AccueilActualitéPortraitsSandrine Sarrazin, exploratrice de l’immunité et passeuse de savoirsSandrine Sarrazin, exploratrice de l’immunité et passeuse de savoirs Publié le : 06/11/2025 Temps de lecture : 4 min PortraitsDes globules rouges aux globules blancs, de la biologie du développement à l’immunologie, Sandrine Sarrazin bouscule la vision des cellules souches à l’origine des composants du sang. Et elle a à cœur d’en parler !Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°66Sandrine Sarrazin, Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (unité 1104 Inserm/Aix-Marseille Université/CNRS) © Inserm/François GuénetDu rouge vers le blanc. Non, on ne parle pas de la façon de se brosser les dents. Il s’agit ici de la couleur des globules que Sandrine Sarrazin étudie. Alors que sa thèse portait sur la fabrication des globules rouges, la chercheuse de 52 ans s’intéresse désormais aux globules blancs, au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML).Commençons par là où tout commence : dans la moelle osseuse, avec les cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules, en se divisant et en acquérant des caractères propres à tel ou tel type cellulaire, sont à l’origine de tous les composants du sang : les globules rouges, qui transportent l’oxygène ; les globules blancs, impliqués dans la défense immunitaire ; et les plaquettes, des éléments qui interviennent dans le freinage… des saignements. De nombreuses maladies peuvent s’expliquer par un déséquilibre dans ce processus.D’abord les globules rougesDès l’école primaire, la jeune Iséroise a le goût de l’expérimentation, et une envie : devenir chercheuse et « identifier les gènes responsables de maladies » ! Son parcours universitaire la conduit ainsi en thèse, en 1997, au Centre de génétique moléculaire et cellulaire à Lyon. La jeune femme décortique alors le processus de fabrication des globules rouges. Elle s’intéresse à la régulation de la synthèse de Fli‑1, une molécule dont on sait que le dérèglement entraîne une leucémie rare, une leucémie des globules rouges. « J’ai révélé que son expression était régulée à trois niveaux, dont un mettant en jeu un télescopage de ribosomes », précise Sandrine Sarrazin. En opérant depuis divers points de l’ARN messager, ces molécules chargées de transformer l’information génétique en protéines participent à un mécanisme sophistiqué de régulation.Après sa thèse, la chercheuse aimerait travailler avec des organismes vivants, pour « aborder des questions complexes ». Un alignement de planètes la conduit à s’installer à Marseille : Michael Sieweke, un chercheur allemand dont elle a repéré les travaux, crée une équipe au CIML, et son compagnon travaille à Martigues, à 40 km !Pas de hasard chez les cellules souchesRecrutée en post-doctorat, Sandrine Sarrazin veut comprendre comment les cellules souches hématopoïétiques choisissent d’orienter leur lignage vers les globules blancs capables de phagocytose, les « mangeurs de microbes ». « On considérait jusque-là les cellules souches hématopoïétiques comme des reines aveugles au sein de la ruche, produisant de manière aléatoire les cellules ouvrières spécialisées. Et que seulement après leur production, ces ouvrières étaient amplifiées en réponse à des engrais spécifiques », commente Sandrine Sarrazin. En termes biologiques, cela se traduit ainsi : en réponse à des cytokines, les cellules issues des cellules souches hématopoïétiques se spécialisent en tel ou tel type de cellules sanguines.Mais les travaux de la chercheuse montrent que les cellules souches hématopoïétiques elles-mêmes peuvent capter des signaux, notamment ceux émis en réponse à une infection, et produire plus de phagocytes : ce n’est pas seulement le hasard qui guide la différenciation.Un nouveau type de mémoire immunitaireLes découvertes sur des facteurs influençant la différenciation de cellules souches hématopoïétiques vers les mangeurs de microbes s’enchaînent et Sandrine Sarrazin publie dans les prestigieuses revues Cell, Nature ou encore Science ! En 2006, la chercheuse est recrutée à l’Inserm.Sandrine Sarrazin entourée de (de gauche à droite) Bérengère de Laval, chargée de recherche, Lucas Ruffinatto, étudiant en thèse, Yann Groult, étudiant en thèse et Johanna Iacono, ingénieure de recherche © Inserm/François GuénetDernièrement, avec Bérengère de Laval, elle aussi chercheuse au CIML, la spécialiste montre que les cellules souches hématopoïétiques ont de la mémoire : « Elles gardent une trace des infections passées pour déclencher une production de phagocytes plus rapide et plus efficace par la suite. Un nouveau type de mémoire immunitaire, complémentaire de celle des lymphocytes B, les globules blancs qui produisent des anticorps. » Une piste à explorer pour créer de nouveaux vaccins ?Plus récemment, la spécialiste et ses collègues de l’équipe de Jean-Pierre Gorvel, au CIML, ont montré que les cellules souches hématopoïétiques reconnaissent et interagissent directement avec Brucella. Cette bactérie est responsable de la brucellose, une maladie contagieuse chez l’animal, transmissible aux humains. « Cela prouve leur contribution très précoce à la réponse immunitaire », insiste la chercheuse.Médaille du partageSandrine Sarrazin s’efforce de rendre accessibles ces notions scientifiques complexes, ce qui l’a conduite à créer un « Immuno Club » pour sensibiliser le personnel non scientifique du CIML. Pendant la pandémie de Covid, elle utilise ses talents de vulgarisation pour expliquer le virus et les vaccins à ARN à son entourage, et s’engage dans la cellule Riposte de l’Inserm pour aider les journalistes à diffuser des informations fiables. « C’était fondamental pour moi que les informations soient vérifiées et cela a permis d’établir des relations de confiance avec ces professionnels ! »Son parcours scientifique et son implication dans la communication vers le grand public lui ont valu en 2021 de recevoir les insignes de chevalier de l’ordre national du Mérite. « En tant que pur produit de l’École républicaine et fonctionnaire d’État, cette distinction est une immense fierté, surtout pour mes parents, qui ont été ouvriers toute leur vie. »Sandrine Sarrazin poursuit ses recherches à l’interface de l’hématopoïèse et de l’immunologie avec une visée thérapeutique, tout en trouvant un équilibre grâce au volley, qu’elle pratique régulièrement pour gérer le stress.Sandrine Sarrazin est chargée de recherche au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (unité 1104 Inserm/Aix-Marseille Université/CNRS).Propos recueillis par J. C.Photos : Inserm/François GuénetÀ lire aussi Infections chroniques : l’étude de la brucellose révèle un mécanisme potentiellement commun à d’autres bactériesActualité, Science De mémoire de lymphocyte 🎓📜… C’est quoi être immunisé ?C’est quoi En image – Cure de jouvence pour le système immunitaire !Actualité, Science