Covid-19 : cibler les macrophages pour lutter contre le syndrome respiratoire aigu

En ciblant des cellules du système immunitaire impliquées dans l’inflammation, une équipe Inserm de l’institut Gustave-Roussy à Villejuif espère réduire leur production de molécules associées à la survenue du syndrome respiratoire aigu chez les patients atteints de Covid-19. Les chercheurs misent dans un premier temps sur le repositionnement de médicaments déjà utilisés dans d’autres indications. Si cette approche thérapeutique s’avère payante, ils se lanceront dans le développement de médicaments plus spécifiques.

À Villejuif, l’équipe de Jean-Luc Perfettini* travaille sur une nouvelle stratégie thérapeutique pour contrer le Covid-19 : la reprogrammation fonctionnelle de cellules du système immunitaire, les macrophages. En effet, les données déjà disponibles au sujet de cette nouvelle maladie indiquent que le syndrome respiratoire aigu associé, qui peut être fatal aux patients, serait dû à des lésions des tissus pulmonaires provoquées par un afflux extrêmement important de molécules inflammatoires : des cytokines. Les spécialistes parlent même d’« orage » ou de « tempête cytokinique ». Or, ces molécules pro-inflammatoires sont essentiellement produites par les macrophages.
Jean-Luc Perfettini et son équipe connaissent bien ces cellules immunitaires. Ils les étudient depuis plusieurs années dans le cadre du traitement du cancer et d’autres infections, en particulier celles causées par le VIH‑1. « Ces cellules ont la capacité de passer d’un état anti-inflammatoire à un état pro-inflammatoire selon les situations et les maladies », explique-t-il. Les chercheurs ont notamment identifié une protéine impliquée dans ces changements d’état : NLRP3. Celle-ci conduit habituellement à la production de cytokines pro-inflammatoires en réponse à des signaux alertant l’organisme de la présence d’intrus tels que des microbes ou des cellules cancéreuses, mais elle peut aussi être directement contrôlée par des protéines microbiennes et favoriser l’infection. Un exemple de détournement de la protéine NLRP3 a récemment été mis en lumière par l’équipe de Jean-Luc Perfettini dans le cadre de l’infection au VIH‑1.

Contrôler l’activité de la protéine NLRP3

Ici, l’objectif est donc de reprogrammer les macrophages en prenant NLRP3 pour cible, afin de les rendre moins pro-inflammatoires et d’empêcher la tempête cytokinique. Pour cela, le chercheur mise sur le repositionnement de médicaments. Certaines molécules déjà sur le marché ciblent directement ou indirectement la protéine NLRP3. D’autres présentent une structure susceptible d’avoir une affinité pour cette dernière. Les chercheurs ont ainsi identifié douze candidats et sont en train de les tester in vitro sur des macrophages. Deux des molécules sont d’ores et déjà extrêmement prometteuses. 

L’équipe recherche actuellement les doses et les séquences d’utilisation qui pourraient présenter un intérêt thérapeutique. Elle travaille également sur leur formulation, pour permettre une administration par nébulisation (sous la forme d’aérosols). Une fois cette étape achevée, ces candidats médicaments passeront dans les mains de Roger Le Grand** qui les testera chez l’animal (primates non humains). En parallèle, Jean-Luc Perfettini se rapprochera de cliniciens pour monter un essai chez l’humain : « L’objectif est d’aller le plus vite possible compte tenu de l’urgence sanitaire. C’est pour cela que nous misons d’abord sur le repositionnement de médicaments, qui évite bien des étapes dans le développement. Dans un second temps, si le ciblage de NLRP3 s’avère efficace, nous développerons de nouvelles molécules plus spécifiques », explique-t-il. 

Les chercheurs espèrent par ailleurs que ces molécules auront un effet sur la réplication du virus. « Dans le cas du VIH‑1, la protéine NLRP3 contrôle l’infection virale. Si cela est également le cas avec le SARS-CoV‑2, nous ferions coup double en réduisant la charge virale et en limitant la réaction pro-inflammatoire et le risque de détresse respiratoire », espère-t-il. 

Ce projet a été sélectionné dans le cadre du dispositif ANR Flash Covid-19.

Notes :
* unité 1030 Inserm/Université Paris-Saclay/Institut Gustave-Roussy, Villejuif
** unité 1184 Inserm/Université Paris-Saclay/CEA, Fontenay-aux-Roses