Le VIH‑1 contourne un mécanisme de résistance de la réponse immunitaire

Un mécanisme de la réponse immunitaire innée pourrait protéger de l’infection contre le VIH‑1… malheureusement, il est immédiatement déjoué par le virus lui-même. C’est ce que vient de découvrir l’équipe de recherche de Jean-Luc Perfettini.

Les mécanismes de l’immunité innée qui se mettent en place au moment où le virus VIH‑1 entre dans l’organisme sont encore mal connus. Or, c’est cette réponse qui peut permettre l’entrée du virus dans les cellules cibles ou, au contraire, conduire à son rejet. A Villejuif, l’équipe de Jean-Luc Perfettini* se consacre depuis plusieurs années à décrire ces étapes précoces de l’infection. En 2011, ce travail avait permis de publier un article montrant que la liaison du virus à un récepteur présent à la surface de la cellule hôte active la protéine P2Y2, nécessaire à la fusion des membranes qui permet l’entrée du virus. Cette découverte avait incité l’équipe à comprendre comment P2Y2 est régulée, et à rechercher ses partenaires. Ils viennent de découvrir l’un d’eux : la protéine NLRP3, qui s’avère jouer un rôle déterminant dans l’infection.

NLRP3 était déjà connue des scientifiques : elle est impliquée dans les réactions inflammatoires, favorisant la production d’une cytokine pro-inflammatoire. Mais l’équipe de Jean-Luc Perfettini lui a découvert une nouvelle fonction de protection contre l’infection au VIH‑1. Différentes expériences menées in vitro ont permis aux chercheurs de constater que P2Y2 et NLRP3 se lient naturellement l’une à l’autre dans les cellules immunitaires. Tant que la quantité de NLRP3 est élevée, le virus ne peut pas rentrer dans la cellule et reste bloqué à l’extérieur. NLRP3 empêche en effet les remaniements du cytosquelette (l’échafaudage qui donne à la cellule sa forme et son organisation physique) nécessaire à la fusion des membranes et l’entrée du virus. 

Un mécanisme de protection inédit, contourné par le VIH‑1

Malheureusement le VIH‑1 a une botte secrète. Lorsqu’il active P2Y2, une voie de signalisation qui entraine la dégradation de NLRP3 se déclenche. Ainsi la reconnaissance de la cellule hôte par le virus entraine irrémédiablement une baisse de la quantité de NLRP3 et la disparition de l’effet protecteur de cette dernière. « NLRP3 contrôle l’infection par le VIH‑1 mais le virus sait déjouer ce mécanisme de protection pour rentrer dans la cellule hôte », résume Jean-Luc Perfettini. Les chercheurs ont confirmé leurs résultats sur des cultures primaires de lymphocytes et de macrophages infectés, ainsi que sur des biopsies animales et humaines. 

L’équipe espère maintenant aller au-delà. « P2Y2 était connue, NLRP3 également. Mais ce travail établit pour la première fois l’interaction entre ces deux protéines, avec des conséquences majeures sur la réponse innée face à un agent infectieux. On peut dire que grâce à notre travail sur le VIH‑1, nous avons décrit un nouveau mécanisme de la réponse innée. Nous allons maintenant rechercher les partenaires de ce complexe P2Y2/NLRP3 pour tenter de moduler cette interaction. En parallèle, nous allons vérifier comment cette interaction est régulée dans d’autres situations physiologiques. Ce mécanisme a peut-être une influence dans la réponse innée face à d’autres maladies, comme certains cancers ou des maladies inflammatoires par exemple », conclut Jean-Luc Perfettini. 

Note :
*unité 1030 Inserm/Université Paris-Sud/Institut Gustave Roussy, Radiothérapie moléculaire, Villejuif 

Source : A Paoletti et coll. HIV‑1 Envelope Overcomes NLRP3-Mediated Inhibition of F‑Actin Polymerization for Viral Entry. Cell reports du 24 septembre 2019 DOI : 10.1016/j.celrep.2019.02.095