie de Covid-19, reste inexpliquée. La recherche doit donc maintenir ses efforts pour continuer à décrypter les interactions entre Bordetella pertussis et l’Homme, et pour découvrir l’origine de ces variabilités génétiques. La mise au point de modèles animaux qui reproduisent plus fidèlement les symptômes observés chez l’humain (toux quinteuse, transmission...) que ceux qui existent aujourd’hui, pourrait faciliter ce travail.

Un nouveau vaccin nasal en test chez l’humain

Pour combattre la recrudescence de coqueluche, les chercheurs tentent d’améliorer les vaccins actuels. Côté vaccins acellulaires, certaines équipes développent par exemple de nouvelles formulations en jouant sur la nature des antigènes, sur les adjuvants, en incorporant des nanoparticules... Côté vaccins cellulaires, d’autres tentent de modifier la bactérie entière utilisée pour qu’elle génère moins d’effets secondaires. À mi-chemin entre ces deux types de vaccin, certains scientifiques travaillent aussi sur la mise au point de vaccins qui miment les vésicules pleines d’antigènes relargués par Bordetella. pertussis lorsqu’on la cultive... Mais toutes ces études n’en sont encore qu’au stade préclinique. 

Pour l’heure, un seul nouveau candidat vaccin, appelé BPZE1, est en développement clinique chez l’humain. Issu de la recherche menée par l’Inserm et l’Institut Pasteur de Lille, son développement clinique est conduit par la société de biotechnologie américaine ILIAD qui en a acquis la licence. Le vaccin BPZE1 est constitué de bactéries Bordetella pertussis vivantes, mais génétiquement modifiées pour leur ôter toute toxicité. Autre particularité, il est administré par voie nasale, en une seule dose. L’objectif est de mimer au plus près l’infection naturelle par Bordetella pertussis. La bactérie n’affecte en effet que les voies respiratoires où elle déclenche une immunité locale spécifique. Les chercheurs espèrent que ce nouveau vaccin protégera non seulement contre le déclenchement des symptômes de la maladie, mais aussi contre l’infection des voies respiratoires et donc contre le risque de transmission.

À ce jour, BPZE1 a été testé dans plusieurs essais cliniques qui impliquent des centaines de volontaires. Son innocuité et sa capacité à induire une réponse immunitaire locale (dans le nez) et systémique ont été démontrées chez l’adulte et chez des enfants âgés de 6 à 17 ans. Les données d’études récentes montrent en outre que BPZE1 réduit très fortement le nombre de porteurs sains : la colonisation par la bactérie chute très largement chez les personnes vaccinées par rapport aux non vaccinées. Le vaccin nasal pourrait ainsi aider à réduire le risque de transmission, et donc l’ampleur des épidémies. Des études de phase 3 devraient être menées au cours de l’année 2025 afin de confirmer l’efficacité et la tolérance du vaccin nasal.

D’autres vaccins sont actuellement développés par des équipes académiques ou des firmes pharmaceutiques, fondés sur une voie d’administration nasale ou injectable, mais aucun n’a encore dépassé le stade des essais précliniques.

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