AgeMed : Comprendre les mécanismes du vieillissement pour mieux s’y attaquer

Lancé en 2016, AgeMed est un des trois programmes scientifiques transversaux de l’Inserm. Consacré au vieillissement, un sujet devenu essentiel en santé publique, il a pour but de fédérer une communauté scientifique française autour de projets collaboratifs sur le sujet.

[Mise à jour du 16 novembre 2023]
Pour en savoir plus sur les résultats scientifiques qui ont été obtenus grâce au programme AgeMed, consultez la page dédiée.

« Le vieillissement est une très ancienne question, mais les biologistes et médecins ne s’y sont vraiment attaqués que récemment. Nous vivons une véritable explosion de nouveaux concepts dans ce domaine », affirme Éric Gilson, directeur de l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement (IRCAN, unité 1081 Inserm/CNRS/Université Nice Sophia Antipolis, Nice). Le chercheur travaille de longue date sur les télomères, ces séquences localisées aux extrémités des chromosomes qui rétrécissent au cours du temps, à chaque division cellulaire. Il s’est donc naturellement intéressé au vieillissement, au point de fonder l’IRCAN en 2012, « le premier institut à associer les thématiques du vieillissement et du cancer  » selon ses propres mots. Depuis 2016, il assure en outre la coordination scientifique d’un programme transversal (voir encadré) auquel participent une vingtaine d’équipes Inserm : le programme AgeMed, pour from AGed cells to MEDical applications (de la cellule âgée aux applications médicales). 

Le grand âge représente un risque majeur de cancer et de pathologies chroniques (maladies neurodégénératives, cardiovasculaires, ostéoporose, diabète de type 2, fibrose pulmonaire ou hépatique, etc.). Or en 2050, en France comme dans les pays comparables, un habitant sur trois aura 60 ans ou plus. Pour être en mesure de prévenir et/ou de prendre en charge efficacement les maladies liées à l’âge que risquent de développer ces personnes, il est nécessaire de mieux comprendre les mécanismes du vieillissement. C’est l’objectif du programme AgeMed. Il vise en particulier à établir comment des mécanismes cellulaires connus – au moins partiellement – se traduisent en vieillissement des organes et de l’organisme dans son ensemble. 

Cellules sénescentes et cellules vieillissantes...

Phénomène aujourd’hui bien caractérisé, la sénescence est l’état que finit par acquérir une cellule après une accumulation de stress de toutes natures : chaleur, radiations, radicaux libres, manque ou excès de nourriture, drogues, agents polluants... ou encore nombre excessif de divisions. Lorsqu’elle ne peut ni réparer les dégâts ni se suicider, la cellule change de forme et de fonctionnement. Et surtout, elle perd sa capacité à se diviser. « Des résultats expérimentaux nous permettent d’avancer que ce phénomène cellulaire reflète un, voire plusieurs aspects du vieillissement de l’organisme. Pour la première fois, nous entrevoyons ainsi un mécanisme du vieillissement commun à tous les organes « , souligne Eric Gilson. AgeMed cherchera à mieux caractériser les causes et l’horloge de la sénescence, et à mieux comprendre comment l’organisme élimine – ou pas – ces cellules. L’accumulation de cellules sénescentes dans les tissus semble en effet contribuer à certaines pathologies liées à l’âge. 

Un deuxième axe de travail, plus exploratoire, s’intéresse aux cellules dites âgées. « Nous avons de bonnes raisons de penser que, pour certains types cellulaires, le vieillissement ne passe pas par l’étape de sénescence. Cela concerne en particulier les cellules qui ne se divisent pas, comme les neurones, les cellules musculaires ou celles de la rétine « , explique le chercheur. Les cellules âgées ont un métabolisme énergétique modifié et contrôlent moins bien la qualité des macromolécules qu’elles synthétisent en permanence. Les équipes impliquées dans cet axe de travail se focalisent sur le vieillissement neuronal, espérant mieux approcher des pathologies neurodégénératives comme les maladies de Parkinson, Alzheimer ou Huntington. 

Modéliser, pour comprendre et agir

Le troisième grand axe de travail sera consacré à la modélisation informatique des mécanismes cellulaires, en partenariat avec Dassault Systèmes. Si les modèles s’avèrent suffisamment prédictifs, ils pourront également être utilisés pour indiquer des cibles thérapeutiques ou prédire l’action de candidats médicaments. Des industriels ont déjà manifesté leur intérêt. 

Les programmes scientifiques transversaux de l’Inserm

l’Inserm a récemment lancé trois programmes transversaux, sur autant de thématiques émergentes et considérées comme prioritaires en raison leurs répercussions en santé publique : 

Il s’agit, après appel d’offres auprès des équipes Inserm et sélection des projets par un jury international, de faire émerger des communautés de recherche sur un sujet donné. Les trois consortia ainsi créés sont ouverts à des partenariats académiques et industriels. Tous consacrent un axe de travail à la modélisation/simulation avec Dassault Systèmes (3DS). Les recherches, d’abord fondamentales, permettront de lancer des partenariats public-privé dès lors que des perspectives d’applications se dessineront. 

Un an après sa mise en route effective, AgeMed a rempli ses premiers objectifs avec une dizaine de publications et trois brevets déposés. « Une des vertus de ce programme transversal est d’avoir fait émerger une communauté scientifique française dans le domaine du vieillissement, comme il en existe déjà dans des pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis « . Eric Gilson aimerait maintenant élargir cette communauté. « Nous allons organiser, fin 2018 ou début 2019, une rencontre ouverte à toutes les équipes intéressées. Il faut que ce programme profite à l’ensemble de la recherche française », estime-t-il.